
Avec 46 minutes de temps de jeu effectif, ce Irlande-France, comptant pour la 2e journée du Tournoi des 6 Nations 2023, a atteint des sommets d’intensité, de rythme, et de férocité dans les duels. Forcément, ça a mâché les corps.
Le capitaine du XV de France, Antoine Dupont, ne s’est pas présenté face à la presse à l’issue du match, étant « épuisé » et victime « d’un coup au ventre » selon les dires du sélectionneur Fabien Galthié. Preuve d’une activité rare, et de Bleus qui ont dû puiser au plus profond d’eux-mêmes pour rivaliser.
80 minutes pour Dupont lors d’Irlande-France
Pour la deuxième fois de suite dans la compétition, le n°9 et capitaine des Bleus a disputé les 80 minutes de la rencontre. Et on l’a vu émoussé comme jamais à l’issue du match. « Il joue beaucoup sur l’énergie, sa dimension physique et c’est légitime d’être parfois fatigué », décrypte pour Actu Rugby Aubin Hueber, ancien demi de mêlée international (23 sélections), aujourd’hui directeur du rugby du RCTPM (coopération entre les clubs féminins de Toulon, La Valette, La Seyne-sur-Mer et Hyères-Carqueiranne) en Élite 2.
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« Antoine était cramé en fin de match, cela se voyait », souligne l’ex-entraîneur de Toulon (2003-2006 et 2008-2011) ou de France U20 (2019). « Offensivement, il a été bien cadenassé, même s’il a fait quelques différences. Mais il a tellement donné défensivement… Il a pris des gros, ça use. Il ne s’est pas enlevé, cela l’a épuisé. Et quand les Irlandais ont pu appuyer un peu les plaquages sur lui, le mettre à mal en fin de match, ils l’ont fait ».
Sur la fin du match, Antoine a pris une bonne cartouche et les Irlandais l’ont touché. Je pense qu’il aurait fallu le sortir un peu avant.
L’ex-demi de mêlée international n’oublie pas aussi la situation personnelle de Dupont, qui a dû faire face à un événement familial la semaine avant l’Italie. « Inconsciemment, ça touche forcément. C’est quelque chose à prendre en compte. Cela peut expliquer son manque de jus sur cette fin de match ».
6 Nations. Le temps de jeu des n°9 présents lors du 6 Nations 2023
Antoine Dupont : 1260 minutes jouées cette saison
Tomos Williams : 1141 minutes jouées cette saison
Ben White (ECO) : 1044 minutes jouées cette saison
Stephen Varney (ITA) : 881 minutes jouées cette saison
Jack Van Poortvliet (ANG) : 847 minutes jouées cette saison
Jamison Gibson-Park (IRL) : 506 minutes jouées cette saison
Conor Murray (IRL) : 496 minutes jouées cette saison
Éviter de « cramer » Dupont
La gestion du capitaine des Bleus (26 ans ; 44 sélections) pose forcément question en cette année de Coupe du monde, où Fabien Galthié est même allé jusqu’à demander aux clubs de faire davantage souffler les cadres du XV de France. Avec les Bleus, Antoine Dupont n’est pas économisé, loin s’en faut.
« On sait qu’Antoine est un extraterrestre. C’est le meilleur n°9 du monde. Je pense qu’il devrait aussi avoir sa propre gestion personnelle. Il devrait l’analyser et dire quand il a besoin de souffler », indique Hueber. Qui fait part de sa crainte principale à tout juste 7 mois de la Coupe du monde : « J’ai peur que ce joueur talentueux, à l’énorme capacité physique, soit cramé à un moment donné ».
« Sur les GPS, rien n’a dû alarmer le staff… »
Dupont aurait pu sortir, ou demander à être remplacé, lorsque le XV du Trèfle a scellé le match à la 73e minute avec l’essai de Garry Ringrose (32-19). « La messe était dite, il ne fallait surtout pas le cramer », souffle Hueber.
Ce dernier fait toutefois confiance au staff tricolore, conscient de ce qu’il fait concernant la santé de son leader de jeu. « Galthié est un adepte des datas. Sur les GPS, rien n’a dû alarmer le staff. En bord de terrain, William Servat, qui sent les choses, a dû demander à Antoine s’il est encore apte ou pas. Le joueur doit être honnête, et Antoine l’est je pense ».

Quel message pour la concurrence ?
Outre le fait d’exposer tout particulièrement Antoine Dupont, une autre question se pose quant au message envoyé aux « finisseurs ». Nolann Le Garrec contre l’Italie, et Baptiste Couilloud face à l’Irlande, ne sont pas entrés en jeu alors qu’ils auraient pu soulager le Toulousain sur les fins des deux matchs.
« OK, Dupont est l’un des rares qui peut te faire un exploit extraordinaire. Mais quand tu as la meilleure équipe du monde en face, il n’y a plus d’extraterrestre. Face à l’Italie, on aurait déjà dû le faire coacher. Le Garrec a du talent, et il n’y aurait pas eu un grand risque de le faire rentrer. L’aligner un petit quart d’heure n’aurait pas été déjouer », dit Hueber.
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Le natif de Tarbes (Hautes-Pyrénées) pense toutefois que le staff a dû avoir une explications avec les deux concernés. « C’est un staff assez honnête dans ses décisions, il dit les choses. Je sais que ce n’est pas facile à trouver la bonne solution, le bon équilibre, mais attention à ne pas frustrer les joueurs qui ne rentrent pas ».
Ne pas les frustrer, car pour la Coupe du monde, il semble presque sûr que le staff des Bleus partent avec trois n°9. Il serait dommageable d’en avoir un dans le lot qui n’a quasiment jamais été utilisé, et un autre sur les rotules. Car n’oublions pas que le Stade Toulousain aura du mal à ne pas aligner Antoine Dupont lors des matchs les plus importants de sa saison entre avril et juin…
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