Depuis sept mois, elle n’arrive pas à obtenir un permis de louer pour un logement bien entretenu qui a toujours été loué depuis 2014.
Quatre refus ! Annie Vilain qui s’occupe d’un petit immeuble de quatre logements, acheté par son fils en 2014, près du château à Beaucaire, ne cache pas son exaspération. Devant elle, une pochette bien garnie de documents qui attestent de toutes ses démarches et, surtout, cet ultime refus du 19 janvier d’un permis de louer qui la met en rogne.
« Améliorer les logements »
Quand le locataire précédent quitte le logement en avril dernier, Annie Vilain fait refaire les peintures et demande donc un permis de louer pour lequel elle fournit les diagnostics plomb, amiante, électricité, DPE, etc. Une procédure que la commune de Beaucaire a mise en place en novembre 2021 pour lutter contre les marchands de sommeil qui louent des logements indignes.
« C’est une bonne démarche, reconnaît Catherine Valet, en charge des locations à l’agence Guy Hoquet de Tarascon et qui s’occupe des logements de la famille Vilain. Un peu lourde pour les propriétaires mais qui améliorent le niveau des logements. À Tarascon, où le permis de louer a aussi été mis en place par la mairie ça se passe très bien, mais à Beaucaire, c’est vraiment très compliqué, reconnaît-elle. Si l’appartement de la famille Vilain ne l’obtient pas, aucun ne passe alors ! C’est bien simple, je ne prends plus de locations sur Baucaire et des propriétaires revendent car ils n’arrivent pas à obtenir ce permis… »
Dossier bloqué depuis sept mois
Un rendez-vous avec le maire en juillet dernier n’a rien débloqué et le dernier refus « est ubuesque avec une liste d’une quinzaine de points à reprendre qui n’étaient même pas mentionnés dans les premiers refus, comme une ampoule trop faible dans l’escalier ou un tableau électrique accessible depuis l’escalier », s’étonne Annie Vilain qui, vu les délais a dû refaire les DPE, « 230€ la première fois, et encore 180€ la seconde fois ».
Trop de contraintes ?
Le permis de louer est intéressant mais trop contraignant. C’est le sentiment partagé des agences et propriétaires à Beaucaire. « Cela demande un gros travail administratif, du temps pour les visites et contre-visites, nous, on le facture 90€ à nos clients qui perdent au moins deux mois de loyer le temps que toutes les démarches soient faites », glisse un agent immobilier. Une autre explique que le cahier des charges très complexe cadre mal avec l’habitat ancien du centre ancien. « Même rénovés, des appartements n’obtiennent pas le permis… « Et des demandes de travaux entraîne des surcoûts dans le secteur sauvegardé supervisé par les bâtiments de France… voire sont impossibles à réaliser, « comment élargir une porte d’entrée dans un immeuble ancien ? Pour les propriétaires, c’est un peu la double peine. » Une autre agence, enfin, s’étonne de voir une pousette ou un vélo dans un hall d’immeuble poser problème. « Il faut que tout le monde y mette du sien », tempère un loueur. « En attendant, beaucoup de propriétaires jettent l’éponge et revendent mais cela impacte les prix du marché ».
Elle s’est engagée à reprendre le garde-corps d’une fenêtre dans un appartement très propret, a rajouté une hotte dans la cuisine, repris le garde-corps de la mezzanine dont l’espacement entre les barres est de 20 cm au lieu de 18… « Pendant ce temps, le crédit pour acheter l’immeuble court et le loyer ne rentre plus. C’est un engrenage infernal », se désole Annie Vilain. On lui a proposé de faire des baux précaires de meublé de trois, six ou neuf mois pour contourner la contrainte du permis de louer. « Mais moi, je souhaite juste louer un appartement bien géré à un locataire pérenne ! »
Coup de frein au marché locatif
Dans le centre de Beaucaire, d’autres agences font le même constat : « On le voit, ça dissuade des propriétaires d’investir à Beaucaire pour louer », dit l’un. « ça a mis un vrai coup de frein au marché locatif », ajoute une autre. Les contraintes administratives sont tellement lourdes, diagnostic, visite, travaux, contre-visite, remettre l’électricité en route pour que les contrôles soient faits… « Depuis août, nous avons des propriétaires qui ne s’en sortent pas ».
Pire, « cela encourage la location au black », observe Catherine Valet.
Julien Sanchez : « un bilan va être réalisé »
Le permis de louer a été mis en place en novembre 2021 et la municipalité a prévu de réaliser très prochainement un bilan de la première année de fonctionnement. L’objectif premier est de lutter contre l’habitat indigne et insalubre, les marchands de sommeil ou encore d’obliger les propriétaires à faire des travaux indispensables. « Ce qu’on a réussi à faire » constate le maire Julien Sanchez. Au-delà de ces cas de figures, y’a-t-il trop de problèmes et d’injonctions contradictoires pourr de propriétaires qui proposent des locations correctes mais avec les contraintes de l’ancien, voire du très ancien ?
« Le permis est appliqué de manière stricte et c’est vrai qu’à Beaucaire se rajoutent les contraintes liées au secteur patrimonial remarquable et le regard des Bâtiments de France. Cela peut retarder la mise en location de certains logements mais quand ils sont loués, ils sont nickels » note Julien Sanchez. Qui précise que sur des cas particuliers, il est tout a fait possible de prendre rendez-vous avec l’adjoint à l’urbanisme pour tenter de trouver des solutions. Le bilan permettra sans doute de mettre à plat les atouts et les faiblesses de ce dispositif dont personne, sur le fond, ne conteste finalement l’utilité.
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