Dans cette affaire, il y a ce qui est incontestable : l’enlèvement et la séquestration. Élodie Texier avait rompu avec Rémi Bauzet le 6 janvier 2021, après deux années de vie commune. Le soir du 21 janvier, il se cache près du domicile de sa mère, à Soubise. À son arrivée du travail, armé d’un couteau de cuisine, il oblige son ex-compagne à monter dans son véhicule, direction Pons, à 52 km de là. À un kilomètre de chez lui, il la force à aller dans le coffre, bouche et bras entravés avec du Scotch.
« Ils sont là pour m’abattre »
Le SMS qu’il avait envoyé du téléphone de son ex pour rassurer la famille produit l’effet inverse : la sœur d’Élodie alerte le 17. En arrivant chez lui, Rémi Bauzet répond au téléphone à une nièce de la jeune femme, inquiète pour elle, qui lui dit que les gendarmes sont prévenus. La victime assure que c’est après cet appel qu’il la libère, juste au moment où les militaires débarquent devant la maison.

Dessin Alain Paillou
« En une minute, j’ai le temps de la sortir, enlever le bâillon, la prendre dans mes bras ? », objecte Rémi Bauzet lors de l’interrogatoire qui ouvre la deuxième journée d’audience. Lui affirme qu’il voulait juste faire « vraiment, vraiment peur » à la victime, qu’il a libérée volontairement. La famille de son ex-compagne chercherait à « l’enfoncer ». « Ils sont là pour m’abattre. Ce que je regrette le plus, c’est d’avoir présenté mes enfants à ces gens-là. »
« C’est très inquiétant parce que les risques de réitération sont particulièrement importants »
Oui, ce qu’il a fait est « grave ». Mais il le maintient : « Elle a trahi ma confiance. J’étais abattu. » Son avocate, Oriane Chevallier, remonte dans une enfance marquée par « la trahison et l’abandon. Une fois adulte, la lave de l’enfance rejaillit à chaque abandon. Ce volcan, Élodie Texier a su le mettre en sommeil. Le 6 janvier 2021, c’est la fracture. Rémi Bauzet a de nouveau 5 ans. La lave se répand et emporte avec elle tout ce qu’il a construit. »
« De plus en plus violent »
L’avocate générale, Cécile Flamet, admet ces traumatismes. Elle rappelle aussi les multiples violences sur ses diverses compagnes, à l’origine de la plupart des huit condamnations à son casier. « Rémi Bauzet, quand c’est foutu, on le connaît. Il harcèle, jusqu’au passage à l’acte. C’est l’escalade. À chaque fois, c’est de plus en plus violent. Rémi Bauzet veut qu’on lui dise en face qu’on le quitte, mais c’est ce qu’il s’est passé pour l’une d’elles : elle a pris un coup de barre de fer derrière la tête. Le moment où la séparation se concrétise, c’est le moment privilégié du passage à l’acte homicide. La jalousie, c’est le motif principal du féminicide. Et le lieu privilégié, c’est l’ancien domicile conjugal ou le nouveau domicile de la compagne. »
Pour elle, « ce n’est pas parce qu’il est pétri de remords qu’il ouvre le coffre, mais parce qu’il a perdu ». De multiples indices montrent « qu’il était décidé à tuer ». « Qui vous dit qu’il serait allé jusqu’au bout ? Quelle est la certitude ? », rétorque Me Lionel Béthune de Moro. L’avocat de la défense fustige des manques dans l’enquête, la fragilité des témoignages des trois amis affirmant que Rémi leur avait annoncé ses intentions.
« Elle se viole toute seule ? »
La défense conteste aussi le viol. Le couple se revoit le 13 janvier. Lui veut faire une dernière fois l’amour, elle refuse. Mais prise de frayeur parce qu’il a cassé son téléphone, elle cède, en l’aidant même pour en finir au plus vite. « Elle pleure, mais elle s’introduit mon sexe dans le sien ? Donc elle se viole toute seule ? », s’emporte Rémi Bauzet.

Philippe Ménard
« Il ne pouvait ignorer que c’était sous la contrainte morale qu’elle s’est soumise à ce rapport », considère l’avocate générale. « En permanence, il rejette la faute sur les autres. Les ex qui sont des cas sociaux. Les médecins qui ne le soignent pas. C’est très inquiétant parce que les risques de réitération sont particulièrement importants. »
Elle requiert une peine de quinze ans de réclusion criminelle. La cour d’assises est allée plus loin : dix-huit ans. Elle relaxe Rémi Bauzet de la tentative d’assassinat, mais elle retient l’enlèvement, la séquestration, l’absence de libération volontaire, ainsi que le viol. « Il n’y a pas de prise de conscience », commente le président Franck Wastl-Deligne. Elle prononce en outre un suivi sociojudiciaire d’une durée de sept ans et l’interdiction de paraître en Charente-Maritime.