
« En 30 ou 40 ans d’exercice, c’est la première fois que nous faisons grève. »
Lionel Lecler, Dominique Vivien et Gérard Avakiantz exercent à Aubergenville depuis plusieurs décennies en tant que médecins généralistes.
À lire aussi
- Yvelines. Aubergenville : la maison médicale, un vrai plus pour les jeunes médecins
Depuis 2019, ils sont installés dans la nouvelle maison médicale située à deux pas de la mairie où ils cohabitent avec de plus jeunes confrères. C’est pour défendre la nouvelle génération qu’ils ont décidé de se mettre en grève le mardi 14 février 2023.
« On va de plus en plus vers une médecine déshumanisée »
« Je suis solidaire de ces jeunes médecins qui vont s’installer et qui durant 30 ou 40 ans, seront dévalorisés », explique Lionel Lecler.
« On va de plus en plus vers une médecine déshumanisée, estime Dominique Vivien. C’est dommage car je pense qu’il faut d’abord soigner l’humain avant de soigner la maladie. »
« La notion de travail a changé, poursuit Gérard Avakiantz. Il y a une vingtaine d’années, on faisait des gardes jour et nuit mais c’était par amour du métier. Aujourd’hui, les jeunes n’acceptent plus de telles conditions, la société a changé. Et si on ne fait rien, d’ici 10 ans, il n’y aura pas de nouveaux médecins généralistes. »
Faible hausse du prix de la consultation : « Une honte »
Alors que cette génération de médecins s’apprête à partir à la retraite d’ici quelques années, la relève se fait attendre. Mais le métier est de moins en moins attractif.
L’Assurance maladie nous propose une augmentation de la consultation d’1,50 euros (ndlr : de 25 à 26,5 €). C’est une honte. Ça correspond seulement à l’inflation de l’année. On espérait au moins qu’elle soit revalorisée à 30 ou 35 euros. Aujourd’hui, ça coûte aussi cher d’aller chez le coiffeur que chez le médecin. En termes de pouvoir d’achat, on est à – 200 % en 30 ans. On est la seule profession qui n’est pas indexée sur l’inflation. Si on ne dit rien, dans cinq ans, on nous augmentera seulement d’un euro.
Ces professionnels de santé dénoncent des mesures injustes (des niveaux de rémunération différents en fonction de la participation des médecins à des gardes de nuit).
« On nous fait comprendre qu’on ne travaille pas assez alors qu’on accueille entre 30 et 50 patients par jour de 8 h du matin à 8 h du soir », déplore Dominique Vivien. « C’est à nous de compenser les erreurs politiques qui ont été commises depuis 30 ans », regrette le docteur Pierre Katerji, plus jeune que ses confrères mais tout aussi remonté.
La loi Rist, une source d’inquiétude
Autre sujet d’inquiétude, la proposition de loi Rist qui devait être examinée dès ce mardi 14 février 2023 par le Sénat.
Des infirmiers en pratique avancée (IPA) vont pouvoir faire le travail des médecins sur certaines pathologies. Les kinés vont pouvoir prescrire une rééducation sans passer par le médecin, les pharmaciens pourront renouveler des ordonnances… J’estime qu’on doit travailler tous ensemble et pas les uns contre les autres.
En résumé, le climat général n’incite pas à l’optimisme. Jeune médecin de 28 ans s’apprêtant à passer sa thèse, Clément Morisson est conscient de la tâche qui l’attend.
À la fac, on me regardait comme un extraterrestre car je voulais faire de la médecine de ville.
Des médecins soutenus par leurs patients et le maire
Prêts à renouveler leur mouvement de grève, les médecins généralistes de la maison médicale se réjouissent « d’avoir le soutien de la population qui se montre compréhensive ».
Et du maire de la commune, Gilles Lécole. « Que ça soit la commune ou le département, on fait plein d’efforts pour aider nos médecins. Et ces efforts sont contrecarrés par des décisions méprisantes (ndlr : l’augmentation envisagée d’1,50 € de la consultation) au regard de leur travail. Il y a beaucoup d’ingratitude », conclut le maire d’Aubergenville.