
Deux supports, mais un même esprit. Cheville ouvrière de la page Au pays de Picou sur Facebook et du site internet 50-ans-louannec.bzh, Jean-Paul Simon est aussi un homme de l’écrit, passeur et mémorialiste de sa chère commune de Louannec et de la vie rurale d’antan.
Son verbe d’ancien enseignant, sa plume agile de chroniqueur sportif, il les met aujourd’hui à profit pour partager avec humour des souvenirs de jeunesse chez L’Harmattan, en « fils du Trégor » qu’il est. Un ouvrage qui part comme des petits pains en librairie et au fil des dédicaces organisées ces dernières semaines.
Mémoire collective
« Jean-Paul aime passionnément sa commune de Louannec où il est né, il la sillonne chaque jour à pied, qu’il pleuve ou qu’il vente. Il en connaît chaque arpent de terre, chaque rocher, chaque maison, rappelle en préface le journaliste Joël Freymond. Gardien attentif de cette mémoire collective, il est animé depuis longtemps par la volonté de la transmettre aux jeunes générations ».
Avec le DVD La Saga de la Trégor Valley, le réalisateur Olivier Caillebot et l’historien Jean-Jacques Monnier ont rappelé dernièrement ces décennies de bouleversements qu’ont connues les habitants et le territoire depuis les années 50.
En écho à ces lignes de force, il est heureux que des gens d’ici prennent la plume et conjurent l’oubli des temps rudes qu’ils ont vécus, à l’image d’une Madeleine Lamour à Ploubezre, ou encore du Pain moisi, mémoires du paysan du Trégor Joseph Le Moal.
À lire aussi
- Autour de Lannion. Quand le Cnet chassait les fermes : Yvonne Person, la mémoire d’une époque
Solidarité
C’est de saison, Jean-Paul Simon prend un avatar pour remonter ses souvenirs : il coiffe la casquette du facteur Zantig (bienveillant préposé au « Petit Travail Tranquille », qui sait taire ce qui doit l’être) pour rendre visite à tout son petit monde dans cette paroisse riche de 120 fermes. Des anecdotes consignées dans un précieux carnet…
C’est l’immédiat après-guerre, où l’église règne encore sur le quotidien, où les tâches de la ferme priment sur le tableau noir. Une vie rude, mais une solidarité à la mesure des misères que tant d’hommes et de femmes partagent au quotidien. Déjà, les premiers signes du progrès font écho aux sirènes d’une vie supposée meilleure à la ville.
Chroniques paysannes
Les affres de la guerre, le patrimoine, la nature, la vie paysanne, la cérémonie du cidre, les cancans au lavoir, la noce, des personnages haut en couleur comme Auguste Adam ou le taupier, les métiers disparus, la terrible affaire Maillot, le foot au temps de Pelé, les églises qui se vident et le château d’eau qui se remplit : autant de tableaux alertes que brosse Jean-Paul Simon, certains assortis de commentaires éclairants tout particulièrement pour les plus jeunes.
Pour autant, Jean-Paul Simon n’en conclura pas que « c’était mieux avant » : « C’était bien au niveau de l’entente entre les gens, dans la vie du hameau, mais je préfère ma vie d’aujourd’hui : on ramait, en ce temps-là ! »
Sur les pas du facteur Zantig
« Zantig – diminutif d’Alexandre – n’en revenait pas. Il serait facteur comme l’attestait la lettre qu’il tenait entre les mains. Ce jour où on apprit qu’il était admis à occuper ce poste, la ferme de Poul Ranet se mit en joie. Rendez-vous compte : un fonctionnaire chez les Marhic. Combien d’échelons gravis dans la promotion sociale par un des leurs ! (…) Au moins, son salaire à lui tomberait cash. A chaque fin de mois ».
« Notre homme était au courant de tout ce qui se passait dans le village. A peine le chien tirant sur sa chaîne avait-il annoncé son arrivée à la ferme, à peine avait-il toqué à la porte toujours ouverte que la maîtresse de maison avait posé sur la table aussi longue que celle d’un monastère une tasse et une bouteille de cidre (…) Et puis les questions fusaient ».