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Battue et humiliée par son conjoint, Sophie a survécu : « c’est un très long chemin »

Photo d'illustration - témoignage victime de violences conjugales.
PHOTO D’ILLUSTRATION – En Gironde, les violences intrafamiliales ont bondi de +10% en 2022, rien qu’en zone gendarmerie. (©Actu Bordeaux)

« Pour la première fois de ma vie, j’ai eu honte. J’ai accepté cet article car si je peux aider même une seule victime de violences – femme ou homme – à ne pas rester dans son silence, j’aurais fait quelque chose de bien. »

Dans le nord de la Gironde, Sophie*, 35 ans, a connu des années de violences psychologiques, puis physiques infligées par son ex-conjoint. Cette maman raconte son histoire et les grandes étapes de son parcours pour « s’en sortir », à l’heure où les violences intrafamiliales pèsent encore lourd, très lourd, avec 17% d’augmentation en France, en 2022.  

« Il me répétait que j’étais grosse, moche, que je puais »

« Ça se passait très bien les quatre premières années, malgré un « monsieur » pas très démonstratif, pas vraiment dans l’affectif », souffle dans le téléphone la jeune maman de deux enfants. En 2014, un drame familial « nous fait prendre des chemins opposés », analyse Sophie. Il a fait son deuil de son côté, moi du mien. » C’est une première cassure. 

Arrive peu après la naissance d’un fils, puis d’un deuxième et un projet de maison. « À l’époque, les remarques humiliantes frappent déjà. Mais la toute première gifle, elle, tombe un matin de 2018. » Et elle s’en souvient très bien. 

C’était un lendemain de soirée. On devait aller se promener en famille. Sauf qu’il n’avait pas décuvé. J’ai essayé de le réveiller. Il m’a giflé avant de me donner un coup de poing et une série de gifles devant mon fils en m’insultant.

Sophievictime de violences conjugales

À partir de cette date, « les gifles et coups de poing » pleuvent régulièrement, sans prévenir. « Monsieur boit beaucoup. Moi je suis caractérielle, j’ai du répondant et je ne me laisse pas faire. »

Alors quand le ton monte, les coups partent. « Mais pas tous les jours », justifie maladroitement Sophie comme pour s’excuser face à celles et ceux qui « eux », sont battus quotidiennement. Même quelques années après, le traumatisme est toujours là.  

« Les humiliations, ça par contre, c’était tout le temps. Il me répétait que j’étais grosse, moche, que je puais, que personne ne voudrait de moi… À force d’entendre que vous ne servez à rien, vous avez besoin de faire vos preuves. J’avais besoin de me prouver que je n’étais pas une merde. »

Des réflexions aux menaces

Des mots d’une grande violence qui sont, pour Sophie, à l’origine d’un premier déclic en 2019 : celui de reprendre une activité professionnelle après plusieurs années passées à s’occuper de ses enfants. « J’ai trouvé rapidement du travail comme commerçante. » Sans qu’elle ne le sache à ce moment-là, c’est une première « clé » vers sa future porte de sortie.

« C’est arrivé un jour où l’on recevait du monde. » Il y a d’abord une première dispute à propos des enfants. Puis des réflexions, qui basculent en menaces, alors que les invités sont là. « Quand tout le monde sera parti, je vais m’occuper de ton cas », lui glisse-t-il discrètement dans la cuisine.

« C’est vraiment la première fois que j’ai eu cette boule au ventre de peur », se souvient Sophie la gorge nouée à l’autre bout du fil. Elle n’avait « pas peur » des gifles. Mais elle ressent cette fois quelque chose de différent. « Ça a été le déclic. » Quelques heures plus tard, la maison se vide. « Monsieur » fait la sieste. « J’ai préparé trois sacs, j’ai pris les enfants et je suis partie chez des proches. » 

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La fin des coups, le début du harcèlement

Malgré la fuite, les mois qui suivent sont très difficiles. « À ce moment-là, il m’avait brisée », explique Sophie. Il y a d’un côté « la dépression », « la perte de poids brutale due au stress » qui lui cause de très graves problèmes de santé et « la peur du regard de la famille », dont elle s’était éloignée « à cause de lui ». De l’autre, la fin des coups sonne le début d’un harcèlement qui va durer deux ans.

Il me suit, me menace de mort, prend des photos de chez moi qu’il envoie aux enfants, crève les pneus de ma voiture… Jusqu’à essayer de me faire perdre mon travail.

Sophie, 35 ans

La liste est sans fin. Jusqu’aux nouvelles violences physiques qui la poussent à déposer plainte à la gendarmerie à l’été 2021, avant la première condamnation de son conjoint qui écope d’une peine de prison avec sursis. Il sera condamné, après d’autres faits, à de la prison ferme.

« C’est un très long chemin », insiste cette battante dont le quotidien est imprévisible, rythmé par « les menaces », les démarches avec « douze plaintes en un an ». Le calvaire a changé de forme, mais il s’éternise. « Heureusement, je suis tombée sur des gendarmes extraordinaires. Ce sont eux qui m’ont mise en contact avec l’association Vict’Aid – (service d’aide aux victimes avec prise en charge juridique, psychologique et sociale). »

« J’ai eu toute l’artillerie »

« Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans l’association », insiste Sophie dont la sécurité est alors suspendue, à deux reprises, au bon fonctionnement du Téléphone Grave Danger. « J’ai eu toute l’artillerie », raille-t-elle. Jusqu’au bracelet anti-rapprochement, quand elle apprend par Vict’Aid que son conjoint va sortir plus tôt de prison. « Heureusement qu’elles m’ont prévenue. Mais c’était un choc. »

En Gironde, les violences intrafamiliales (VIF) – parmi lesquelles les violences conjugales – ont bondi de +10% en 2022 pour atteindre 3 011 victimes, rien qu’en zone gendarmerie. Un chiffre qui parle de lui-même, et un fléau devenu une priorité pour les militaires.

En décembre dernier, à Bordeaux, la gendarmerie de Nouvelle-Aquitaine recevait ses homologues espagnols de la Guardia Civil afin d’échanger sur les moyens existants, dans les deux pays, pour lutter contre ces violences.

En Espagne, le combat contre les féminicides a démarré il y a une quinzaine d’années. Un de leurs outils est d’ailleurs très attendu des gendarmes français : la base de données unique VIOGEN permettant notamment de faciliter le suivi des victimes et des changements de situation comme la sortie de prison. 

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Dans les deux pays, les forces de l’ordre sont formées à la prise en charge des victimes et à l’évaluation des risques. Une série de questions dont se souvient Sophie, qui a dû refaire l’évaluation à plusieurs reprises. « Et j’ai réalisé que je me sentais de plus en plus en danger. »

Même si la menace pèse toujours, la jeune femme « a refait sa vie avec un conjoint exceptionnel » et « manage aujourd’hui toute une équipe », exprime-t-elle fièrement.  « J’ai oublié les gifles, mais je n’ai pas oublié les mots. Ça résonne encore. Par contre, je n’ai plus peur de me battre. »  

*Le prénom et certaines informations singulières ont été modifiées pour protéger la victime. 

Association Vict’Aid : infos et contact au 05 56 01 28 69 ou sur institut-don-bosco.fr
Numéro national (gratuit) d’écoute et d’information pour les victimes de violences faites aux femmes : 3919 

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