
« Je voulais apporter une réponse à ce que j’ai lu », fait savoir Isabelle Lefevre, lorsqu’elle franchit les portes de l’Éveil Normand. Dans notre édition du 11 janvier 2023, notre article sur la fermeture prochaine du seul pressing de Bernay (Eure) l’a interpellé. En effet, elle fait partie des trois acheteurs potentiels ayant contacté Brigitte Martel, propriétaire du Pressing de la Charentonne. Surtout, c’est une de ses paroles qui l’a faite « bondir ».
« Je veux travailler »
« De façon générale, on a du mal à trouver du personnel. Sur les trois personnes, je sais que ce n’était pas une question de financement. Je suis convaincue que le problème reste le boulot », a déclaré Brigitte Martel. Des paroles qui ont indigné Isabelle Lefevre pour celle qui recherche un pressing à reprendre.
Après une dizaine d’années dans la blanchisserie et travaillant en tant que couturière, « je voulais finir ma carrière à mon compte ». En mars 2022, elle trouve l’annonce de Brigitte Martel sur un site français de petites annonces en ligne. « On s’est vu plusieurs fois, pour chaque nouvelle étape », indique Isabelle Lefevre. Ainsi, elle réalise les devis pour remplacer les machines, elle s’inscrit à des stages et formations en gestion auprès de la Chambre de commerce et de l’industrie (CCI) et se rapproche aussi de sa banque pour un prêt. « J’ai réalisé un prévisionnel auprès de la Chambre de commerce. Il fallait investir plus de 100 000 euros pour reprendre le pressing », découvre-t-elle. Isabelle Lefevre le reconnaît, Brigitte Martel a une clientèle fidèle, « mais par rapport à l’investissement, ce n’est pas assez rentable ».
Investir 100 000 euros, ce n’était pas possible pour moi. Et c’est pareil pour quelqu’un de 30 ans.
Elle le conçoit, ce service de proximité fait face à de nouvelles habitudes. « Peu de personnes sont intéressées par le métier. Et les gens vont de moins en moins au pressing. On doit se diversifier comme travailler auprès de gîtes ou d’hôtels, explique Isabelle Lefevre. Quand j’ai lu ça, ça m’a fait mal. Il faut aussi dire le vrai. Il y a des courageux, des gens qui veulent bosser. »
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Des investissements supplémentaires
Pour Isabelle Lefevre, le fond du problème pour la reprise du Pressing de la Charentonne réside dans son ensemble. « Il n’est pas dans les normes. En reprenant le pressing, il y avait un risque que l’établissement soit fermé pour cette raison si je ne faisais pas les investissements nécessaires », indique-t-elle. En visitant le fonds de commerce, elle découvre une machine de nettoyage à sec fonctionnant au perchloroéthylène. En 2013, la ministre de l’Écologie et de la transition énergétique de l’époque, Delphine Batho, signe un arrêté pour interdire ce produit utilisé comme solvant dans les pressings. Il fait partie de la liste des substances « probablement cancérigènes » par le Centre international de recherche sur le cancer.
Les établissements avaient jusqu’à 2022 pour se conformer à la loi et réaliser une transition vers des machines ou des produits en règle. Entre 2013 et 2022, les professionnels avaient notamment droit à un soutien financier.
Isabelle Lefevre prend contact avec Brigitte Martel en mars 2022. « Je n’avais plus le droit aux aides qu’elle aurait pu avoir », indique-t-elle. Surtout, elle découvre que la location du lieu comprend aussi un appartement inhabitable – le propriétaire n’ayant jamais fait les travaux -, « au total, le loyer s’élève à 15 000 euros par an, ce n’est pas possible », insiste-t-elle.
En décembre 2022, elle annonce à la propriétaire du pressing son retrait pour la reprise de son commerce. « Le projet me tenait à cœur, décrit-elle. J’avais avancé dans le projet, mais en reprenant le pressing, j’allais me mettre dans une galère, je n’allais pas y arriver. »
Malgré cette déception, elle n’a pas baissé les bras. Elle nous prévient en souriant, un pressing va bientôt ouvrir dans les environs, « on se reverra bientôt pour un nouvel article ».