
Il s’en passe à Cahors… à se pincer parfois, tant des faits glaçants font oublier que le Lot reste malgré tout, l’un des départements les plus sûrs de France ! Ainsi, cette affaire de carjacking* (piraterie routière) dont les habitants pouvaient imaginer être épargnés, mais dont une jeune femme a fait les frais. L’affaire a été portée devant le tribunal correctionnel de Cahors, ce jeudi 16 février 2023.
À lire aussi
- Cahors. Le tribunal prononce une obligation de quitter le territoire pour 4 trafiquants de drogue…
Le prévenu absent à la barre
« C’est bien dommage que le prévenu (E) n’ait pas répondu à la convocation du tribunal, eu égard à la gravité des faits reprochés et à la peine encourue ! » déclare Philippe Clarissou, le président du tribunal. E, 26 ans, serait installé en Charente-Maritime et ne se sentirait pas concerné, niant toute implication dans cette affaire. Il s’est fait représenter par Me William Brullot.
Des faits qui font froid dans le dos…
Le 25 août 2019 vers 21 h 15, à Cahors, une jeune femme sort d’un parking au volant d’une voiture Mercedes (Classe A) appartenant à son père. Elle vient de quitter la station de nettoyage… Mais ne voilà-t-il pas qu’un véhicule de type 4X4, lui barre la route, se positionnant juste devant son capot. Et en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, deux individus masqués sortent du véhicule, l’un porte un casque intégral et l’autre une cagoule. Un troisième, lui aussi visage dissimulé, reste au volant du 4X4. L’opération de carjacking est rondement menée. L’un des individus se précipite vers la conductrice de la Mercedes, pistolet au poing. Il ouvre la portière pour extirper la conductrice de son siège et la faire descendre. Un deuxième individu tient en joue la jeune femme à l’aide d’une « arme longue » s’apparentant à un fusil. On peut imaginer la frayeur s’emparant de la victime, dépossédée de la voiture en moins de deux. L’enquête révèlera que l’un des deux braqueurs au moins, est mineur ! La nuit tombe, l’un des malfaiteurs prend place au volant de la Mercedes et les deux véhicules prennent la poudre d’escampette, laissant sur les lieux la jeune femme terrorisée…
La Mercedes est retrouvée à Sarlat
Quelques jours après ce carjacking cadurcien, la Mercedes est retrouvée à Sarlat-la-Canéda (Dordogne). C’est grâce aux mégots déposés dans le cendrier du véhicule qu’ont pu être relevées des traces ADN conduisant les enquêteurs à mettre la main sur un mineur défavorablement connu des services de police de Cahors. Après avoir nié son implication dans cette affaire, l’adolescent reconnaît être la personne qui a extrait la jeune conductrice de la Mercedes. Sont relevées également les traces ADN de sa petite amie. Enfin, la troisième identification opérée sur la base des prélèvements ADN recueillis dans la Mercedes, conduit à E, celui-là même qui ne s’est pas présenté devant le tribunal de Cahors.
E est condamné pour le braquage du MacDo de Sarlat
Les infractions routières commises par la Mercedes après son départ de Cahors ont permis aux enquêteurs de retracer son itinéraire, dévoilant un aller-retour sur Paris, avant une fin de course à Sarlat. Quelques jours après le carjacking de Cahors, début septembre 2019, E écope d’une peine de quatre ans de prison, dont trois ans ferme, dans le cadre d’une comparution immédiate devant le tribunal de Bergerac. Pris sur le vif, E a été reconnu coupable du braquage à main armée du MacDo de Sarlat-la-Canéda, intervenu le lundi 2 septembre, soit une semaine après le carjacking de Cahors.
L’ADN, reine des preuves ?
Le président Clarissou constate que les trois mis en cause ont évolué dans leurs déclarations au fur et à mesure que les traces ADN ont révélé qu’ils étaient montés dans la Mercedes, alors qu’au départ, chacun d’eux feignait de ne pas connaître les autres… E évoluerait depuis plusieurs années dans un environnement de délinquance… Or, malgré ses traces ADN relevées dans la voiture, E nie devant les enquêteurs avoir participé au carjacking de Cahors. Il serait monté dans le véhicule après Cahors… Pour sa part, la jeune femme dépouillée de la Mercedes assure que le pistolet qui lui est présenté est le même que celui qui a été pointé sur elle.
Pour quel mobile ce carjacking ? Cupidité ? Seulement pour effectuer un déplacement sur Paris ? Pas de réponse.
La victime « terrorisée » par les faits
« La victime qui craignait de se retrouver devant son agresseur n’a pas souhaité assister à l’audience » indique Me Camille Mallemouche, regrettant au passage que le prévenu n’ait pas daigné se déplacer. L’avocat fait part du traumatisme enduré par sa cliente, qui a du mal à se remettre de la violence de ce carjacking. « Cette jeune femme a été terrorisée par la scène et elle se sent dans l’insécurité, en permanence ! Elle s’enferme dans la voiture, elle craint les arrêts au feu rouge… » souligne Me Mallemouche. La victime serait sous le coup d’un stress post-traumatique. L’avocat demande une expertise et 1000 € au titre d’une provision pour le préjudice subi.
Le Parquet requiert 4 mois de prison ferme
Pour Patrick Serra, Substitut du Procureur de la République du Lot, la culpabilité du prévenu ne fait pas de doute. Il rappelle que les prélèvements ADN ont permis de retrouver les agresseurs. Certes, depuis ces faits datant de 2019, E ne fait plus parler de lui, constate-t-il. Il requiert à son encontre 15 mois de prison, dont 11 avec sursis probatoire pendant une période de 2 ans avec obligation de travail. Il demande une interdiction de port d’arme pendant 5 ans et une interdiction de contact avec la victime pendant 3 ans, ainsi que la confiscation des armes.
La défense sème le doute
Me William Brullot fait valoir plusieurs points de fragilité dans l’accusation de son client. A ses yeux, les prélèvements ADN, indiquent tout au plus, que son client est entré dans le véhicule, mais ne prouvent nullement qu’il est l’auteur du carjacking. « Il a pu monter à bord de la Mercedes après les faits, lorsque le véhicule était sur Sarlat-la-Canéda » scande l’avocat. Il met en avant l’alibi de son client qui travaillait dans un restaurant à cette époque où il faisait la plonge plusieurs jours par semaine. « Le jour des faits faisait bien partie de son emploi du temps de travail, de 20h à 23h » assure l’avocat. Cependant, les enquêteurs n’ont pas pu rapporter la preuve de sa présence dans cet établissement de restauration, car le patron, interrogé un an après les faits, a affirmé ne pas pouvoir apporter une réponse formelle, d’autant que divers documents administratifs ont brûlé lors d’un incendie de son bureau. Me Brullot, estime que rien ne prouve que E ait été l’auteur du carjacking de Cahors. « Il ne pouvait pas être à Sarlat en train de laver les gamelles du restaurant et à Cahors pour faire un carjacking ! » s’exclame-t-il en demandant la relaxe de E.
Après en avoir délibéré, le tribunal a estimé ne pas disposer d’éléments suffisamment concordants pour condamner E et il a prononcé sa relaxe, au bénéfice du doute.
Ce carjacking de Cahors, restera t-il impuni ?