
L’espace Koed-Noz, à Ploërdut (Morbihan), a accueilli, vendredi 3 février 2023, la toute première réunion publique du collectif Terres libres, qui s’oppose au projet agrivoltaïque du groupe Valeco. Ce dernier entend recouvrir 31 ha de terres agricoles de près de 57 000 panneaux solaires, « dans un coin merveilleux avec, pas loin, une réserve naturelle », décrit Anne-Françoise Périvier, membre du collectif.
Une pétition a déjà récolté plus de 450 signatures.
En faisant du porte-à-porte, on s’est rendu compte que 80 % des habitants de la commune sont contre. Ce qui montre que la population de Ploërdut ne veut pas de cette centrale photovoltaïque géante !
200 à 250 brebis sous les panneaux
Le groupe Valeco, producteur d’énergie renouvelable créé en 1995 (Montpellier), et l’Allemand EnBW envisagent d’installer 56 680 panneaux photovoltaïques sur sept parcelles qui se situent autour des hameaux de Nirenec, Kercable, Manermair, Le Cosquer, Quénécouer, Runasquer et Penhoët-Bras. Soit, une superficie de 31 hectares !
La puissance électrique produite par ce parc solaire serait de 33 655 MWh, ce qui équivaudrait à la consommation de 15 523 habitants, chauffage compris. Ce parc solaire serait raccordé à un poste électrique situé à Locmalo, à 14,8 km de là.
Les parcelles qui accueilleraient les panneaux photovoltaïques seraient clôturées d’un grillage haut de 2,50 m. Le projet de Valeco et d’EnBW à Ploërdut est dit agrivoltaïque : des brebis (entre 200 et 250), élevées en bio, pourront pâturer sous les panneaux solaires. Ce que Valedo qualifie, dans son dossier, de « projet sur mesure pour développer une synergie entre production agricole et production photovoltaïque », afin de « soutenir la filière agricole et l’inclure dans la transition énergétique. »
Un bail emphytéotique de 40 ans
Si le projet voit le jour, le propriétaire des terres signera avec le groupe Valeco un bail emphytéotique de 40 ans. En échange, il percevra une redevance locative annuelle « comprise entre 450 et 800 euros par hectare », selon ses dires. Les collectivités ne seront pas oubliées, puisqu’elles empocheront la taxe d’aménagement, la taxe sur le foncier bâti, la contribution économique et territoriale et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux. Soit, pour un projet basé sur 31 ha avec une puissance de 30 MW : 21 500 euros pour la commune de Ploërdut, 28 500 euros pour Roi Morvan Communauté et 45 000 euros pour le Département.

» Sur les toits, pas sur les terres agricoles «
Pour l’instant, le projet agrivoltaïque de Valeco est sans sa phase dite de développement : études faunistiques, floristiques, paysagères… Le permis de construire pourrait être déposé dès cet été. La construction de la centrale est prévue en 2025-2026 pour une mise en exploitation en 2027 et ce, jusqu’en 2067, date de son démantèlement promis par Valeco.
« Les panneaux photovoltaïques, c’est sur les toits, pas sur les terres agricoles », ne cesse de marteler le collectif Terres libres.
Les espaces déjà artificialisés ne manquent pourtant pas : zones commerciales, autoroutes, parkings, usines… Ce projet est une ineptie : on va neutraliser des terres arables pour produire de l’énergie !
Ce dernier dénonce les impacts négatifs pour l’écologie, l’agriculture et le monde rural.

« En face, on a des requins qui n’ont qu’un but : faire du pognon ! »
Après avoir présenté le projet et fait entendre l’interview d’un responsable de Valeco (émission La petite lanterne sur Radio kreiz Breizh, par Morgane Large), le collectif a donné la parole au public. Extraits :
- Anne-Marie Robic, de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (Sites et monuments) : « Je ne suis pas venue ici pour débattre, mais pour combattre ! Ce projet va rapporter beaucoup d’argent à celui qui va louer ses terres. Mais ce propriétaire n’a pas compris les dégâts qu’il va causer à une si belle commune. Mais le plus scandaleux, c’est le fait de prendre des terres pour faire du business. 31 hectares, c’est énorme ! En face, on a des requins qui n’ont qu’un but : faire du pognon ! »
- Jean-Marc Thomas, de la Confédération paysanne : « Moi aussi, j’ai été prospecté. Valeco nous présente ça comme un complément de revenu en proposant entre 2 000 et 4 000 euros par hectare et par an. Moi, j’ai 50 ha, ce qui me ferait 100 000 euros par an, alors que je gagne actuellement 10 000 euros. Ce n’est pas un complément de revenu, c’est une rente ! De plus, ce projet va créer une distorsion de concurrence entre agriculteurs : il y aura ceux qui pourront produire de l’énergie et ceux qui ne pourront pas. Je ne vous parle pas du renchérissement du foncier. Il y a aussi le problème du bail emphytéotique que propose Valeco : c’est un contrat d’occupation précaire que signera le propriétaire qui veut élever des brebis sous les panneaux. Du jour au lendemain, il pourra être viré de sa propre ferme. Valeco est chez lui ! Enfin, avec cette centrale photovoltaïque, on fige le système de production sur ce site pendant 40 ans. Si la production de brebis disparaît, que deviennent les panneaux ? Vous croyez qu’ils vont les enlever ? »
- Thierry Papillon, entrepreneur : « Qui démontera les panneaux solaires dans 40 ans ? Où seront ces entreprises, comme Valeco, dans 40 ans ? »
- Un habitant de Ploërdut : « Là, ça commence sur 30 ha, mais après, ce sera tout autour et ce ne sera jamais démantelé ! »
- Un autre Ploërdutais : « A partir du moment où il y des clôtures hautes de 2,5 m autour des parcelles, je m’interroge sur la libre circulation des animaux. Et je ne vous parle pas de la sensibilité des animaux aux ondes électromagnétiques… »
- Guillaume Perivier, de Terres libres : « Se pose la question des oiseaux. Un champ de panneaux photovoltaïque, ce n’est ni une forêt, ni une prairie. Valeco a toujours des réponses toutes faites, mais avec des études réalisées dans des endroits plus arides qu’ici. Pour les études environnementales qui ont lieu en ce moment, Valeco n’est passé que deux fois ! »
- La conservatrice de la réserve naturelle de Quénécouër : « La question des clôtures se pose pour les chauves-souris, les loutres, les oiseaux. Même si c’est considéré comme une nature ordinaire, elle ne va pas être ordinaire longtemps. Ce projet va impacter un environnement et détruire une biodiversité pour 40 ans. »
- Un ancien agriculteur : « Si l’agriculteur a accepté le projet de Valeco, c’est qu’il y voit un intérêt économique. Des moutons uniquement, c’est trop juste pour vivre ! »
- Un quadra de Ploërdut : « Valeco fait du démarchage offensif tous azimuts. C’est un projet et peu importe où il se fera du moment où ils arriveront à le refourguer. Ce genre de projet évite de poser la question de ce qu’on peut vraiment faire pour les agriculteurs. L’argent ruisselle pour que tout le monde se taise et que ce même système perdure. »
- Une femme : « Quand j’entends parler de ce projet, un mot me vient : égoïsme. L’égoïsme d’un propriétaire à une période où il devrait y avoir plus de solidarité et de partage. Ces 30 ha pourraient être cultivés par dix maraîchers ; ce serait plus utile que des panneaux solaires ! »
- Guillaume Périvier, de Terres libres : « Le permis sera déposé cet été. C’est maintenant que tout se joue. Il faut faire des propositions. Est-ce qu’une centrale villageoise pourrait-elle être intéressante ? Il faut reprendre la main et arrêter de se soumettre à des puissances extérieures. Les pouvoirs publics ferment les yeux sur ces saccages au nom de la biodiversité. »
Les membres du collectif Terres libres vont prochainement rendre compte de cette réunion publique devant le conseil municipal…