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C’est quoi ce dispositif pour bloquer l’accès du porno aux mineurs ?

Une annonce confiante de l’exécutif sur un sujet épineux. « En 2023, c’est la fin de l’accès aux sites pornographiques pour nos enfants », a affirmé dimanche dans les colonnes du Parisien Jean-Noël Barrot, le ministre délégué chargé du Numérique. La France s’apprête effectivement à imposer une « attestation numérique » visant à contrôler l’âge afin de bloquer l’accès à la pornographie en ligne aux mineurs, dès septembre prochain.

Le détail du système de blocage doit être révélé dans la semaine. Pourquoi un tel dispositif ? Comment va-t-il être articulé ? Qu’est-ce que ça peut changer ? 20 Minutes fait le point sur le sujet, avec l’éclairage de Stéphanie Ladel, experte en addictologie et spécialiste de l’accompagnement des dépendants à la pornographie.

Pourquoi un tel dispositif est-il mis en place ?

Officiellement, l’accès à la pornographie en ligne pour un mineur de moins de 18 ans est interdit. Dans le Code pénal, le fait de diffuser du contenu pornographique à des mineurs est puni par l’article 227-24 de trois ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Dans la pratique, un simple clic sur la page d’accueil d’un site pornographique pour certifier qu’on est majeur permet d’accéder aux contenus. 

Un rapport sénatorial de près de 300 pages intitulé Porno : l’enfer du décor et paru en septembre 2022 dresse un constat alarmant etr place les Français au quatrième rang mondial des plus gros consommateurs de ce type de contenus. Parmi les 19,3 millions de visiteurs uniques de sites pornos par mois, 2,3 millions sont mineurs, dont un tiers a  moins de 15 ans. 80 % des jeunes de moins de 18 ans ont déjà vu des contenus pornographiques. Selon un sondage de l’Ifop (207), cité dans le rapport, 63 % des garçons et 37 % des filles de 15 à 17 ans ont déjà surfé sur un tel site, et 10 % des garçons le font au moins une fois par semaine.

Dans ce contexte, l’exécutif veut bouger, après plusieurs échecs. Dès 2018, Mounir Mahjoubi, alors secrétaire d’Etat au numérique, annonçait la mise en place d’un contrôle d’accès sur les sites pour adultes. « On va préciser dans notre Code pénal que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante contre l’accès à la pornographie des mineurs de moins de 15 ans », a évoqué Emmanuel Macron, en 2019.

C’est quoi ce nouveau dispositif ?

Pour empêcher les mineurs d’accéder aux contenus pornographiques, l’outil proposé par le gouvernement est une « attestation numérique ». La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) devraient en communiquer dans la semaine les détails techniques. 

« Un utilisateur d’un site pornographique, lorsqu’il souhaitera y accéder, devra certifier de sa majorité en cliquant sur cette attestation numérique. Cela fonctionnera un peu comme le contrôle demandé par votre banque lorsque vous réalisez un achat en ligne, sauf que ce certificat de majorité sera anonyme », a déjà détaillé Jean-Noël Barrot au Parisien, qui a pensé le système avec Charlotte Caubel, secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance.

Car, pour le gouvernement, la mission a été corsée : contrôler l’âge des visiteurs tout en respectant les législations sur les données personnelles. D’où l’utilisation d’une interface autre que le site pornographique en lui-même. L’exécutif a expliqué vouloir impliquer des opérateurs télécoms, qui disposent de l’âge de leurs clients, évoque le Parisien.

L’été dernier, la Cnil rappelait d’ailleurs qu’aucun système reposant sur l’envoi d’un justificatif d’identité à l’éditeur d’un site pornographique ne serait conciliable avec le respect de la vie privée, comme l’évoque BFMTV.

Ce nouveau système pourra-t-il être efficace ?

Depuis 2021, l’Arcom peut saisir la justice pour demander le blocage de sites pornographiques qui ne vérifient pas l’âge des internautes. Dans les faits, la procédure de contrôle qu’il doit effectuer n’est pas possible. Alors, ce nouveau système pourra-t-il être efficace ? « Je compte bien faire respecter la loi une bonne fois pour toutes. Les sites pornographiques devront s’y conformer sous peine de voir la diffusion interdite sur le territoire national », a menacé Jean-Noël Barrot. Or, le ministre va devoir convaincre les plateformes pornographiques d’intégrer le nouveau dispositif de contrôle juste pour les internautes français.

« En matière de pornographie, les offreurs tentent de s’affranchir des législations nationales. L’arsenal pénal existe déjà, et les sites pornographiques ont l’obligation de faire disparaître du paysage les personnes de moins de 18 ans. Mais cette obligation n’est jamais respectée, déplore Stéphanie Ladel, experte en addictologie. On ne peut pas faire porter la protection de nos jeunes à des sites qui sont habitués à ne pas agir dans la légalité. » Pour être efficace, ce type de système devra être contrôlé « dans la foulée de sa mise en place, avec des contrôles et des sanctions lourdes et emblématiques », expose notre spécialiste. 

D’autres pays que la France, qui annonce ce nouveau système comme unique au monde, ont essayé d’agir sur le sujet. Au Royaume-Uni, un projet de loi sur la sécurité en ligne est en discussion. Aux Etats-Unis, depuis le 1er janvier dernier, la Louisiane a voté une loi obligeant à présenter une copie de sa carte d’identité pour accéder à certains sites pour adultes.

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