
Le Conseil d’Etat, dans une décision rendue mardi 7 février, a désavoué la chaîne d’information en continu CNews, basée à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), qui voulait faire annuler une mise en demeure du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), aujourd’hui absorbé dans l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). Celle-ci lui avait été signifiée en juin 2021 après que la chaîne avait invité neuf fois en dix-huit jours le candidat à Paris du RN à l’approche des élections régionales en Ile-de-France.
Un « pluralisme » à respecter à l’avenir
Pour rappel le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen avait investi dans la capitale le journaliste de LCI Philippe Ballard ; sa liste, menée par Jordan Bardella au niveau régional, avait recueilli 5,39 % des suffrages exprimés sur Paris au soir du second tour. Le journaliste de 63 ans est désormais élu au conseil régional d’Ile-de-France, présidé par Valérie Pécresse.
La Société d’exploitation d’un service d’information (SESI) – propriété du groupe Canal+ détenu par l’homme d’affaires breton Vincent Bolloré – voulait donc dans cette affaire faire annuler la mise en demeure du CSA de respecter « à l’avenir » le « principe de pluralisme politique en période électorale ». L’éditeur de CNews voulait aussi faire annuler la « recommandation » du gendarme de l’audiovisuel, faite le même jour, de veiller à « assurer un accès équitable à l’antenne des listes en présence ».
Depuis une délibération adoptée dix ans plus tôt, le 4 janvier 2011, le CSA – désormais – demande aux chaînes de radio et de télé françaises de « veiller à ce que les candidats (…) bénéficient d’une présentation et d’accès équitable à l’antenne » quand l’actualité qui les amène en plateau est « liée à l’élection ». Dans le cas contraire, les invitations doivent être « liées aux nécessités de l’actualité ».
Il a parlé « pendant près d’une heure » en cumulé »‘
« Le CSA a relevé que M. Ballard, candidat tête de liste du Rassemblement national à Paris dans le cadre des élections régionales des 20 et 27 juin 2021 en Ile-de-France, avait été invité à neuf reprises sur le plateau de CNews entre le 10 et le 28 mai 2021 », rappelle donc le Conseil d’Etat dans un arrêt en date du 27 janvier 2023 qui vient d’être rendu public.
L’ancien journaliste de LCI s’est ainsi « exprimé pendant une durée globale de près d’une heure » et a « bénéficié de ce fait d’une exposition significative favorable à sa candidature » aux élections régionales.
Or CNews « n’a déclaré que sept minutes environ de ce temps » dans le cadre de sa couverture de l’actualité liée à la campagne en vue des élections régionales en Ile-de-France », constate la plus haute juridiction administrative française.
CNews disait l’inviter comme « ancien journaliste »
« Si la société (…) fait valoir que M. Ballard a été invité à s’exprimer sur des sujets d’intérêt national sans lien avec la campagne électorale (…) en sa qualité d’ancien journaliste, le CSA a toutefois relevé que ses interventions portaient sur des thèmes tels que la sécurité, la politique pénale et la politique sanitaire indissociables du débat électoral », notent les juges.
« Il n’est pas établi ni même allégué que l’intéressé, qui a été présenté à l’antenne dans presque chacune de ses interventions en sa qualité de candidat aux élections régionales, ait alors assumé au sein de sa formation politique des responsabilités nationales », ajoutent les magistrats à propos de l’ancien adjoint au maire (UDF) du Plessis-Trévise (Val-de-Marne).
« C’est à bon droit que le CSA a estimé (…) que ces interventions devaient être décomptées », en conclut le Conseil d’Etat. « Eu égard à la nature des manquements relevés comme à l’effet d’une mise en demeure, celle-ci n’a pas porté une atteinte excessive à la liberté d’expression. »/GF (PressPepper)