En cause, deux conteneurs maritimes, installés sur la plage en juin 2021 et convertis en bar-restaurant, le Carlos Beach Lafitenia, dont l’ouverture avait suscité l’émoi des riverains. Pour le gérant, Charles Cuxac, ce sont des food-trucks, montés sur roues et essieux. Mobiles, déplacés tous les soirs, donc légaux. Pour la mairie de Saint-Jean-de-Luz et le Collectif des associations de défense de l’environnement (Cade), ce sont des constructions pérennes, dans une zone Natura 2000, sensible à l’érosion et à la biodiversité fragile.
Char Léopard
Les parties civiles lancent l’offensive. L’avocat du Cade brandit son cartable. « Il a des roulettes, décrit Me François Ruffié. J’y mets un soda et un sandwich : vous avez un food truck. On peut faire pareil avec un char Léopard, ou tout ce que l’on veut. » Quand bien même la roue ferait le food-truck, Me Ruffié produit des photos du 8 février 2023 les montrant « concrétionnées dans le sable ». Pour lui, ils n’auraient jamais bougé. Au bénéfice du Cade, il demande 4 000 euros pour l’atteinte à l’environnement et autant au titre du préjudice moral. « Il s’agit de s’approprier notre patrimoine commun pour vendre des mojitos à coups de centaines de milliers d’euros. »
Si seule la société est appelée à la barre, la personnalité de son gérant, Charles Cuxac, n’est jamais loin. « Le droit de l’urbanisme n’a pas de secret pour lui, il connaît les poursuites depuis au moins juin 2021 et pourtant, il a continué à utiliser toutes les manœuvres dilatoires pour tirer le plus de profit possible de son installation », dénonce Me Émilie Logeais. Pour la mairie de Saint-Jean-de-Luz, avec l’appui du Cade, elle demande la remise en état des lieux. Grâce au renvoi du procès, début 2022, les conteneurs ont pu rester en place pour une deuxième saison estivale. Ils sont toujours sur le site.
Le gérant du camping de 40 000 places n’a pu s’en expliquer à l’audience. D’après son avocate, la polémique pèse sur sa santé. Il est arrêté depuis le mois d’août. Le ministère public le regrette. Par la voix de Jean-Claude Belot, il dénonce les arguments « loin dans l’irrationnel » et les « raisons purement mercantiles » de Charles Cuxac. Le parquet déplore au passage la mise en vente du camping « à un prix totalement inimaginable avec la possibilité d’y bâtir une construction avec vue sur la mer ».
« Carence de la preuve »
Pour le parquet, les faits sont établis. « Ce ne sont nullement des food trucks, mais des conteneurs maritimes, posés par des grues dans des conditions dont on n’ose imaginer ce qu’elles ont pu donner pour l’environnement. On les a habilement habillés avec des essieux et des roues. » Jean-Claude Belot dégaine leurs capacités techniques. Ce travestissement ne permettrait pas d’aller plus loin que 200 mètres, à 5 km/h maximum. Loin du principe itinérant d’un food truck. Le ministère public requiert 300 000 euros d’amende et la remise en état des lieux dans les trois mois, sous peine de devoir payer 500 euros par jour de retard.
Me Clotilde Cazamajor appelle à « revenir dans le cadre juridique ». L’avocate du Camping Playa dénonce « une carence importante de la preuve » pour plaider la relaxe. Les photos portées au dossier sont prises à plusieurs centaines de mètres. « Rien ne permet de savoir si les conteneurs sont mobiles ou non, ni s’ils sont restés plus de trois mois sur le site comme la loi l’interdit », estime Me Cazamajor. L’avocate de la défense l’affirme : « Ils étaient remontés tous les soirs dans la partie aménagée du camping ». Elle met en avant l’absence d’interdiction opposée à son client au moment de l’installation. Tout aurait été validé et concerté dès le départ avec la mairie. « Elle a constitué son propre dommage. » Face à la technicité du dossier, le tribunal s’est laissé jusqu’au 4 avril pour décider si, aux beaux jours, les mojitos seront de retour sur la plage.