Par Victor Fièvre Publié le La Presse de la Manche Voir mon actu Suivre
À l’occasion de la journée nationale du fromage, ce samedi 27 mars, rencontre avec Hervé et Véronique Lefort, éleveurs de chèvres et fromagers à Liesville-sur-Douve (Manche), dans le Cotentin depuis 36 ans.
Un métier de passion qu’ils s’appliquent à transmettre, pour passer la main à leur successeur… dans quelques jours. En effet, le 1er avril 2021, la chèvrerie de la Huberdière ne sera plus à Hervé et Véronique. Adrien Marécal, 33 ans, reprend l’affaire. Il travaille depuis près de trois ans à la chèvrerie. L’adaptation s’est faite en douceur.
On ne pouvait pas la laisser à quelqu’un sans expérience.
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Plus de 150 chèvres pour fournir du lait
Faire du fromage n’est en effet pas une mince affaire, d’autant plus lorsque celui-ci est fermier. Toutes les étapes de la conception du produit sont maîtrisées par les éleveurs. Alors Véronique et Hervé Lefort possèdent de nombreuses casquettes, d’agriculteur à éleveur en passant par commercial ou encore guide, puisque la ferme se visite.
Hors période Covid en effet, les touristes viennent faire la rencontre des chèvres de la Huberdière. « La grise », la couleur de son pelage, issu d’un croisement, sort souvent du lot. Habituée aux photos, elle pose devant l’objectif. Elle fait partie des 150 chèvres laitières de l’exploitation, bientôt rejointes par 80 autres, encore des chevrettes.
Elles alimentent en lait le laboratoire situé juste en face de la résidence. Difficile de faire circuit plus court. Leur paillasse, la salle de traite et le lieu de confection du fromage sont rassemblés dans un rayon de 50 mètres.

Trois jours pour fabriquer un fromage frais
Lorsque le lait entre, il met trois jours à se métamorphoser en fromage frais. Après avoir fermenté pendant 24 heures, il doit être retourné et salé deux fois toutes les huit heures. Un séjour en chambre froide, et il est prêt à la vente. Ça paraît simple, mais l’attention doit être constante, sans compter les règles sanitaires à respecter strictement.
On détermine le prix de vente et les gens sont prêts à le mettre pour de la qualité. On vend sur les marchés, à la ferme et dans la grande distribution.

La pandémie leur a fait perdre un client majeur, les restaurateurs, 35 % des ventes.
Alors après 36 ans, on a repris notre bâton et on est allé démarcher de nouveaux clients.
Une tâche plus facile qu’à leur début selon l’éleveuse. « Dans la grande distribution, on a un bien meilleur accueil. Avant, ceux qui faisaient du fromage de chèvre avaient la réputation d’être des babas cool, des gens pas sérieux. »
Loin du profil d’Adrien Marécal, le repreneur de la chèvrerie. À 33 ans, il a du mal à réaliser que cette exploitation qu’il visitait enfant avec sa classe va lui appartenir.
Il y a un peu de stress, ça cogite pas mal la nuit. C’est un rêve de petit garçon.
Le couple passe le flambeau sans trembler. « C’est un garçon sérieux, on est confiant. » Ils ne seront pas loin, juste en face de la route, où se situe leur auberge. Ils vont regarder leur « enfant » évoluer tout en prenant des nouvelles régulièrement, comme un ado qui quitterait le cocon familial.
Les yeux sont humides à l’heure d’évoquer la fin d’un métier passion.
Pour ne pas être trop perdu, l’odeur des chèvres continuera de les accompagner. Une odeur puissante, sûrement la condition à un fromage de qualité.