C’est donc une nouvelle strate entre…
C’est donc une nouvelle strate entre les audiences correctionnelles, où trois magistrats jugent des délits, et la cour d’assises, composée de trois magistrats et de six à neuf jurés populaires qui jugent des crimes.
Dans les Landes, cette première session aura à étudier cinq affaires de viols durant les dix prochains jours. La grande particularité de cette cour criminelle : la disparition des jurés populaires. Elle se composera de cinq magistrats professionnels. « Depuis plus de deux siècles – 1791 –, la justice entretient un lien particulier avec les citoyens via l’intégration de jurés populaires au cœur des cours d’assises pour rendre la justice », rappelle Gilles Neyrand, président de la cour d’assises des Landes et maintenant de la cour criminelle.

archives Thibault Toulemonde
« Déshumanisation de la justice »
Chaque année en France, environ 20 000 jurés, des citoyens tirés au sort, découvrent et participent à l’œuvre de justice. « La cour d’assises est la vitrine de notre justice qui est rendue au nom du peuple et par le peuple », glisse Olivier Janson, le procureur de la République de Mont-de-Marsan. « Avec la mise en pratique des cours criminelles, il y aura deux fois moins de jurés. Ce lien privilégié va donc se distendre, se perdre », regrette Gilles Neyrand. Une déshumanisation de la justice, qui questionne aussi Olivier Janson : « Je ne connais pas un juré qui soit rentré chez lui, indifférent, après un procès. »
Gilles Neyrand complète : « Nous allons vers une justice plus professionnelle. Plus on le fait, plus on va faire l’objet de critiques. Là où, aux assises, le peuple souverain était partie intégrante de la décision, nous allons être vus comme des juges qui ne connaissent pas la vie et sont dans l’entre-soi du huis clos de leurs décisions. Déjà qu’un verdict ne convient à personne, il risque d’être encore plus stigmatisé. »
Gagner du temps
Face à cette réalité, une autre contingence : le besoin de gagner du temps. « Nous avions à chaque session de cour d’assises une journée de formation des jurés qu’on emmenait notamment à la maison d’arrêt et à qui on expliquait des notions. Avec des professionnels, nous n’avons plus ce passage obligé. » Du temps et de l’argent gagnés, puisque chaque juré était indemnisé pour le temps passé au procès.
“Déjà qu’un verdict ne convient à personne, il risque d’être encore plus stigmatisé »
Quid des verdicts ? Rattaché à la cour d’appel de Pau, qui figurait parmi les départements pilotes, Gilles Neyrand partage : « Les premières expérimentations laissent à penser que les quantums de peines sont moins élevés avec les jurés professionnels. » Les citoyens seraient donc plus sévères.
Reste à convaincre les avocats. « Ici, ils ne sont pas vent debout contre cette juridiction, glisse Olivier Janson. À voir maintenant comment les débats vont être menés, puisque le temps d’audience est aussi réduit. »
D’un point de vue landais, le procureur précise : « Nous avons actuellement 20 procédures en attente d’audiencement. Quatorze, soit 70 %, seront jugées par la cour criminelle, les autres seront évoquées devant les assises. » Une réponse concrète à l’engorgement des dossiers qui s’accumulent ?
Olivier Janson se veut prudent : « Nous avons besoin de recul pour confirmer cette idée, mais dans les Landes, nous n’avons pas vraiment de stocks importants à gérer. Les répercussions seront moins visibles que dans de plus grosses juridictions. »