Par François Lefebvre Publié le L'Éveil Normand Voir mon actu Suivre
« Avant ma vie, c’était le basket. » Une passion que Paul Poulain a délaissée au profit d’une cause plus importante. Ce jeune homme de 28 ans, habitant de Bernay (Eure), est une référence, un consultant de choix pour la presse en matière de risques industriels. Formé par le Centre national de prévention et de protection, à Vernon, il s’est fait une spécialité de l’analyse des risques, de la conception des systèmes de sécurité. Un domaine dans lequel il travaille depuis huit ans.
« Nous sommes très peu dans le monde. En 2012, lorsque je suis sorti de l'école, nous étions 3 000 dont 1 500 aux États-Unis ».
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Propulsé dans les médias
Lubrizol, Notre-Dame… Les catastrophes en cascade ont attiré l’attention du public et des médias en la matière. Paul a été propulsé au-devant de la scène après l’explosion de Beyrouth au Liban, le 4 août 2020. « J’ai été appelé par France 24 qui m’a repéré par mon compte LinkedIn (N.D.L.R, réseau social professionnel). » Dans la foulée, les chaînes de télévision concurrentes font de même, elles ont l’interlocuteur adéquat.
D’autant que le jeune homme tient un discours sans appel : il juge particulièrement insuffisantes les garanties que nos sociétés exigent en matière de sécurité industrielle.
« Nous gérons les risques courants. Pourtant, les activités chimiques, pharmaceutiques et autres génèrent des risques spéciaux qui peuvent déboucher sur des accidents majeurs. »
À l’exemple de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen où les habitants découvrent que les sols pourraient être durablement contaminés.
« Un incendie comme celui de Lubrizol, nous ne savons pas l’éviter. Même les Américains n’ont pas trouvé de solutions ». Les scénarios sont travaillés, retravaillés. Rien n’y fait.
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« Il faut une prise de conscience »
Le Bernayen met également en garde contre la minimisation des pollutions liées aux activités humaines. Son exemple a de quoi faire réfléchir.
« Même un bois bio, lorsqu'il brûle dégage près de 200 substances chimiques. »
« Il faut une prise de conscience », martèle Paul qui aligne des statistiques. Pour la seule année 2019, on recense en France, 1098 accidents déclarés. « Qui le sait ? C’est relaté dans la presse locale. Dans le coin, vous avez couvert Howa Tramico, à Brionne en 2020. Ce site a des enjeux par rapport aux risques d’incendie. »
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État des lieux en Normandie
« L’Eure, c’est un gros sujet », selon Paul. La région est un pôle important sur le plan pharmaceutique à Val-de-Reuil. D’autres industries méritent une surveillance accrue, notamment dans le domaine du stockage agroalimentaire où est par exemple souvent fait usage de l’acide peracétique, « un produit utilisé pour nettoyer, inflammable. Or, on ne sait pas maîtriser le feu de nappe. » Pire, à partir de 110 °, cette substance explose.
Paul a fait un état des lieux en Normandie. Dans l’Eure, nous connaissons 2 344 anciens sites industriels, dont 63 pour la seule ville de Bernay. Ces sites ont servi à une industrie, depuis les balbutiements de la révolution industrielle jusqu’à nos jours. Or, il n’existe pas vraiment de diagnostics complets pour évaluer la contamination des sols.
« Des personnes cultivent vraisemblablement leur jardin en pensant manger sainement alors que leurs légumes contiennent peut-être des métaux lourds. »
Dans le même temps, il n’y a pas de registre des cancers dans notre département ou en Seine-Maritime. Seuls 22 départements français ont mis en place cet outil, et peu sont industriels. « C’est préoccupant lorsqu’on sait qu’en 1985, il y avait 150 000 cancers déclarés en France. En 2020, nous sommes à plus de 400 000. »