
Jeudi 9 février 2023, en soirée, plus de 150 personnes se sont rendues à la grande salle des fêtes de Bellengreville (Calvados) pour une réunion publique portant sur la création d’un C.E.F., Centre Éducatif Fermé. La demande de permis de construire a été acceptée par la mairie. Un recours a depuis été déposé.
Lors de cette réunion publique, des habitants ont notamment demandé quels étaient les profils des enfants et se sont inquiétés d’un « risque de fugue », d’autres ont reproché un manque de communication en amont. « On aurait aimé être averti avant », a insisté une habitante de Bellengreville.

Philippe Pesquerel, président de la communauté de communes de Val ès dunes et conseiller municipal de Bellengreville, a présenté son « mea culpa » quant à la communication. « J’ai fait partie de ceux qui pensaient qu’il n’y avait pas de sujet », admet Philippe Pesquerel.
Dominique Piat, maire de Bellengreville depuis 2008, a aussi prononcé un « mea culpa ». Avant d’expliquer : « On a trouvé ça super. On en a parlé en conseil. On n’avait pas à le voter. »
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Interrogé juste après la réunion, le maire répond qu’il était informé du projet « depuis deux ans » et qu’il en avait parlé à quelques personnes. « Nous ne sommes pas les porteurs du projet », insiste-t-il.
« Si c’était à refaire, je signerais encore, mais je fais une réunion avant. »
Interrogé sur des inquiétudes soulevées par des habitants, il estime que « le risque zéro n’existe pas ».

Un recours déposé
Passée la réunion publique qui a duré deux bonnes heures, des habitants ne décolèrent pas. Un riverain proche de l’emplacement choisi et co-initiateur d’un recours avec un couple bellengrevillais, indique « 44 signatures collectées, essentiellement du 16 au 22 janvier », pour « un recours qui devait arriver au plus tard le 23 janvier ».
« Tout le monde est au pied du mur », estime ce même riverain, qui craint « un certain nombre de nuisances » parmi lesquels « des cris la nuit ». « Un de ces jeunes peut s’évader », redoute aussi ce Bellengrevillais, avant d’ajouter : « Je crains aussi que l’immobilier se vende moins bien ici, soit déprécié. » Il estime que « la commune avait plus à gagner en accueillant une résidence pour personnes âgées. »
Un autre Bellengrevillais qui a collecté des signatures attend désormais que le maire prenne position. « On espère que le maire revienne sur son acceptation du permis de construire, soit pour déplacer le projet, soit l’annuler. » Il ajoute :
« C’est un centre éducatif fermé, ça sous-entend qu’il y a des sujets à évoquer, au moins de manière préventive. »
12 jeunes à accueillir
« La délinquance des mineurs est mal connue, elle fait l’objet de polémiques politiciennes régulières et de quelques reportages sensationnels, estime de son côté Jean-Luc Viaux, président depuis 2012 de la fondation Les Nids, l’opérateur du projet pour le compte du ministère de la Justice. Donc je peux comprendre les inquiétudes des personnes et il est tout à fait normal que nous les informions ».
Le centre éducatif fermé doit entre autres comprendre « des chambres, des salles d’activité, de détente » ainsi qu’une partie pédagogique. Les jeunes y sont scolarisés.
« Des professeurs de l’éducation nationale y font leur métier avec des petits groupes d’adolescents, ce qui permet parfois à des jeunes de passer le brevet ou au moins le certificat d’études. Il y a aussi beaucoup de sport pour leur apprendre à se contrôler, à se maîtriser. »
Relaxation, activité musicale et écriture sont aussi annoncées. « Des horaires sont fixés pour se lever, se laver, manger, on vit en collectivité et on respecte un certain nombre de contraintes. » Le projet à Bellengreville prévoit d’accueillir douze jeunes de 15 à 18 ans.
Contacté par la rédaction de Liberté, la DPJJ, Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse précise par courrier électronique : « Le placement en CEF répond à des critères spécifiques. Le code de la justice pénale des mineurs (CJPM) prévoit ainsi qu’un mineur peut être placé en CEF uniquement dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’un sursis probatoire, d’un placement à l’extérieur ou à la suite d’une libération conditionnelle. Le CJPM prévoit également une possibilité de placer en CEF un mineur qui ne respecterait pas les obligations de son contrôle judiciaire. »
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Pour Jean-Luc Viaux, le site choisi à Bellengreville correspondait aux recherches car « c’est une grande propriété qui est déjà bien close quand on passe dans la rue » avec « suffisamment d’espace pour faire les espaces cloisonnés » et « la place aussi pour faire un bon terrain de sport ».

Le projet rentre aussi dans le budget accordé par le ministère de la Justice. « L’État finance la mise aux normes du lieu et les places de chaque adolescent qui va passer par chez nous. » La moyenne de durée de passage dans un centre est actuellement « entre 4 et 6 mois ».
Le DPJJ indique que l’ouverture prévisionnelle au public du CEF de Bellengreville est fixée en juin 2025 « avec un accueil progressif des jeunes, soit deux par semaines et un accueil de l’équipe deux mois avant ».
Un projet abandonné à Louvigny
Le Centre Éducatif Fermé de Bellengreville est prévu pour être le premier CEF dans le Calvados, le quatrième en Normandie. Pour rappel, en juillet 2019, le ministère de la Justice annonçait que Louvigny, commune limitrophe de Caen, avait été repéré pour y construire un des vingt nouveaux C.E.F du programme annoncé en 2018 par Nicole Belloubet, alors Garde des Sceaux. Après diverses oppositions, le projet n’avait finalement pas vu le jour.