
Xavier Leoty / « Sud Ouest »
Dans ce cahier d’écolier sur lequel ils ont collé un appel à témoins sur la couverture, ils notent ces hypothèses, même les plus folles, les articles des journaux, ils font le tri. « On essaye de vérifier l’information au plus près de la source, c’est-à-dire des proches, de l’entourage », expliquent-ils. Plus de deux mois après la disparition de Leslie et Kevin, les éléments sûrs et confirmés par les enquêteurs se résument à peau de chagrin. « Les vêtements dans la benne de Puyravault, et le bornage du téléphone de Leslie à Niort, à midi, le lendemain de sa disparition. Pour le reste, on ne sait pas. »
Des réponses d’un côté, des questions de l’autre
Pour le couple de Charentais-Maritime, les « minutes sont des heures, les heures sont des jours », décrit le papa de Leslie. Pour ne pas devenir fous, ils refont et refont les dernières heures du couple ce vendredi 25 novembre. « Récemment, on a vu Jérémy, l’ami chez qui Leslie est passée dans la soirée pour récupérer des affaires. On l’avait eu au téléphone dès le début de sa disparition mais ce n’est pas pareil que de voir quelqu’un en vrai. Ça nous a rassurés. Il est très bien. Il nous a montré les messages échangés avec elle. Mais quand on obtient des réponses d’un côté, ça pose des interrogations supplémentaires de l’autre. »
Quelques jours après la disparition de Leslie et Kevin, Patrick Hoorelbeke et Émilie Cardré ont sérieusement commencé à s’inquiéter de ne pas avoir de nouvelles de la jeune femme de 22 ans. « On a appelé tous les hôpitaux de la région. Le samedi 3 décembre, quand on a découvert que le Peugeot Partner de Leslie était resté à Prahecq et que le camion aménagé de Kevin se trouvait toujours à Coulon, là, on a compris que quelque chose de grave venait d’arriver. » Les parents de Kevin aussi étaient inquiets, mais n’ont jamais donné l’alerte aux autorités.
Leslie, « victime collatérale » ?
Le 27 décembre, l’information judiciaire ouverte par le parquet de Niort pour disparition inquiétante de personnes majeures est requalifiée en enlèvement et séquestration. « On l’a su grâce aux journalistes. Aucun enquêteur ne nous a prévenus. On ne savait même pas qu’il y avait un communiqué du procureur de Poitiers. Entendre enlèvement et séquestration, ça a été extrêmement violent pour nous, même si c’est ce qu’on crie depuis le début. » Absents aux deux battues organisées par les proches de Kevin à Prahecq le 4 janvier et à Fouras le 14 janvier, les parents de Leslie n’en restent pas moins actifs. « Une dizaine de jours avant la battue de Prahecq, nous avions fait nos propres recherches sur place avec des amis. Celle de la belle-mère de Kevin était organisée sur les renseignements d’un médium, et elle était très médiatisée. On ne voulait pas de ça. »
« Tant qu’on n’a pas retrouvé Leslie, on ne reprendra pas le travail. On est épuisés »
Patron de sa propre entreprise de BTP, Patrick Hoorelbeke a mis les chantiers à l’arrêt. Émilie Cardré, aide-soignante, est en pleine reconversion professionnelle. « Tant qu’on n’a pas retrouvé Leslie, on ne reprendra pas le travail. On est épuisés. On imagine plein de choses. Pour que le chien Onyx disparaisse aussi, que les cinq ou six sacs d’affaires ne soient plus dans le logement où ils devaient dormir, il s’agit d’un enlèvement préparé. On a voulu faire croire à un départ volontaire. Pour qu’ils disparaissent à 3 heures du matin, quelqu’un savait forcément. Personne n’aurait rien entendu alors qu’Onyx est un chien qui aboie. Kevin s’est peut-être un peu trop montré sur les réseaux sociaux avec de l’argent, il a attiré les convoitises. Ce pourrait être un crime vénal. Leslie est une victime collatérale. »

Capture Facebook « Mobilisons nous pour retrouver Leslie et Kevin ainsi qu’Onyx »
Les messages tronqués de Tom
Pendant cette rencontre, leur téléphone bipe. Tom, l’ami chez qui Leslie et Kevin avaient prévu de dormir, et qui, selon « Le Parisien », est passé dans la soirée du 25 novembre rue du Four à Prahecq, leur répond enfin. Ils n’arrivaient plus à le joindre. Ils lui demandent depuis plusieurs semaines les derniers messages échangés avec Leslie le soir de sa disparition. Il a fini par leur envoyer quelques captures, « mais il manque des phrases. Elles ont été coupées, affirment-ils. Oui, bien sûr, pour nous c’est suspect. »
« Une affaire dont on parle, c’est une affaire où l’on cherche »
Mardi 7 février, TV7 reviendra sur l’affaire dans son émission « TV7 Enquête ». L’avocat des parents de Leslie, Me Charles-Emmanuel Andrault, en est l’invité. Il tente désespérément d’obtenir un entretien avec le juge d’instruction. Deux fois, il a voulu avoir accès au dossier. La première, le magistrat était absent, la deuxième « on lui a dit que le dossier était verrouillé », se désole Patrick Hoorelbeke. « À ceux qui savent quelque chose, on veut leur dire de ne pas avoir peur. On fera tampon avec la police si besoin. Il faut parler. » Eux ne veulent pas se taire. Ils multiplient les interventions dans les médias, sur tous les supports. « Une affaire dont on parle, c’est une affaire où l’on cherche. »
Malgré nos sollicitations, le procureur de Poitiers a refusé de s’exprimer.