Les infirmières scolaires avaient tiré la sonnette d’alarme bien plus tôt. « Dès 2017-2018, nous avons décelé la détresse des élèves », détaille Saphia Guerechi, secrétaire générale du Snics-FSU, le syndicat majoritaire des infirmiers de l’Éducation nationale. « Nos consultations ont bondi, elles sont passées de 15 millions par an en 2011 à 18 millions », dit cette infirmière, évoquant « les angoisses des élèves, la difficulté à se projeter dans un avenir meilleur, leur crainte de ne pas réussir ».
« On refuse des élèves à l’infirmerie, faute de temps »
Et la situation a empiré avec la crise sanitaire. Si Saphia Guerechi salue les décisions sur « la prise en charge des consultations psy », elle note aussi que « pour en arriver à l’étape du soin, encore faut-il que le jeune ait été repéré et accompagné ». Et c’est bien le problème : faute de moyens, les infirmières scolaires ont l’impression d’intervenir « seulement sur les situations critiques, essentiellement auprès de ceux qui ont attiré l’attention parce qu’ils ont bouleversé l’organisation de l’école ».
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Pis, les infirmières n’ont « pas le temps de répondre à toutes les demandes ». Et pour cause : comme ses collègues, Saphia tourne sur plusieurs collèges (trois) en zone rurale.
« La moitié de ceux que je vois en consultation sont aussi suivis à l’extérieur, certains sont déjà sous traitement »
Au total, il y a 7 774 postes d’infirmiers en France. Un chiffre déjà « insuffisant », estime le syndicat, qui en demande 23 000. Sachant qu’en plus, tous les postes ne sont pas occupés, faute de candidats… « Depuis le Covid, il y a un taux énorme d’arrêts maladie », appuie la représentante syndicale. « Ainsi, en île-de-France, 10 à 20 % de postes sont non occupés. »
« Détresse croissante »
L’équation est impossible : « Les besoins sont grandissants, la population scolaire est en augmentation mais, d’après le dernier rapport de la Cour des comptes, le budget annuel dédié à la santé des élèves a été seulement réévalué de 3 euros : on est passé de 37 à 40 euros par an par élève toutes professions de santé confondues. »
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La situation est encore différente dans le privé : l’établissement reçoit une dotation de l’État, à lui d’aménager le dispositif. Dans un établissement privé bordelais, par exemple, pas d’infirmière mais une psychologue clinicienne : Marine Cartiaux tourne sur deux lycées, un collège et un campus.
Elle aussi constate une « détresse croissante des élèves ». « La moitié de ceux que je vois en consultation sont aussi suivis à l’extérieur, certains sont déjà sous traitement. » Pour autant, conclut-elle, « ils sont très rarement agressifs avec les autres ».