
Cet après-midi-là, quand nous arrivons au haras de Sandrine Clément, situé dans la campagne mayennaise, Djin’ka est allongée sur un vaste terrain. La jument âgée de 10 ans se repose.
La veille, elle a subi toute une batterie de tests en Normandie. La route et le stress des examens l’ont un peu fatiguée. Alors pas question pour Marion Chaussonnerie, qui vise les Jeux Paralympiques de Paris 2024, et Sandrine Clément, sa coach de forcer les choses.
« Ici, on attache beaucoup de respect à l’animal », confie Sandrine Clément, à la tête du haras qui est en train de sortir de terre à L’Huisserie, en Mayenne.
Malheureusement pour nous, ce ne sera pas ce jour-là que Marion Chaussonnerie nous fera une démonstration de son talent avec sa partenaire Djin’ka.
Une « hyper- perfectionniste »
Du talent, il faudra en montrer pour espérer participer à l’événement sportif de l’année 2024. À 37 ans, la Bretonne d’Argentré-du-Plessis (Ille-et-Vilaine) espère représenter la France en para-dressage aux côtés d’autres cavaliers.
Un objectif et un rêve pour cette « hyper-perfectionniste » qui voue une passion pour l’équitation depuis son plus jeune âge.
« J’ai commencé à monter à l’âge de 7 ans. Je faisais des stages à toutes les vacances. C’était très difficile de me sortir d’ici », sourit Marion.
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Cavalière de compétition dès le collège, elle a sa propre jument à l’âge de 24 ans. Et durant plusieurs années, elle inscrit de belles lignes à son palmarès en saut d’obstacles.
En déménageant en Bretagne, Marion doit se séparer de sa jument qui part en retraite après un souci de santé. Et avec l’arrivée de son deuxième enfant, elle décide d’arrêter l’équitation.
Une coupure qui dure trois ans, mais la passion est trop grande pour cette maman de deux enfants âgés de 3 et 7 ans. Et c’est une rencontre qui a permis à l’Argentréenne de remettre le pied à l’étrier en 2021.
J’ai rencontré Sandrine Clément du Haras du Blanmatin, à Louvigné-de-Bais. Je suis remontée à cheval, mais pour faire du dressage, car je n’étais pas prête à refaire du saut d’obstacles.
Il y a une raison surtout à cela. En 2018, on lui a diagnostiqué une pathologie, la Spondylarthrite ankylosante, qui cause des douleurs chroniques et lancinantes.
« C’est ma bulle d’oxygène »
Dans la famille de Marion Chaussonnerie, la spondylarthrite ankylosante est une pathologie récurrente. Son frère jumeau en est aussi atteint.
Chez la mère de famille, cela se traduit par des douleurs au bassin et aux hanches la nuit. Face à cette pathologie, qui entraîne une perte de mobilité et de souplesse, la cavalière prend des anti-inflammatoires, mais ces derniers font de moins en moins d’effets. « Il faut faire du sport. C’est ma bulle d’oxygène. Je suis bien sur le cheval », confie Marion.
Après trois ans d’interruption, Marion reprend donc l’équitation en septembre 2021. Elle commence par des séances d’essai avec un cheval d’école au Haras de Blanmatin, sous l’œil avisé de Sandrine Clément.
Un nom dans le milieu de l’équitation, forte d’un beau palmarès et d’un savoir-faire reconnu pour former et coacher de très bons cavaliers comme Vladimir Vinchon, membre de l’équipe de France de para-dressage.

« Soif d’avancer » et « volonté de fer »
« J’avais besoin qu’on m’apporte de la technique. J’avais soif d’avancer », commente Marion. « La volonté de fer » de la cavalière, Sandrine Clément l’a vite ressentie.
Alors, l’objectif est de former un « couple » en prenant du temps, sans « forcer les choses ». Marion, elle, a rapidement repéré Djin’ka. « Elle avait une allure magnifique et un tempérament qui pouvait matcher », se souvient Marion. Alors, la première fois que la cavalière monte Djin’ka, elle l’a adoptée.
J’ai adoré et j’ai retrouvé mes sensations. C’est une jument énergique et de caractère.
« En travaillant plus souvent, je me suis dit qu’il y avait moyen d’avoir un très bon couple », enchaîne Sandrine Clément, habituée à repérer les talents.
Quand Marion reprend activement les séances, Sandrine Clément ne sait rien de la pathologie de sa nouvelle protégée. Les entraînements s’enchaînent pour Marion, mais aussi les compétitions.
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En juillet 2022, à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), elle devient championne de France Club Élite Excellence avec Djin’ka. Un titre récompensant un « travail d’équipe », une notion sur laquelle les deux femmes insistent beaucoup.
« Il y a beaucoup de respect entre nous, mais aussi envers l’animal. Nous ne faisons pas du cheval un objet », commente Sandrine Clément qui a noué « une belle amitié » avec Marion.

Après ce titre de l’été dernier, Marion Chaussonnerie décide de se faire classifier en septembre car la pathologie progresse, elle aussi. La classification en équitation handisport est basée sur le degré de handicap physique ou visuel et géré au niveau international par la Fédération équestre internationale. Marion est classifiée grade 5.
En para-dressage, de belles perspectives s’ouvrent pour Marion Chaussonnerie, notamment l’équipe de France de la discipline. Le staff tricolore garde un œil attentif à ses performances.
« Un couple de danseurs »
Le para-dressage est la symbiose entre le cavalier et son cheval. C’est un sport dans lequel les athlètes sont jugés sur la précision et la qualité de leur équitation, le comportement de leur monture aux différentes allures, les arrêts, la dimension artistique. « C’est comme un couple de danseurs », précise Sandrine Clément.
« Elles ont un gros potentiel »
Avant cela, il faudra briller sur les compétions de haut niveau. « Je vais participer à quatre concours internationaux pour pouvoir prétendre à une sélection, et environ 8 à 10 concours nationaux », annonce Marion.
« Elles ont un gros potentiel », ajoute Sandrine Clément, en regardant malicieusement Marion Chaussonnerie. Déterminée, la cavalière, qui est également directrice régionale pour un grand groupe, sait qu’elle pourra compter sur son « mental de gagnante », mais aussi sur sa coach et ses proches pour se donner les moyens d’atteindre son but.
Puisque c’est bien dans une préparation d’athlète du haut niveau que s’est lancée Marion Chaussonnerie, qui recherche des sponsors pour la soutenir et réaliser son objectif : Paris 2024. « On veut se donner les moyens de réussir », conclut Marion.