
Ancien président de Sport Aventure et toujours adhérent à l’association, Thierry Triconnet multiplie les exploits sur les épreuves de course à pied « Longues Distances ». En ouverture de saison, ce sportif de l’extrême avait choisi de prendre part au Trailcat 200 :
« Un retour aux fondamentaux » – Back to Basic – promettaient les organisateurs de cette épreuve annoncée pour une distance de 320 kilomètres affichant un dénivelé positif de 8 000 mètres dans l’arrière-pays de Tarragone. Mais la réalité a été quelque peu différente dans ce coin du sud de la Catalogne, pour cette compétition décrite comme l’un des plus longs trails en Espagne et dans le monde.
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La course de la solitude
Une base de vie tous les 100 kilomètres, un ravitaillement en eau et fruits à chaque tranche de 50 kilomètres, pas de balisage mais seulement une trace GPS à charger dans les montres : « Voilà ce que j’avais choisi pour débuter ma saison, un second 200 miles moins physique que la SP 360 – SwissPeaks Trail de 360 kilomètres – mais avec une place plus importante à la navigation, à la gestion de l’effort, voire à l’aventure, même si cela est un bien grand mot ici », rappelle Thierry Triconnet.
En ce mercredi 1er mars, il ne sont que 48 à prendre le départ… et ne serons que 24 à aller jusqu’au bout de cet effort. « Beaucoup de coureurs ont fait la course en équipe, je les comprends, car cela induit beaucoup moins d’erreurs de navigation, surtout la nuit, et la solitude est moindre.
Jamais ces nuits, justement, n’auront paru aussi longues à notre Normand, avec 12 heures dans la nuit noire, et l’absence totale de contact humain durant 15 heures ou plus « du fait du manque de ravitaillements rapprochés et du faible nombre de participants ».

« Je m’endormais en marchand… »
« En ces moments, vous avez le temps de cogiter, de vous demander ce que vous faîtes là, et pourquoi vous avez froid comme jamais ». Dès la première nuit, Thierrry Triconnet n’arrive pas à se réchauffer : « Il gèle dès 17 h, et le vent abaisse en permanence la température ressentie à -10°, voire -15° ».
Et quand on a que des gaufres gelées pour s’alimenter, il faut dépenser une énergie folle pour réchauffer son corps, tant et si bien que notre concurrent ne pourra rejoindre la première base de vie sans devoir s’arrêter pour dormir :
Je m’endormais en marchant et trottinant, le cerveau complètement à l’ouest, ayant des hallucinations toutes les deux minutes.
À bout de forces, Thierry décide alors de faire une micro sieste – Il n’y avait pas le choix, de toute façon – au pied d’un rocher, replié en boule sur lui-même, tant bien que mal à l’abri du vent. Ragaillardi et en meilleure forme, le Rislois repart dix minutes plus tard pour une étape de deux heures où, là encore, fatigue, hallucinations le contraindront à une seconde sieste : comme quoi le corps humain est une belle machine ! Arrivé à 4 heures du matin à la base de vie n°1, ce concurrent de l’impossible n’en repartira qu’à l’aube après un bon repas chaud, une sieste d’une heure sur les matelas mousse et sac de couchage mis à disposition.
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La deuxième journée de compétition sera plus chaude que la précédente et Thierry Triconnet retrouve alors de l’énergie, galope au travers de ces superbes paysages de la montagne de Prades, finissant même en t-shirt – manches longues tout de même – durant l’après-midi, non sans avoir fait une nouvelle sieste à l’ombre d’un cyprès.
La seconde nuit va vite arriver, toujours aussi froide, mais « lors de mon arrêt à la base de vie n°1, j’en ai profité pour prendre des couches supplémentaires, à savoir surpantalon et surgants imperméables ainsi qu’une mini doudoune. J’aurai certainement moins froid mais ce n’est pas encore suffisant pour avoir chaud ! ».

85 heures d’efforts
Avec un tel équipement, Thierry n’aura besoin que d’une micro sieste pour passer cette seconde nuit et l’arrivée à la base de vie n°2, vers 8 h du matin, sous le soleil, se fera dans une meilleure forme que la veille. Encore une fois, l’accueil des bénévoles, aux petits soins des concurrents, est remarquable avec riz-sauce tomate, omelette, gâteaux, thé.
Après une sieste d’une heure et demie, voilà notre « aventurier » reparti pour la dernière étape longue de 120 km. Une bonne partie de la journée se déroule alors en balcon, offrant de magnifiques vues sur les alentours ; Mais parfois, en l’absence de chemin, il faut crapahuter droit dans la caillasse, voire au travers de broussailles – Il fallait mieux éviter d’être en short -.
Arrivé au milieu de la nuit à la base de vie n°3, cet intrépide normand n’en repartira qu’à l’aube : cela lui aura permis de passer une partie des heures noires au chaud et de profiter du lever du jour sur les champs de vignes et autres plantations d’arbres fruitiers en fleurs : « Juste féerique ! ».
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Poursuivant ainsi sa route toute la journée au milieu de ces paysages de cartes postales, Thierry Triconnet arrivera à Prades vers 23 h non sans s’être fait une dernière frayeur ! En effet, à 15 kilomètres de l’arrivée, la batterie de la montre est épuisée : « J’ai trop joué avec elle durant la course ». Il finira donc avec son smartphone en main, dans lequel il avait téléchargé le tracé, lui-même connecté à une batterie de secours…
Au bout de 85 heures d’efforts, la ligne d’arrivée est bien là, offrant la 17e place à ce Normand de l’impossible qui aura, en fait avalé quasiment 360 kilomètres d’une boucle présentant un dénivelé positif de 12 000 mètres. Bref, tout est bien qui finit bien, pour une très belle course bien organisée, animée par des bénévoles au top.
De notre correspondant, Pierre Lecocq