
C’est une population villeronnaise soulagée de pouvoir à nouveau déambuler dans son bois que nous avions quittée, dimanche 5 février, en fin d’après-midi.
Quelques minutes plus tôt, la centaine de Roms installés illégalement dans la forêt située à la lisière du village, depuis le mois de septembre, avaient finalement cédé à la pression des quelque 200 manifestants réunis ce jour-là et étaient partis en emportant toutes leurs affaires. Mais depuis, la « victoire » a un goût de cendre.
Dès le lendemain de la manifestation, plusieurs articles et reportages parus dans la presse nationale dénoncent le comportement des habitants de Villeron. Racisme, intimidations, non-respect de l’État de droit… Les accusations pleuvent.
Violences ?
Plus grave encore : les médias font état de violences, que nous sommes incapables de confirmer malgré notre présence sur place le jour des faits. À l’heure actuelle, trois plaintes ont été déposées par des membres de la communauté tsigane
Ces débordements auraient été commis par un groupe d’une dizaine d’individus passés par l’arrière du bois, afin de contourner le cordon de sécurité.
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Cité par Médiapart, l’un d’eux témoigne : « À un moment, cinq personnes environ de notre groupe ont lancé des cailloux et des pétards sur eux quand ils chargeaient leurs camions ».
Une version que réfute Thierry, qui se trouvait à proximité au moment des faits. « Il ne s’est rien passé de tel. De toute façon, il y avait des gendarmes pour empêcher tout débordement », nous jure-t-il.
Rancœur
Pourtant, lors du rassemblement, nous avons bel et bien entendu des bruits de pétard peu avant que les Roms ne décident de lever le camp. Un des manifestants, muni d’un mégaphone, avait alors appelé à ne jeter aucun projectile et à demeurer pacifique.
Pour faire la lumière sur les événements, le parquet de Pontoise a indiqué avoir ouvert une enquête afin « de préciser le déroulement des faits [et] les infractions pénales susceptibles d’avoir été commises ».
Celle-ci a été confiée à la brigade de gendarmerie de l’Isle-Adam.
« Nous passons pour des monstres », s’émeut Sylviane sur la page Facebook « Tu sais que tu viens de Villeron quand… ».
Comme elle, la plupart de ses membres fustigent « une présentation mensongère » des faits par les médias. Au point d’en éprouver une certaine rancœur.
« Ah non, nous ne répondons plus aux journalistes. On vous vous parle, et derrière, vous nous allumez », s’agace Sylvie, l’une des figures de la contestation anti-Roms, contactée par nos soins.
Plainte contre le maire
Plus encore que ses habitants, c’est le maire (Se) de Villeron, Dominique Kudla, qui est pointé du doigt. Connu pour son franc-parler, l’homme de 72 ans n’a pas hésité à faire état de son ras-le-bol dans le journal municipal du mois de janvier.
« Rien que d’évoquer leur nom, mes poils se hérissent », écrit-il, évoquant également « le nomadisme destructeur de la communauté Rom ».
Des propos qui ont conduit l’association la Voix des Roms à déposer plainte, vendredi 10 février, pour incitation à la haine, injure raciale et expulsion illégale.
Plus tôt dans la semaine, le préfet du Val-d’Oise, Philippe Court, bien qu’ayant autorisé la manifestation, avait fait part de sa désapprobation quant à la « méthode employée » et « rappelé que le maire reste un représentant de l’État ».
Joint à plusieurs reprises, Dominique Kudla n’a pas donné suite à nos sollicitations. Lundi 13 février, il devait être entendu par les enquêteurs.