
Sorti du milieu de l’escorting depuis septembre 2022, c’est anonymement que Florian* a choisi de témoigner de son parcours hors du commun.
S’il n’en a « plus honte » aujourd’hui, il souhaite néanmoins préserver son image auprès de sa famille et de son nouveau travail. Peu de gens savent qu’il a été escort-boy durant deux ans, à Lyon (Rhône).
Un choix de vie qui l’a amené à faire des rencontres surprenantes et à gagner énormément d’argent en se mettant au service, sexuel et affectif, de nombreux clients.
« Tu fais le bien autour de toi »
C’est après ses études de droit, lors d’un voyage à Dubaï, que Florian a pris conscience que des hommes étaient prêts à payer pour coucher avec lui. Il n’avait que 25 ans et n’y avait encore jamais songé. « Au début, j’étais un peu contre l’idée », avoue-t-il.
Il s’est laissé tenter, malgré tout. Parce qu’il y a vu une manière de gagner de l’argent facilement en « passant du bon temps » au lieu d’accepter un travail « payé 1 300 euros pour faire 9h-22h » après sept ans d’études. Mais aussi parce qu’il y a perçu un « intérêt social » fort.
Le bien-être des gens passe par le sexe et le contact humain. D’une manière ou d’une autre, tu fais le bien autour de toi. Et c’est très enrichissant car tu rencontres de belles personnes, tu apprends de nouvelles choses et tu vas parfois dans de beaux endroits.
Payé pour être un simple ami
Très axé sur l’humain, bien plus que la majorité du réseau d’escort que Florian considère comme « une machine à fric et à sexe », le jeune homme s’est fait l’oreille attentive des personnes seules, en manque d’affection.
Avec son premier client, un homme marié âgé d’une cinquantaine d’années, il n’a d’ailleurs jamais été question de sexe ni d’un quelconque contact physique. Seulement d’accompagnement.
« C’était quelqu’un qui avait besoin de sortir, de s’amuser, de décompresser. Il cherchait de la compagnie. Il me payait pour que je sois son ami de 30 ans de moins avec qui faire tout ce qu’il ne faisait pas avec sa famille. Ça a duré six mois et il m’a toujours dit que sa femme était au courant. »
Un travail non reconnu
L’escorting consiste à accompagner une personne et à y associer des services sexuels. Un escort se prostitue pour gagner sa vie mais n’exerce pas sur la voie publique. En France, ce métier n’est pas reconnu mais n’est pas illégal pour autant. Seuls les clients qui s’offrent les services d’un escort peuvent être rattrapés par la justice selon la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Florian n’a ainsi jamais pu déclarer ses revenus auprès des impôts.
« On est des psychologues, clairement »
Des secrets, Florian en emportera des centaines dans sa tombe. Ceux des autres, de ces clients qui, « à 80 % », refoulaient leur homosexualité et menaient une vie particulièrement compliquée.
« J’ai eu beaucoup de sportifs de haut niveau, des gros dealers de drogue, tous ceux qui ne pouvaient pas assouvir leurs désirs à cause de leur statut. »
J’ai aussi eu des personnes handicapées qui avaient besoin de retrouver confiance en elles, des vieilles personnes de 80 ans qui avaient besoin de discuter. On est des psychologues, clairement.
Il y a aussi eu cette soirée, où il a dû jouer le petit-ami d’un homme qui n’osait pas se rendre à un dîner d’anniversaire en tant que célibataire devant tous ses amis en couple. « Il m’a donné une fiche pour que j’apprenne ce que je devais savoir sur lui », se souvient Florian.
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50 euros de l’heure pour accompagner, 150 euros pour coucher
Pour être simplement présent, Florian prenait 50 euros de l’heure. Les frais liés aux déplacements et aux sorties demandés par les clients devaient également être entièrement pris en charge. Un massage était facturé 80 euros de l’heure. Un rapport sexuel, 150 euros.
De sacrées sommes que certains hommes fortunés n’avaient aucun problème à débourser. « J’ai passé des nuits au Georges V à Paris, j’ai fini dans des palaces à Dubaï, je suis allé dans des maisons de joueurs de foot, j’avais une collection énorme de sacs de marques… », énumère l’ancien escort-boy.
« Je n’étais pas prêt à tout »
Souvent perçu comme « un objet sexuel et rien d’autre », Florian a d’ailleurs reçu des demandes sexuelles plutôt… particulières. On lui a notamment proposé « des sommes folles », à savoir 3 000 euros, pour qu’il accepte de s’adonner à des pratiques scatophiles ou urophiles. Ce qu’il a refusé.
« Mon corps m’appartient. Je n’étais pas prêt à tout non plus, je pensais à mon bien-être. Je choisissais ce que je faisais et avec qui je le faisais. Certains voulaient être tabassés, un client m’avait proposé un scénario de viol… Je ne suis jamais allé jusque-là. »
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« C’est très compliqué d’en sortir »
Certains jours, Florian enchaînait jusqu’à 10 clients par jour. Au total, il a « accompagné » plus d’une centaine de Lyonnais et a gagné plus de 50 000 euros. Un quotidien qu’il est heureux d’avoir quitté même s’il « ne regrette pas et ne s’est jamais senti sale ».
J’avais besoin de me ranger, d’arrêter de traverser la ville pour aller à des rendez-vous et de prendre 10 douches par jour. À 25 ans j’étais jeune et fougueux, je n’ai plus la même envie aujourd’hui.
Le jeune homme reconnaît aussi que « c’est très compliqué d’en sortir » : « Tu gagnes énormément d’argent facilement comparé au marché du travail classique. J’ai eu du mal à prendre la décision d’arrêter. »
Aujourd’hui, le jeune homme garde de cette expérience « du positif, de bonnes rencontres, plein d’argent et de l’amusement ». Même s’il ne souhaite pas pour autant l’idéaliser.
« C’est ni génial, ni horrible, mais j’estime que c’est un métier comme un autre et qu’il serait bien plus beau s’il était encadré par la loi », conclut-il d’un air engagé.
*Le prénom a été modifié pour assurer son anonymat