
« Il s’agit incontestablement d’une belle victoire de la CGT dans cette période de mobilisation sociale », se félicite le syndicat dans un communiqué.
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« Après de longues années d’attente », le Comité européen des droits sociaux (CEDS) (une instance de contrôle du Conseil de l’Europe chargée d’examiner le respect de la Charte sociale européenne par les États) a donné raison à la Confédération générale du travail (CFDT) dans une décision rendue publique ce mardi 14 février 2023.
Cet organe du Conseil de l’Europe a épinglé le fait de priver d’une journée entière de salaire les agents de la fonction publique en grève, et ce, quel que soit le nombre d’heures débrayées dans la journée.
La France viole la « Charte sociale européenne »
La justice européenne estime qu’en procédant ainsi, la France viole la « Charte sociale européenne » et son article 6-4 avec des retenues de salaire trop importantes pour les fonctionnaires grévistes.
Le Comité européen des droits sociaux avait été saisi par la CGT fin juillet 2017. En toile de fond : la règle du « trentième indivisible ». Cette règle prévoit qu’un agent de la fonction publique d’État qui se met en grève est privé d’une journée entière de salaire, peu importe son nombre d’heures de grève dans la journée.
L’instance a donné raison à la CGT en estimant que cette règle « constituait, dans son effet, une restriction d’un droit fondamental», à savoir le droit de grève. Le dispositif « entraîne une retenue disproportionnée sur le salaire des grévistes et revêt un caractère punitif », estiment les juristes européens.
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Une différence de traitement sans « justification objective et raisonnable »
Le CEDS relève par ailleurs l’absence de « justification objective et raisonnable » à la différence de traitement entre les 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’État et ceux des versants territoriaux (2 millions d’agents) et hospitalier (1,2 million), qui ne sont eux pas soumis à cette règle du « trentième indivisible ».
Le Comité rappelle tout d’abord que « le droit de grève est intrinsèquement lié au droit de négociation collective car il représente un moyen d’obtenir un résultat favorable à l’issue d’un processus de négociation ».
Par conséquent, des restrictions à ce droit ne peuvent être admises que dans des conditions bien précises. Cela signifie également que les sanctions et autres conséquences négatives, telles que la résiliation des contrats de travail ou les retenues excessives sur salaire imposées aux travailleurs participant à des grèves légales, sont incompatibles avec les exigences de l’article 6-4 de la Charte.
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« Porter une atteinte injustifiée au droit de grève »
Prévue initialement par l’article 89 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social (signifiant que toute absence de service fait, pendant une fraction de la journée donne lieu à une retenue de salaire dont le montant est égal à la fraction indivisible d’un trentième du traitement mensuel, chaque mois étant réputé contenir 30 jours), ce «trentième indivisible» est applicable aux grèves d’une durée inférieure à un jour dans la fonction publique.
Il a « pour objet et pour effet de porter une atteinte injustifiée au droit de grève des fonctionnaires en violation de l’article 6-4 de la Charte sociale européenne révisée (« la Charte ») », s’était insurgée la CGT. Près de six ans plus tard, le Comité a donc conclu « par sept voix contre six » qu’il y avait bien violation de cet article 6§4 de la Charte.
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Des décisions qui « doivent être respectées » mais sans force « exécutoire »
Le Conseil de l’Europe est l’institution de défense des droits de l’Homme sur le continent, et n’est pas lié à l’Union européenne. Les décisions de la CEDS « doivent être respectées » mais elles n’ont aucune force «exécutoire» dans le droit national.
« Les décisions et les conclusions du Comité européen des droits sociaux doivent être respectées par les États concernés, même si elles ne sont pas directement exécutoires dans leur ordre juridique interne », explique la juridiction.
Elles disent le droit et peuvent servir de base à un renforcement des droits sociaux par le biais de la législation et de la jurisprudence au niveau national.
Une règle « scandaleuse » pour la CGT
Pour la CGT, cependant, « il y urgence à ce que l’employeur public et les juridictions internes appliquent les recommandations du CEDS ».
Il y a urgence à ce que le législateur abroge enfin cette règle scandaleuse et gravement attentatoire au droit de grève, pourtant droit constitutionnel.
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« Alors que nous sommes en pleine mobilisation pour la défense de nos retraites, la CGT saura se saisir de cette décision pour contraindre l’employeur public à respecter le droit de grève des agents publics », conclut le syndicat.