
Sa grande cathédrale, ses maisons à colombages, son Gros-Horloge… Le patrimoine de Rouen (Seine-Maritime) a de quoi rendre jalouse n’importe quelle ville. Certains lieux, parfois moins connus du grand public et des touristes, composent la richesse et la diversité culturelle de la capitale normande.
Un lieu bien mystérieux où la mort joue un rôle central attire régulièrement les flâneurs qui foulent les pavés de la ville aux cent clochers : il s’agit de l’Aître Saint-Maclou, un ancien charnier. Mais connaissez-vous cet endroit sur le bout des doigts ?
Et pour les visites ?
Si vous souhaitez visiter ce joyau du patrimoine rouennais fraîchement restauré en 2020 voici toutes les infos pratiques.
L’Aître Saint-Maclou et sa charmante cour sont accessibles gratuitement, pour tout le monde. L’entrée principale se fait via un passage au 186 rue Martainville. La cour est ouverte au public, tous les jours de 9 heures à 19 heures. Cela en fait un lieu propice pour les représentations artistiques, les tournages de film, les balades ou bien pour déjeuner le midi, au soleil et à l’abri du vent.
Pour ceux qui souhaitent aller plus en profondeur, des visites guidées, nocturnes pour les plus téméraires, et des ateliers créatifs sont proposés régulièrement par l’office du tourisme de Rouen. Autant d’occasions d’en savoir plus sur l’histoire de ce lieu mystérieux que l’on vous résume ci-dessous.
L’aître Saint-Maclou, un ancien charnier
Au XIVe siècle, la France est touchée par une grave crise : la guerre, la famine et la peste noire ravagent la population. À cette époque, « les défunts sont enterrés à proximité des églises car le corps doit être proche du lieu de culte », précise Guillaume Gohon, guide à l’office de tourisme de Rouen.
Or, avec le temps, et la mortalité haute, le cimetière qui jouxte la paroisse de Saint-Maclou — l’une des plus peuplées de Rouen — devient trop petit. Ainsi, un nouveau cimetière est créé au milieu du XIVe siècle, « le grand aître ».
C’est quoi un aître ?
« Aître vient du mot ‘atrium’, qui était la cour carrée et centrale dans la maison romaine, explique Guillaume Gohon. Avec les églises primitives, on a donné ce nom au devant des églises. » Comme les défunts sont enterrés près des églises, l’aître est donc ce qu’on appelle un charnier.
Les pestiférés y étaient enterrés
« Contrairement à ce que certaines personnes pensent, l’Aître Saint-Maclou n’a pas servi pour enterrer les morts de la première grande épidémie de peste noire, à partir de 1346, tout simplement car le charnier n’existait pas à ce moment », poursuit Guillaume Gohon.
Toutefois, la peste a fait des ravages pendant plusieurs siècles et des pestiférés ont bien été enterrés dans le grand aître, une fois celui-ci construit. « Souvent, les gens caricaturent et pensent que seuls des pestiférés étaient enterrés ici, mais c’est inexact », détaille-t-il. Ainsi, il y a avait également des défunts morts d’autres causes (mort naturelle, famine, maladie, etc.), le charnier n’étant pas uniquement dédié aux pestiférés.
Le charnier se transforme en ossuaire
Malgré l’agrandissement, la place commence une fois de plus à manquer. Les fossoyeurs creusent afin de trouver des emplacements, mais ils retrouvent d’anciennes tombes, et donc des os, en grande quantité. Que faire alors de tous ces os, qui prennent énormément de place ?
En 1526, la paroisse décide de construire autour du terrain du cimetière trois galeries destinées à servir d’ossuaire.

Afin de gagner de la place pour les inhumations, « les os d’anciens morts sont déterrés et placés dans ces galeries, au niveau des greniers, à la vue de tous », peut-on lire sur le site officiel de l’Aître Saint-Maclou. Charmant !
La quatrième galerie — celle où se trouve depuis juin 2021 le Café Hamlet — n’est construite que plus tard, au XVIIe siècle. « Cette quatrième aile devient une école paroissiale à l’origine, puis elle est reprise par les frères des écoles chrétiennes », confie Guillaume Gohon.
Le siège de l’école des Beaux-arts
Cette école devient l’une des plus importantes de la ville, et elle a donc besoin de place. « Les galeries ont donc été rehaussées et à partir de 1705, les os ont été déplacés. Aujourd’hui, on ne sait pas ce qu’ils sont devenus », détaille-t-il.
Si les ossements quittent l’aître, les défunts, eux, restent. Et les inhumations se poursuivent, alors même que l’école est en activité. « La cour de récré était en quelque sorte le cimetière », livre le guide-conférencier. L’aître Saint-Maclou deviendra même en 1940 le siège de l’école des Beaux-arts de Rouen, et ce jusqu’en 2014.
Un mystérieux chat momifié
« Le dernier enterrement à l’Aître Saint-Maclou a lieu en 1782 puisqu’à cette époque, une loi vient interdire les inhumations en pleine ville. D’autres emplacements, à l’extérieur des villes, sont recherchés pour accueillir les nouveaux cimetières », explique Guillaume Gohon.
Mais cet achat de terrain coûte cher, ce qui contraint la plupart des paroisses à vendre les anciens terrains. Sauf que l’Aître Saint-Maclou abrite depuis quelques temps maintenant une école ! Le terrain du charnier est donc conservé, même si les enterrements prennent fin.
Aujourd’hui encore, sur toute la surface de l’aître, des corps y sont toujours enterrés, « en grande quantité », selon le guide à l’office de tourisme de Rouen.
Un chat momifié est lui bien visible dans les murs d’une galerie, à droite quand vous entrez dans la cour. Son histoire est bien surprenante.
