Par Anne-Sophie Hourdeaux Publié le Lille Actu Voir mon actu Suivre
Un nouveau concept de solidarité est né avec la Ch’tite Maison solidaire : héberger chez soi des gens de passage pour financer des logements à des personnes en précarité. En bref, un airbnb solidaire ! C’est Christophe Thomas qui a eu cette idée à Lille (Nord). Il prépare un nouveau projet pour septembre 2021 : créer un village de tiny house pour loger des sans abri, mais pas que. Une idée qui mêle solidarité, écologie et nouveau mode de vie. Nous avons rencontré Christophe Thomas à Quiévrechain (Nord), là où sont construites deux de ses futures tiny house.
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Un village, ou éco-quartier de 5 tiny house, à Lille : c’est ce qu’on verra peut-être bientôt dans le quartier St-Maurice Pellevoisin, à partir de septembre 2021. Ce projet ambitieux est baptisé « Lil’Pouss ». Il est porté par l’association Ch’tite maison solidaire, créée par Christophe Thomas.
Ecologie et solidarité
Le concept a deux axes : écologie et solidarité. « Nous installerons 5 tiny house dont les locataires seront des personnes sans abri, SDF, Roms et migrants, et des personnes voulant vivre la sobriété. Le projet sera accompagné par des bénévoles citoyens. Car l’idée est de créer des ponts entre les futurs résidents et avec le quartier. On va grandir ensemble ! », explique l’infatigable Christophe Thomas.
Lil’Pouss, c’est beaucoup plus qu’une action solidaire de lutte contre le mal logement. Ce ne sera pas un énième village d’insertion. Lil’Pouss, c’est un rêve en train de devenir réalité, c’est une utopie en action. Un monde où les exclus deviennent acteurs, où l’habitat participatif sert le minimalisme, où l’écologie est érigée en mode de vie citoyen.
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La tiny house, une solution à plusieurs problèmes
« La tiny house apporte une solution à trois problèmes majeurs : les squats illégaux, l’insalubrité, l’exclusion. Il existe beaucoup d’espaces non constructibles en ville, les tiny sont adaptées à ce type de terrains. Elle permet la mobilité : l’occupation peut être transitoire. Elle offre un esprit de communauté. Elle permet la mixité des publics car elle concerne tout le monde. Elle représente un mode de vie dont beaucoup rêvent, qui n’est pas stigmatisant. Elle permet une vie où la sobriété est essentielle », précise Christophe Thomas, enthousiaste.
Où en est le projet ? L’étape construction des premières tiny houses est en route. Deux sont fabriquées à l’EPPED de Quiévrechain (école de production) et une à Roubaix, avec l’Ecole de la 2e chance. Si tout va bien, le projet de village commencera en septembre 2021.
Un terrain de 1000 m2 à Lille, pour maximum 4 ans
Le terrain est déjà trouvé. La ville de Lille est partante pour laisser un espace transitoire à ce projet, pour un an renouvelable 4 fois. Le terrain disponible, sur 1000 m2, est situé quartier St-Maurice Pellevoisin. Mais il y a encore des étapes avant que tout soit validé. D’autres villes de la métropole lilloise sont intéressées par ce projet.
Ce projet sera couplé avec un autre dispositif validé par la mairie de Lille : l’aménagement de la Porte de Gand, qui a suscité une forte adhésion lors du vote du budget participatif de la ville de Lille en 2020. « Il s’agit de créer un potager participatif avec Arbraculture. »
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Pas du social, de la dignité
En quoi cette future zone d’agriculture urbaine rejoint la dimension éco-quartier en tiny ? Parce que le métier d’agriculteur urbain fait partie des jobs dits « écologiquement rentables »* qui seront proposés aux personnes en précarité. Ainsi, la location de la tiny house ne tombera pas dans le « social ».
Les sans abri bénéficiaires d’une tiny house y logeront contre un loyer, qu’ils pourront payer parce qu’ils auront un travail. Un dispositif qui met la dignité au centre.
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De banquier à aubergiste solidaire
Pour comprendre comment est né l’idée de l’éco-village de tiny house, il faut rentrer dans l’univers de Christophe Thomas., un homme qui ne rentre pas dans les cases.
Il est une boule d’énergie créative, un entrepreneur dans l’âme, qui se définit lui-même comme un « émerveillé ». Il est surtout difficile à mettre dans un moule, et il adore ça. Atypique, il n’est jamais là où on l’attend. Cet ancien banquier devenu aubergiste solidaire révolutionne la solidarité et le logement, rien que ça !
Il a travaillé 15 ans dans la banque au service des entreprises, et il aimait ça.
Sur les camps de Roms
C’est sa rencontre avec les Roms et le père Arthur, qui l’ont mené plus loin.
J'ai eu plusieurs rencontres qui ont été un déclic. Je voyais les bidonvilles, je ne trouvais pas normal qu'on vive comme ça, mais je ne savais pas quoi faire, je n'avais aucune compétence en ce domain. Le film Demain m'a inspiré. Par hasard, je rencontre le père Arthur qui s'occupe des Roms à Lille. Je lui propose de l'aider à faire la traduction sur les camps, car je connais le romani, j'ai vécu deux ans à Bucarest pour mon travail.
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Il devient donc bénévole sur les camps de roms, livrant, dans la camionnette Alleluia de l’association du père Arthur, des denrées alimentaires sur les camps roms. « Je fais la connaissance de Tony, d’origine rom, qui aide aussi le père Arthur. On fait les livraisons à deux, on noue des liens d’amitié forts ».
Apporter des solutions d’urgence, Christophe sait que c’est essentiel, mais il voudrait aller plus loin. Il ne sait pas comment faire. Un nouveau déclic arrive en 2017, quand son copain Tony se retrouve sans logement avec sa femme et ses 2 enfants. « Il a été expulsé, il louait une petite maison. Je ne me voyais pas accueillir chez moi une famille de 4 personnes, mais je voulais l’aider. Alors, j’ai eu une idée : louer ma maison à des touristes, des gens de passage, et l’argent ainsi dégagé était reversé pour le loyer de Tony ! »
Parfois, Christophe laisse toute sa maison à ses hôtes, allant dormir chez des amis, oud ans sa famille. D’autres fois, il dort sur le canapé. Le système marche bien. « Avec 20 % de touriste dans une année, j’ai collecté 3 fois le loyer de Tony, qui était de 500 euros par mois ! »
Une réussite qui lui fait dire que son modèle peut être dupliqué.

C’est ainsi qu’a commencé l’aventure de la Ch’tite maison solidaire, association née en 2018. L’idée de Christophe séduit.
Depuis un peu plus de 2 ans, ce sont 120 personnes qui sont devenues « hôtes solidaires », partout en France. « Elles accueillent des touristes, et le revenu de ces locations est reversé à des associations de lutte contre le mal logement », sourit Christophe.
En 4 ans, l’expérience de Christophe Thomas s’est transformée en création d’un village. Ce qui fait dire à l’intéressé : « Parfois, l’univers conspire à tout faire pour nous aider ! » Il suffit de faire un pas.
*Les jobs écologiquement rentables concernent des métiers avec une fort « éthique », au service du développement durable et de l’humain. Les 5 jobs écologiquement rentables répertoriés par la Ch’tite maison solidaire sont : bergers, agriculteurs urbains, bâtisseurs, pédagogie entre pairs, et mineurs des villes (récupération de métaux…)
En savoir plus sur la Ch’tite Maison Solidaire sur la page facebook de l’association.