Par Cathy Lafon
Six mois après le feu de Landiras, le lignite présent dans les sous-sols brûle encore autour des lacs d’Hostens. On y a exploité ce combustible jusqu’en 1964 pour faire de l’électricité, se souvient un de nos lecteurs. L’occasion d’ouvrir nos archives sur l’histoire de ces anciennes carrières
Six mois après les grands incendies de l’été 2022 qui ont ravagé plus de 20 000 hectares du massif sud girondin, la terre brûle encore au Domaine départemental d’Hostens. Plus précisément autour des lacs de Bousquey et des Bernadas, deux anciennes carrières de lignite, combustible semblable au charbon, dont les veines mineures non exploitées se consument aujourd’hui à petit feu, mais à très haute température.
L’article de « Sud Ouest » paru le 17 janvier 2023 qui relate le phénomène, a réveillé la mémoire de Jean-Claude Selsis, 80 ans. Ce fidèle lecteur nous a fait parvenir la photo ci-dessous – un document d’archives précieux pour lui -, prise lors d’un voyage scolaire qu’il a effectué en 1956 avec sa classe de 4e, alors qu’il était élève au collège Jasmin d’Agen. Aujourd’hui retraité, après une belle carrière dans l’administration universitaire, ce natif du Lot-et-Garonne vit depuis vingt ans en Charente-Maritime, à Royan.

Archives Jean-Claude Selsis
« J’étrennais un modeste appareil photo », se souvient-il. « Le voyage scolaire avait pour but la visite de l’exploitation de lignite Hostens. J’ai conservé cette photo de ce qui serait plus tard le superbe domaine départemental que j’ai souvent arpenté avec mes enfants dans les années 70. »
À l’époque, exploitées pour fournir de l’électricité, les carrières d’Hostens tournaient encore à plein. Mais plus pour très longtemps.
> Retrouvez toutes nos archives sur l’exploitation du lignite à Hostens dans notre moteur de recherche
D’où vient le lignite d’Hostens ?
L’histoire du lignite girondin ne date pas d’hier. Tout commence il y a vingt millions d’années. Entre tourbe et houille, ce bois en voie de fossilisation est le vestige d’une forêt qui existait alors, au bord de l’océan. C’était l’âge des dinosaures de la fin du tertiaire, des fougères géantes et des grandes forêts de conifères. Mais un climat glaciaire a succédé à un climat équatorial. Les arbres sont morts, ils ont été recouverts de sable et se sont transformés en charbon brun, dit aussi « charbon de terre ».
Découvert grâce à la recherche du pétrole
À la fin du XIXe siècle, en 1857, Napoléon III promulgue une loi obligeant les communes à boiser la lande. À partir des années 1860, Hostens est un lieu de marais planté de pins. Le chemin de fer et les voies de communication se développant en même temps qu’une petite industrie locale, la demande en charbon, puis en pétrole et en électricité augmente. Dès la préhistoire, les hommes se sont servi du lignite pour se chauffer. Ils y trouvaient aussi de l’ambre, pour fabriquer des bijoux. À Hostens, c’est la recherche du pétrole, en 1928, qui a permis la découverte du lignite, en 1928.
Trente-deux ans d’exploitation

Archives Sud Ouest
En 1930, la Société Minière et Electrique des Landes (Minela) donne les premiers coups de pelle sur le domaine pour en extraire du lignite et alimenter une centrale électrique d’Hostens. L’exploitation du domaine débute véritablement en 1932, après l’installation d’un pont extracteur métallique.

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Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands entrent dans Hostens en juin 1940. Ils occupent la centrale Minela qu’ils avaient installée eux-mêmes gratuitement dans le cadre du plan Young, en dédommagement des préjudices subits par la région durant la guerre de 1914. La résistance s’en mêle. Des sabotages sont organisés. La centrale est reprise aux Allemands le 22 août 1944, et le village libéré, le 28 août.
En 1960, Hostens fournissait 2 % de la consommation nationale et 36 % des besoins de Bordeaux.
Il avait mis des millénaires à se former. Quand le gisement de lignite s’épuise au bout de trente-deux ans d’exploitation, en 1960, il fournissait 2 % de la consommation nationale d’électricité et 36 % des besoins de Bordeaux. Le personnel est transféré progressivement vers la centrale d’Arjuzanx, qui va prendre le relais. Faute d’emploi, la commune d’Hostens voit sa population chuter d’environ 40 %. Les ouvriers qui partent laissent de nombreux logements inoccupés autour des lacs. Le site minier d’Hostens est définitivement fermé en 1964. Il aura produit au total 15 millions de tonnes de lignite.
De la mine à l’espace naturel Natura 2000
La nature reprend ses droits et le temps fait son œuvre. L’eau remplit peu à peu les excavations et forme ces magnifiques lacs dont on arpente aujourd’hui les rives replantées et végétalisées. En 1967, EDF cède ce mini-village devenu fantôme avec 600 hectares riches d’un biotope très particulier, au département de la Gironde. À partir de 1970, ce dernier reconvertit progressivement ce site doté d’une végétation rarissime aux essences d’arbres peu communes, avec une mycologie, des marais et une faune spécifique, en domaine de loisirs, avec de belles plages de sable blanc.
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Aujourd’hui, avec ses cinq lacs, ses sentiers de randonnées, ses parcours de VTT, sa voie verte et ses activités nautiques, cet espace naturel offre une multitude d’activités nature de 750 hectares, au cœur du Sud-Gironde. Quelque 200 000 personnes le fréquentent chaque année pour profiter du cadre, faire du canoë, des balades à pied ou se baigner. Classé Espace Naturel Sensible (ENS) et Zone Natura 2000, le Domaine d’Hostens abrite plus de 70 % de la biodiversité du parc naturel des Landes de Gascogne. Mais en sous-sol, le lignite est toujours présent.