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Plusieurs heures auparavant, la jeune femme vient d’être poignardée et cherche secours auprès de sa voisine. Il est trop tard. Cette Espagnole de 31 ans succombe aux multiples coups de couteau qui lui ont été portés. Deux hommes, présents chez cette mère de trois enfants le soir du meurtre, sont rapidement ciblés par les enquêteurs. L’un d’entre eux, Younès Moudni, a pris la fuite. L’homme de 41 ans, le seul suspect, sera interpellé le lendemain, à La Réole en Gironde.
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Plusieurs heures auparavant, la jeune femme vient d’être poignardée et cherche secours auprès de sa voisine. Il est trop tard. Cette Espagnole de 31 ans succombe aux multiples coups de couteau qui lui ont été portés. Deux hommes, présents chez cette mère de trois enfants le soir du meurtre, sont rapidement ciblés par les enquêteurs. L’un d’entre eux, Younès Moudni, a pris la fuite. L’homme de 41 ans, le seul suspect, sera interpellé le lendemain, à La Réole en Gironde.
Un an après, l’appartement de la rue Gillet est toujours sous scellés, dans l’attente d’une reconstitution des faits qui, si elle devait avoir lieu, se déroulerait vraisemblablement avant la fin 2023. L’instruction devrait, quant à elle, être clôturée d’ici novembre prochain. Pour le quartier, elle ferait rejaillir les souvenirs douloureux de cette nuit du 16 au 17 février.
Nouveau départ
Les routes de Younès, un enduiseur de façade, et de Laura se croisent à la fin de l’année 2021. Les premiers échanges entre les deux futurs amants auraient eu lieu sur les réseaux sociaux. En décembre, ils entament une éphémère relation. Au même moment, la victime démarre un emploi au sein d’une boulangerie marmandaise. Elle fait part à son frère Sergio de ce nouveau départ.
« Lors de sa dernière visite en Espagne, elle nous paraissait heureuse. Enfin, elle mettait de l’ordre dans sa vie, et, avec son divorce, elle fermait une étape obscure de son parcours », témoigne Sergio, en allusion à son passé de femme battue, dans une lettre qu’il a adressée à Laura et que son avocate, Me Christine Roul, nous a transmise. Une parenthèse heureuse de courte durée.
« Laura se méfiait de Moudni, elle voulait rompre. Rien qui ne mérite la mort »
De l’autre côté des Pyrénées, au téléphone, la voix de Maria, sa mère, chevrote encore. « Je l’ai eue le soir précédant sa disparition. Elle avait laissé son petit Alexis chez son père et se rendait à une soirée chez une amie, à Tonneins, car elle ne travaillait pas le lendemain. […] Laura se méfiait de Moudni, elle voulait rompre. Rien qui ne mérite la mort. Ma pauvrette… »
Huit coups de couteau
Cette soirée lui sera fatale. Elle s’y rend avec Younès Moudni et un ami. Le meurtrier présumé s’endort sur un canapé. À son réveil, ses deux compagnons se sont volatilisés. Mais les versions diffèrent sur le déroulement de cette soirée tonneinquaise.
Sarah (1), l’amie chez qui elle a eu lieu, assure qu’aucun des deux hommes n’a quitté la table. « Ils ont à peine dit un mot et sont partis ensemble vers 22 h 30. J’ai dit « à demain » à Laura et après cela, je ne sais pas ce qu’il s’est passé. »
Quoi qu’il en soit, le quadragénaire rentre alors à Marmande et pénètre dans l’appartement de la rue Gillet pour attendre son amante. Voyant que Laura se fait raccompagner par un autre homme, de surcroît un ami, l’ouvrier du bâtiment se serait senti trahi.
Le ton serait alors monté entre les protagonistes, poussant le troisième à quitter les lieux. Le mis en cause se serait alors emparé d’un couteau, puis aurait porté huit coups à la mère de famille, au niveau de la poitrine et du flanc, « pour la faire taire », selon son récit. Restent des zones d’ombre sur cette macabre soirée, notamment sur le passage à l’acte du meurtrier présumé.

“SO”
« Younès Moudni a reconnu les faits dès le départ », relate Céline Pascal, l’avocate de celui qui est en détention préventive à la maison d’arrêt d’Agen depuis le 19 février 2022. Selon le conseil, qui s’est récemment entretenu avec le meurtrier présumé, ce dernier pleure à chaque fois qu’il reparle de son acte. « Il revoit le sang sur ses mains et ne comprend pas lui-même la violence de son geste. Il regrette d’avoir arraché la vie d’une femme, en mentionnant les enfants de Laura à chaque fois », poursuit Me Pascal.
Depuis, Younès Moudni serait « investi dans sa détention », selon les mots de Me Pascal. Celui qui est né au Maroc voudrait passer le baccalauréat français et se fait suivre psychologiquement, mais il sait que « la route est longue ». Car le procès ne devrait pas se tenir avant 2024. Les questions de sa personnalité et de la peine qu’il encourt en seront les principaux enjeux. Sa précédente condamnation à cinq mois de prison avec sursis, en 2020, pour des violences sur une ex-conjointe devrait occuper une bonne partie des débats. « C’est le système judiciaire qui a tué mon amie. Il faut qu’on nous protège plus », tempête Sarah, qui elle aussi a été violentée par le passé.
Un « après-Laura »
À Marmande, la vie a repris son cours. « C’est triste à dire, mais des féminicides, on en voit tous les jours », lâche une commerçante du quartier de la gare. À quelques mètres des lieux où le corps de Laura a été retrouvé, un nouveau résident de la rue Gillet a entendu parler du meurtre, mais « sans détails ». Comme si le drame qui s’est noué cette nuit-là était sorti des mémoires.
« Les femmes apeurées sont plus nombreuses à pousser la porte de notre maison, conscientes que leur bourreau peut vraiment passer à l’acte du jour au lendemain »
Pourtant, à l’association SOS Accueil Mamans enfants, on parle d’un « après-Laura ». « Cela a débloqué certaines paroles. Les femmes apeurées sont plus nombreuses à pousser la porte de notre maison, conscientes que leur bourreau peut passer à l’acte du jour au lendemain. J’ai encore une dame qui est venue me voir ces jours-ci et qui tremble à l’idée de porter plainte », tonne Annick Cornaggia, présidente de l’association qui se portera partie civile.
Camille Groc
Son père ignore sa mort
Laura laisse derrière elle trois enfants, Alexis, Marcos et Carmen, qui vivent désormais en Espagne : les premiers chez leur père, la dernière chez sa grand-mère paternelle. « C’était la courageuse de la famille, toujours à se sacrifier pour les petits. Elle a reçu beaucoup de coups dans sa vie, sans jamais être rancunière. Elle n’a pas eu de chance en amour. Personne ne voyait la femme battante et libre qu’elle était. Nous espérons qu’il y aura une justice car on a ôté sa vie, mais aussi beaucoup d’autres : celles de notre famille et de ses amis de Barcelone », écrit son frère Sergio. Selon lui, « si Moudni avait été condamné plus lourdement pour les violences précédentes qu’il a exercées sur son ex-épouse, tout cela ne serait peut-être pas arrivé. »
« Nous espérons qu’il y aura une justice car on a ôté la vie de Laura mais aussi beaucoup d’autres »
Tous tiennent à se déplacer au procès en France, malgré la douleur. Seul le père de Laura sera absent : victime d’un AVC, il est hospitalisé en Ehpad depuis plusieurs années, et pour le préserver, ses proches lui ont tu le décès de sa fille. De son côté, Maria n’attend plus rien : « [Younès Moudni] va peut-être prendre quinze ou vingt ans de prison, mais moi, ce sera ma vie qui sera gâchée jusqu’à ma mort. »
(1) prénom d’emprunt.