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Jumel / Maquet : ce que pensent nos députés de la réforme des retraites

Sébastien Jumel et Emmanuel Maquet tenteront de peser dans le débat démocratique pendant 20 jours à l'Assemblée nationale.
Sébastien Jumel et Emmanuel Maquet tenteront de peser dans le débat démocratique pendant 20 jours à l’Assemblée nationale. (©Alan Sénicourt/L’Éclaireur du Vimeu)

Après l’annonce de la réforme des retraites de la part de la Première ministre mardi 10 janvier et une première journée de mobilisation générale jeudi 19 janvier 2023, le texte a été présenté en conseil des Ministres lundi 23 janvier. Avant l’arrivée de ce projet de loi en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale lundi 30 janvier, les députés Sébastien Jumel (PCF, Seine-Maritime) et Emmanuel Maquet (LR, Somme) se positionnent.

Quelle est l’ambiance à l’Assemblée nationale en ce moment ? Sentez-vous que ce n’est pas un texte comme les autres qui arrivera début février ?

Sébastien Jumel. On sent que la Gauche se prépare dans une ambiance de travail et de combativité, mais il n’y a pas d’ambiance particulière. Personnellement, je m’interroge sur ce qui conduit la droite à faire un cadeau à Emmanuel Macron alors que 94 % des actifs sont opposés à cette réforme et que le front syndical est uni.

Emmanuel Maquet. Moi j’ai surtout remarqué le changement d’ambiance lors du changement de législature. Depuis que le gouvernement n’a plus de majorité absolue, l’ambiance est plus électrique.

Quel est votre avis général sur ce projet de réforme ?

SJ. Sur la forme, je trouve qu’il arrive au plus mauvais moment. On a traversé le Covid qui nous a fait mal pendant deux ans ; on est en pleine crise de l’énergie ; les gens subissent de plein fouet l’uppercut de l’inflation ; les bombes pleuvent à 2 000 km de chez nous… Je me demande bien ce que les Français ont fait pour mériter une réforme de nature à cliver le pays au moment où on a besoin d’une république apaisée, réconciliée.

EM. Sur la forme, ce n’est jamais le moment de lancer une réforme des retraites, mais il y a des moments pires que d’autres. Je pense que c’est le cas aujourd’hui dans cette période d’inflation, de rareté de l’énergie, de la guerre en Ukraine…

À un moment où la société française se cherche en termes de cohésion, lancer une réforme qui, de toute évidence, divise, n’est pas très opportun.

Emmanuel MaquetDéputé LR de la Somme

Cependant, le Conseil d’orientation des retraites (Cor) montre, quel que soit le scénario choisi, un delta de 18 milliards est à combler d’ici 2030, donc l’immobilisme ne serait pas forcément une bonne stratégie non plus. Un sondage des Échos montre d’ailleurs que 61 % des Français sont plutôt favorables à une réforme. Une fois ces deux constats faits, la question, c’est : quelles seraient les conditions d’une réforme acceptable ?

Certains aspects du texte vous inquiètent-ils ? Lesquels et comment les modifier ?

SJ. Sur le fond, c’est une réforme qui n’est pas justifiée financièrement. Le président du Cor a confirmé que les dépenses et recettes étaient maîtrisées et que l’équilibre, dans trois scénarios différents, pouvait être gardé. Elle est également injuste et les Français l’ont bien compris.

L’accélération de la réforme Touraine, autrement dit l’augmentation des trimestres de cotisation et le report de l’âge légal, représente une injustice flagrante pour un grand nombre de salariés. Tout simplement car l’espérance de vie en bonne santé varie selon le métier occupé.

Sébastien JumelDéputé communiste de Seine-Maritime

C’est aussi une réforme qui frappera les femmes de plein fouet car, malgré la prise en compte des trimestres liés au nombre d’enfants, elles n’ont pas des carrières complètes et donc vont voir leur départ à la retraite décalé.

La réforme touche aussi ceux qui ont commencé avant l’âge de 21 ans car ils vont devoir cotiser 44 ans. La surcote sera d’autre part supprimée pour les petits salaires qui travaillaient jusqu’à 64 ans pour avoir une meilleure retraite.

La réforme ignore aussi un phénomène fréquent dans notre territoire : le chômage des seniors. Cette réforme multipliera le nombre de seniors touchant le revenu de solidarité active (RSA) par quatre.

Nous demandons tout simplement le retrait de cette réforme. Personnellement, je vais proposer au sein de mon groupe qu’il y ait un référendum. Emmanuel Macron prétend qu’il a été élu président de la République et donc, que c’est validé. S’il est sûr de lui, qu’il demande son avis au peuple français. Cette réforme est censée rapporter 12 milliards d’euros de recette.

Si on taxait à 2 % les 500 plus grandes fortunes, qui ont cumulé 1 000 milliards d’euros de superprofits en 2022, on rapporterait 20 milliards.

Sébastien Jumel

Quasiment deux fois plus. Nous proposerions d’augmenter les petites pensions, la retraite à 60 ans, la prise en compte des régimes spéciaux qui sont liés aux spécificités du travail, et une participation du capital au financement des retraites car c’est quand même injuste qu’on fasse toujours payer les petits, et jamais les gros.

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EM. Il faut que cette réforme soit équitable mais courageuse. Je pense que quelqu’un ayant cotisé 43 annuités, devrait pouvoir partir. Quel que soit son âge. Un amendement de notre groupe devrait être proposé en ce sens. La pénibilité au travail doit être également examinée un peu plus en détail. Je pense notamment aux ouvriers du Vimeu industriel qui travaillent en trois-huit, quatre-huit ou cinq-huit. Il y en a énormément. Les ouvriers du bâtiment et des travaux publics aussi. Il faut prendre en considération tous ces critères.

Aussi, les carrières non complètes des femmes doivent pouvoir bénéficier de trimestres validés plus facilement.

D’autre part, il y a un principe que je ne retiens pas dans cette réforme : c’est qu’elle s’enclenche dès le mois de septembre prochain. Il ne faut pas de brutalité.

D’autres vous plaisent-ils ? Lesquels ?

SJ. C’est zéro sur toute la ligne. Les mesures qui sont présentées comme des mesures de justice, comme la retraite à 1 200 €, sont des leurres. Depuis 2003, la loi oblige le gouvernement à augmenter le montant minimum de retraite et il ne le fait pas. D’autre part, nous savons qu’un seul tiers des retraités bénéficiera de ces 1 200 €. Une somme qui, au passage, n’est pas énorme. De plus, dans la loi travail de 2019, des critères de pénibilité ont été supprimés, comme les vibrations, les charges lourdes, les risques chimiques, tout ce qu’on retrouve dans nos entreprises ici.

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EM. D’un autre côté, il y a des choses qui semblent intéressantes. Le groupe LR a arraché au gouvernement le ralentissement de la mise en place de la réforme. L’exécutif voulait ajouter deux trimestres par an, mais on reste à un.

Il était également prévu de faire des ponctions dans les caisses de retraite complémentaires, les anciennes Agirc et Arrco. Le gouvernement a accepté de ne pas y toucher.

Enfin, la revalorisation du minimum contributif à 1 200 € est une très belle avancée.

Comment réagissent les administrés de votre circonscription à l’annonce de ce texte ?

SJ. J’étais à la manifestation à Dieppe et à Eu le 19 janvier et je viens de terminer un cycle de cérémonie de vœux un peu partout, donc j’ai pu rencontrer pas mal de monde. Ce qu’il en ressort, c’est qu’on tape toujours sur les mêmes. On met toujours à contribution ceux qui travaillent et jamais les plus riches. J’ai vu beaucoup de corps abîmés par une vie de travail. Des gens qui ne demandent qu’à travailler, mais qui ne peuvent tout simplement plus.

Chez nous, il y a pas mal de métiers pénibles : les verriers, les trieuses de ver, les salariés de l’agroalimentaire, les fondeurs de chez Sival, les agriculteurs… Tous les travailleurs n’ont évidemment pas la même espérance de vie en bonne santé que ceux qui ont fait leur carrière chez Rothschild.

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EM. Je fais toutes les cérémonies de vœux auxquelles je peux physiquement être présent, donc c’est forcément un sujet que j’aborde. Spontanément, personne n’est enchanté de devoir faire un effort. Et ça peut se comprendre. Le but est de l’expliquer avec les tenants et les aboutissants. S’il y a réforme, c’est dans l’optique de rééquilibrer le système par répartition. Or, il n’y a que trois leviers : augmenter les cotisations, diminuer les pensions ou toucher à la durée de cotisation. Et au moment où le pouvoir d’achat et la compétitivité est un problème dans le pays, modifier la durée de cotisation me semble être le moins mauvais choix.

À partir du lundi 6 février, le texte sera débattu au sein de l’hémicycle pendant une vingtaine de jours. En l’état actuel, voteriez-vous cette réforme ?

SJ. Je rappelle qu’on demande son retrait, mais si jamais elle était proposée, je voterai contre. De toute façon, il y a un risque que le Parlement n’ait même pas son mot à dire. L’article 47.1 nous met la pression car si on n’a pas voté la réforme au bout de vingt jours en première lecture, le texte part directement au Sénat, qui n’aura que quinze jours pour statuer. Si ce n’est pas voté. Le gouvernement légifère par ordonnances. Le seul moyen de changer les choses, c’est dans la rue.

EM. Je n’ai pas un grand enthousiasme à voter le texte dans l’état où il est aujourd’hui.

Si le gouvernement souhaite que Les Républicains soit associés à cette réforme, il faudra, à un moment donné, faire des concessions.

Emmanuel Maquet

Que répondriez-vous à l’argument du gouvernement qui avance que l’équilibre doit être rétabli entre les actifs et les retraités ?

SJ. Il est vrai de dire que la proportion des actifs diminue par rapport au nombre de retraités, mais se servir de cet argument est hypocrite, car la productivité de ceux qui travaillent aujourd’hui a considérablement augmenté depuis quelques années. Donc le problème qui se pose, c’est bien celui de la répartition des richesses.

Que répondriez-vous à l’argument selon lequel le taux d’activité des séniors est plutôt faible et qu’augmenter la durée de cotisation ne va faire qu’augmenter le taux de chômage chez les séniors ?

EM. Il faut tout de même rappeler qu’il y a 70 % des gens qui partent en retraite en quittant une activité professionnelle. Il est aussi démontré qu’à partir du moment où vous rallongez la durée de travail des séniors, globalement, les séniors travaillent davantage. Il faut à la fois que les postes soient évolutifs et que, d’autre part, ceux qui travaillent dur puissent partir plus tôt.

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