
En arrivant à La Saussaye (Eure) en septembre 2022, Karim Azzola, sa femme Emmanuelle et leurs deux enfants pensaient découvrir « le monde des Bisounours ». La commune rurale n’a, en effet, rien à voir avec les villes, réputées difficiles, que Karim a connues par le passé : son enfance à La Courneuve dans le 92, ses expériences à Stains (93) ou encore à Mantes-la-Jolie (78). « Il aura fallu 42 ans et que j’arrive à la campagne pour que je me fasse agresser ! » ironise-t-il.
Une semaine après son agression, son visage, son dos et son épaule sont encore marqués par la violence qu’il a subie. Vendredi, il s’est fait opéré du nez, qui a été fracturé.
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Agressé par trois jeunes du village
Vendredi 3 février 2023 avait été une journée chargée pour Karim et Emmanuelle, qui ont ouvert la boulangerie mi-décembre 2022. « Saint-Pierre-des-Fleurs était fermée donc on avait beaucoup de monde, on a travaillé jusqu’à 23 h », raconte le couple. C’est une demi-heure plus tard qu’ils ont entendu frapper à la porte. Karim a ouvert et le déferlement de violence a commencé. Alertée par les cris, Emmanuelle a dit à ses deux enfants, de 9 et 4 ans, de ne pas quitter le salon, et a rejoint son conjoint. Ses cris ont permis d’arrêter l’agression.
Leur fille de 9 ans appelle la police
Dans le salon, c’est Elora, 9 ans, qui a appelé la police.
Les trois agresseurs, âgés de 18 ans et vivant dans la commune ont été interpellés directement et jugés dès le lundi 6 février. Ils ont été condamnés à 3 ans ferme pour le plus impliqué, un an de bracelet électronique pour le deuxième et deux ans de sursis pour le dernier.
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Le traumatisme de la famille
« C’est bien qu’ils aient été jugés si rapidement », exprime Emmanuelle. Mais si Karim va déjà mieux psychologiquement, la mère de famille est très traumatisée. « Et si ça avait été ma fille qui avait ouvert la porte ? Ou moi ? » Une semaine plus tard, elle sursaute encore lorsque quelqu’un tape à la porte. Leur fille Elora « ne veut plus dormir seule ». « Jusqu’à présent, on se sentait totalement serein et en sécurité ici », ajoute Karim.
Si ça ne tenait qu’à moi, on partirait.
Pour lui, ouvrir sa propre boulangerie était un rêve. « Le meilleur est à venir », assure-t-il. Pour sa femme, c’est plus compliqué. « Si ça ne tenait qu’à moi, on partirait. »
Dans le village, le choc est bien présent. Lors du dernier conseil municipal, les élus ont tous exprimé leur soutien à la famille. « Il faut les accompagner, les rassurer, qu’ils ne se sentent pas seuls », a exprimé le maire, Didier Guérinot. Pour la commune, c’est une vraie chance d’avoir retrouvé des boulangers, après deux ans de fermeture de ce commerce. « C’est la première fois qu’on vit un événement d’une telle violence dans la commune », ajoute le maire. Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien des Saulcéens se multiplient. Une cagnotte a été créée par la liste d’opposition « au cœur des Saulcéens ».
C’est la première fois qu’on vit une telle violence.
La boulangerie restera fermée « au moins jusqu’au mercredi 15 février », entraînant des pertes financières sèches pour les commerçants. Le tribunal jugera en novembre 2023 les préjudices financiers.