Un bilan d’étape. Près d’un an après le début du conflit, la Croix-Rouge française a salué mardi dans un communiqué la générosité de ses donateurs (particuliers, entreprises, collectivités), qui lui a permis de récolter plus de 100 millions d’euros, injectés dans l’aide humanitaire à destination des Ukrainiens sur place et de ceux réfugiés en France.
Plus de 950.000 kits d’urgence livrés et environ 3.000 tonnes de matériel humanitaire ont été livrés par l’association en février 2022. Pour 20 Minutes, Philippe Da Costa, président de la Croix-Rouge française, revient sur les actions effectuées et les opérations à venir pour tenir le choc de cette « véritable course de fond ».
Quel bilan dressez-vous de votre action, près d’un an après le début du conflit ?
Il a fallu réagir dès les premiers jours du conflit. La majorité des populations qui ont fui l’Ukraine pour la France ont été à un moment ou un autre en lien avec la Croix-Rouge. On a agi à trois niveaux : l’accueil d’environ 100.000 personnes, en France ou ailleurs en Europe. On est allés soutenir des petites divisions nationales de la Croix-Rouge aux frontières de l’Ukraine, notamment en Moldavie, avec l’installation d’une délégation de la Croix-Rouge française, et en Roumanie.
Enfin, la Croix-Rouge française est la première contributrice au sein du mouvement, en Ukraine. Près de 90 des 103 millions d’euros récoltés ont été engagés pour soutenir la Croix-Rouge ukrainienne en envoyant du matériel, à Lviv. Ce mois-ci, on a livré une quinzaine de semi-remorques [La Poste et CMA-CGM ont assuré le transport du matériel humanitaire de la Croix-Rouge française en Ukraine].
Après la vague de générosité, ne craignez-vous pas un tarissement des dons ?
On a assisté à un élan de solidarité exceptionnel, que nous comparons à ce qu’il s’est passé en 2004 après le tsunami en Asie. On sait que la crise s’installe dans la durée, c’est l’une des principales difficultés. Mais on continue à recevoir des dons qui sont affectés à l’Ukraine. Les Français ont conscience que la guerre dure, leur générosité nous a permis de faire face dans ce conflit, qui n’a pas connu d’équivalent en matière humanitaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les besoins des Ukrainiens ont-ils évolué depuis le début du conflit ?
Oui. Dans les premières heures après l’invasion, nous avons répondu à des demandes d’envoi de sacs de premiers secours. Puis, on est passé à des kits d’urgence alimentaire et d’hygiène. Aujourd’hui, on nous réclame des véhicules. On est aussi prêts à accompagner la distribution d’eau propre avec la Croix-Rouge ukrainienne, on a aussi reçu des demandes liées au chauffage.
Environ 7,8 millions de personnes ont fui l’Ukraine, près de 6,5 millions de personnes ont été contraintes de se déplacer à l’intérieur du pays. La durée du conflit pose des questions d’intégration et d’accompagnement dans la durée des populations qui ont fui l’Ukraine, compte tenu des différences culturelles et linguistiques.
Comment se portent les bénévoles de la Croix-Rouge ukrainienne ?
Je suis admiratif, les 30.000 bénévoles en Ukraine ont une capacité de résilience et de mobilisation. Ils assurent des distributions alimentaires, ils vont au contact dans les zones de conflit. Mais aujourd’hui, la fatigue s’installe après un an de guerre. On déplore des dizaines d’attaques, certains volontaires sont morts, en infraction du droit international humanitaire. Il appartiendra aux tribunaux et aux instances internationales d’en tirer les conséquences qui s’imposent.
Comment gérez-vous l’afflux de réfugiés ukrainiens en France ?
Ça s’est un peu tassé. A l’été, un certain nombre d’entre eux sont repartis dans leur pays. Certains sont revenus depuis, parce que la situation s’est dégradée. Concrètement, en France, nous avons deux missions principales. D’abord, on fait l’interface entre les habitants qui proposent des solutions d’hébergement et les autorités.
Ensuite, on a équipé 2.400 logements à l’été 2022 pour accueillir des réfugiés, l’objectif, en 2023, c’est d’arriver à en équiper 2.000 supplémentaires dans le cadre de l’aide à l’installation. A Thônes (Haute-Savoie), par exemple, la mairie a mis à disposition un ancien Ehpad. On l’a transformé en centre d’accueil (cours de français, suivi social…).
Cette crise devrait nous aider à en gérer d’autres, parce qu’on a fourni des efforts qui nous ont fait progresser sur l’accueil des exilés. Je pense aujourd’hui à la Turquie et à la Syrie. Il faut qu’on assume notre responsabilité d’accueil. On ne peut pas se permettre de ne pas être à la hauteur des principes d’humanité qui nous caractérisent.