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Le retrait du permis en cas de conduite sous drogues, efficace ou pas ?

Un fait divers, une loi. Lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, plusieurs dispositifs législatifs ont vu le jour après des événements dramatiques. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, semble marcher dans les pas de son mentor. La preuve avec l’affaire Palmade. Dans le JDD, il s’est prononcé dimanche pour un retrait des 12 points du permis en cas de conduite sous stupéfiants, mais aussi d’alcool.

Des intentions qui ont suscité beaucoup de doutes, voire de critiques de la part d’associations et d’avocats de victimes de la route. « On est dans l’improvisation. C’est du court-termisme opportuniste pour contenter l’opinion publique qui a été choquée par l’accident causé par Pierre Palmade », s’enflamme Pierre Lagache, vice-président de la Ligue contre la violence routière. « Le ministre veut transformer un fait divers en fait de société en créant un chamboule-tout législatif », renchérit Rémy Josseaume, avocat en droit routier.

Une mesure choc pour marquer les esprits

Actuellement, la conduite sous l’usage de stupéfiants est sanctionnée de la perte de six points. Des peines complémentaires peuvent entraîner une suspension du permis pour une durée maximale de trois ans ou une annulation du permis, avec trois ans maximum d’interdiction de demander un nouveau permis. La perte du permis, elle, n’est automatique qu’en cas de récidive. De plus, l’usage de stupéfiants étant considéré comme un délit, le conducteur encourt une amende de 4.500 euros et jusqu’à deux ans de prison. S’il est en même temps sous emprise de l’alcool, il risque une amende de 9.000 euros et jusqu’à trois ans de prison. Et s’il est responsable d’un accident corporel (blessures), il risque jusqu’à sept ans de prison et 100.000 d’amende. En cas d’accident mortel, il encourt jusqu’à dix ans de prison et 150.000 euros d’amende.

Le fait de vouloir durcir les sanctions est une manière de secouer les consciences face aux risques, car selon les derniers chiffres de l’Observatoire national interministériel de la Sécurité routière (Onisr), 605 personnes ont été tuées en 2021 dans un accident impliquant un conducteur sous l’empire de stupéfiants. La même année, 598 conducteurs alcoolisés étaient impliqués dans des accidents mortels.

« Pas besoin de renforcer la loi, il faut juste l’appliquer »

Pour Gérald Darmanin, la menace d’un retrait de permis automatique pourrait donc avoir un effet dissuasif sur les conducteurs qui seraient tentés de prendre le volant après avoir bu ou consommé des stupéfiants. Ce que croit aussi Anne Lavaud, déléguée générale de l’association Prévention routière : « C’est une mesure tout à fait appropriée. Elle permettrait de changer le regard social porté sur ce type de comportement. Et d’insister sur le fait que conduire, c’est prendre une décision toutes les 5 secondes. Une exigence incompatible avec la drogue et l’alcool, qui altèrent les facultés cognitives. »

Mais d’autres experts du sujet y voient un effet d’annonce. Comme Pierre Lagache : « Les peines pour conduite sous empire de drogue ou d’alcool existent mais ne sont pas souvent prononcées. Il n’y a pas besoin de renforcer la loi, il faut juste l’appliquer », estime-t-il. « Le juge a déjà la faculté d’annuler le permis d’un délinquant routier, commente Rémy Josseaume. Par ailleurs, cette mesure conduirait à substituer au juge un pouvoir réglementaire technocrate. Et lui retirer la possibilité d’individualiser la sanction », . La peine peut par exemple, actuellement, être plus ou moins sévère en fonction du type de drogue consommé, du taux d’alcoolémie constaté…

Selon l’avocat, cette mesure aurait aussi un effet pervers : « Elle entraînerait une augmentation du nombre de conducteurs sans permis. » En 2021, l’Onisr estimait à environ 800.000 le nombre de personnes en France qui prenaient le volant alors qu’elles n’avaient pas le droit. Et ce, malgré le risque de blesser quelqu’un et de devoir payer toute sa vie pour l’indemniser.

Augmenter massivement les contrôles

Si ce retrait systématique du permis voulu par le ministre ne crée pas le consensus, les experts de la route s’accordent en revanche sur l’urgence à multiplier les contrôles. « Il faut qu’ils soient plus massifs et concentrés sur les moments à plus fort risque, la nuit et le week-end », estime ainsi Anne Lavaud. Gérald Darmanin a justement promis dimanche de faire passer les contrôles de 800.000 l’an dernier à un million en 2023. Insuffisant pour Pierre Lagache : « Ça représenterait une vingtaine de contrôles par jour et par département, l’impact n’est pas assez important ». D’autant que certains automobilistes utilisent des applications comme Waze pour signaler les contrôles routiers. « Il faut que les forces de l’ordre se postent davantage sur les petites routes où les waysers ne passent pas beaucoup et qu’ils soient plus mobiles », insiste Anne Lavaud.

Le renfort de la prévention est aussi jugé indispensable. « Il faut aller dans les établissements et en entreprise pour parler des dangers de la drogue et de l’alcool au volant. Des campagnes de communication sont tout aussi indispensables », affirme Anne Lavaud.

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