Cette histoire ne serait qu’un conflit de voisinage si elle n’avait pas mené les gendarmes à la découverte d’un petit trésor de guerre chez un septuagénaire.
Drap, commune du bas de la vallée du Paillon, à quelques encablures de Nice. Le boulevard Stalingrad est en réalité une petite allée coincée entre le fleuve et une rangée d’habitations. Ici règne un conflit latent entre deux maisons voisines depuis des années. On s’accuse de mettre le feu, de convoiter les parcelles des uns, d’envoyer son chat faire ses besoins chez l’autre, de s’espionner à travers la porte entrouverte.
Embrouille autour du stationnement de l’ambulance
Les tensions ont dégénéré autour de l’aménagement de la rue: pour protéger les piétons, notamment les enfants qui se rendent à l’école toute proche, la municipalité a installé le long du boulevard des quilles, des plots en plastique, pour éviter le stationnement anarchique sur ce qui fait office de trottoir.
Depuis plusieurs mois, une ambulance vient chercher Mme Zanghi, qui vit avec son neveu, deux fois par semaine. Sauf que le véhicule ne peut pas stationner devant chez elle à cause des quilles. Ou alors elle bloquerait la circulation.
À chaque fois, elle le fait devant la maison des voisins. Et ils n’aiment pas ça du tout…
« Il nous a menacés de sortir un fusil »
« On n’est pas des touristes qui se garent chez le voisin, râle Eric Zanghi. C’est l’ambulance de ma tante, qui a 83 ans et deux AVC. Cet énergumène veut faire empêcher ma tante d’aller deux fois par semaine chez son kiné. On marche sur la tête. »
Jeudi 9 février, les choses ont dégénéré. Les ambulanciers étaient de nouveau garés devant chez les voisins.
« Il y a eu des insultes mutuelles, raconte le patron de la société d’ambulances. À tout casser, on reste 5 ou 10 minutes. Le papy, il ne sort pas de chez lui mais on l’embête. On en serait resté là si ça s’était arrêté à des insultes. Mais il nous a menacés de sortir un fusil. »
Armes de poing, armes d’épaule et munitions
Les ambulanciers ont porté plainte. Le « papy » a 70 ans et vit avec sa femme. Il ne souhaite pas que son nom apparaisse. Mais il estime avoir été piégé.
« Dans l’énervement, le ton est monté, je reconnais que je me suis énervé pour rien. Mais ils ont dit qu’ils allaient me frapper. Elle [Mme Zanghi] a dû leur raconter tout et n’importe, ils ont tout combiné dans l’ambulance. Ils étaient déjà contre moi, ils ont comploté. »
Il reconnaît avoir brandi un balai. Sortir des armes? Il grommelle. Les gendarmes, en tout cas, ont pris très au sérieux les accusations des ambulanciers: dans les jours qui ont suivi, ils sont venus perquisitionner le domicile du papy au balai menaçant. Et ils y ont trouvé des armes, qu’ils ont saisies. « Des armes de poing, des armes d’épaule et des munitions », précise la gendarmerie.
« Ils ont même pris mes flèches »
Si le « papy » a les mains qui tremblent, c’est qu’il le sait: ça la fiche mal. « Les gendarmes ont bien vu que c’étaient des souvenirs. J’ai été sergent dans l’armée, j’étais un des meilleurs tireurs de la compagnie. Je suis ancien chasseur… C’était prévu qu’on ramène ces armes. D’ailleurs, elles n’étaient pas dissimulées. »
Il y avait donc, pêle-mêle, un fusil de chasse, deux pistolets mais aussi des fusils à air comprimé datant de son enfance, des lance-pierres. « Ils ont même pris des flèches que j’avais trouvées en allant aux champignons. Alors que je n’ai rien pour les lancer… »
« Je sais que j’ai merdé, j’aurais dû ramener ces armes », admet-il. Il attend la suite en stressant, « et pas qu’un peu ».
Au milieu de cette histoire, des quilles ont été enlevées, ici et là. Notamment devant chez les Zanghi. « On n’a de parti pris ni pour l’un ni pour l’autre, répond Serge Digani, adjoint au maire de Drap délégué aux Travaux. On m’a dit qu’une ambulance n’avait pas la place pour stationner. Alors j’ai fait enlever une quille. »