
Afin de préserver au maximum les écosystèmes tout en maintenant une activité économique viable, les professionnels de la pêche (le Comité Régional des Pêches Maritimes et des Élevages Marins de Normandie et l’Organisation des pêcheurs normands, NDLR), avec des collègues des Hauts-de-France, ont initié une étude pour connaître l’impact des engins de pêche sur les fonds marins et la résilience écologique du milieu. Elle a été coportée par l’Ifremer et l’Université de Caen.
D’après cette étude, menée entre 2013 et 2018, 68 % de la superficie de la Manche a été balayée chaque année par des engins de pêche traînants de fond, que ce soit les dragues, les chaluts ou les sennes démersales. L’étude rapporte cependant que l’intensité d’exploitation n’est pas également répartie puisque 90 % de l’effort de pêche se concentre sur 41 % de la mer de la Manche.
Nous estimons que 24 % de la superficie de la Manche a subi une pression de pêche très élevée entre 2013 et 2018, équivalente à une moyenne de cinq passages d’un engin de fond par an et par zone d’environ 5 km sur 5 km.
« Au sein de chaque zone, certains endroits ont probablement été balayés dix fois et d’autres deux fois. Les zones les plus visitées sont constituées de sédiments grossiers et exploitées pour leurs coquilles Saint-Jacques et pétoncles, raies et requins, merlans et autres gadidés, seiches et calmars », détaille Joël Vigneau, chercheur en halieutique à l’Ifremer, membre du comité scientifique du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM/ICES) et co-auteur de l’étude.
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Des mesures payantes
Cependant, force est de constater que, sur la même période, 16 % de la Manche est considérée comme en « état de référence », soit moins de 0,1 passage par an et donc très peu impactée par les engins de fond.
Par ailleurs, les espèces qui composent les communautés benthiques du secteur, à savoir les oursins, ophiures, petits crabes et crustacés, étoiles de mer et autres vers tubicoles, semblent relativement résistantes à la pêche.
Les communautés présentes aujourd’hui sur les fonds marins de la Manche sont celles qui ont pu s’adapter ou résister à la pression de pêche appliquée depuis des dizaines d’années. Les conditions environnementales ont aussi participé à la sélection naturelle de ces espèces capables de résister aux marées les plus importantes et aux courants parmi les plus forts de France, voire d’Europe.
En parallèle, depuis une vingtaine d’années, des règles contraignantes ont été mises en place par les gestionnaires de pêche à la coquille Saint-Jacques pour diminuer l’effort de pêche.
Ainsi, depuis 2016, des records d’abondance ont été battus. « Nous dessinons actuellement avec les partenaires de l’étude IPREM les contours d’un nouveau projet pour quantifier précisément les effets sur les écosystèmes benthiques de la réduction de l’effort de pêche aux engins traînants et de la mise en place de jachères. »
« Nous pourrons ainsi évaluer la résilience du milieu et mieux prédire les trajectoires de rétablissement de ces zones, annonce Joël Vigneau. À terme, nous voulons savoir si l’amélioration de l’état de santé des fonds marins procurée est bien associée à une augmentation des populations de poissons dans la Manche ».