Par SudOuest.fr
« Le Poher » est un petit hebdomadaire local, installé à Carhaix, dans le Finistère. Depuis plusieurs semaines, il est victime d’une intense et violente campagne de déstabilisation, orchestrée par l’extrême droite
Lundi 20 février, le siège de l’hebdomadaire breton, « Le Poher », installé à Carhaix dans le Finistère, a été évacué à la suite d’une alerte à la bombe. L’apogée d’une violente campagne d’intimidation que ce journal qui tire à 5 000 exemplaires subit depuis plusieurs semaines.
À la rédaction du « Poher », il ne fait aucun doute que ces menaces proviennent de l’extrême droite. Leur apparition coïncide avec la publication d’une série d’articles sur un projet contesté de prise en charge de réfugiés dans la commune de Callac, dans les Côtes-d’Armor voisines. Un projet qui a finalement été abandonné après plusieurs manifestations de l’ultra-droite et de nombreuses menaces envers les élus locaux concernés.
« Je pense qu’on est dans la volonté de terroriser, de faire peur. C’est très désagréable », a déclaré lundi à l’AFP Erwan Chartier, rédacteur en chef du « Poher ». Ce jour-là, lors d’un coup de fil anonyme reçu à 9 heures du matin, une voix avait affirmé avant de raccrocher : « Les pourritures du ‘Poher’, vous allez tous crever. On a mis une bombe dans la rédaction, vous allez tous sauter ».
Les locaux ont aussitôt été évacués et les services de déminage sont intervenus rapidement, sans rien trouver. Une plainte a été déposée pour menaces de mort et menaces de destruction dangereuses pour les personnes.
Mail raciste, menaces de « balle dans la tête »
Le rédacteur en chef avait déjà déposé plusieurs plaintes pour des menaces de mort. Le 31 janvier, un mail « à connotation raciste et particulièrement menaçant et injurieux » lui avait été adressé, selon « Ouest-France ». Puis par téléphone, des salariés avaient été menacés de recevoir « une balle dans la tête ».
« Un jour, on reçoit un courrier anonyme dans lequel se trouve un article du site internet « Résistance républicaine » signé Bernard Germain, ex-candidat Reconquête ! (le parti d’Eric Zemmour, NDLR) aux législatives dans les Côtes-d’Armor. On se fait traiter de « misérable torchon d’extrême gauche » et de « collabos ». […] Avec mon avocat, on décide alors d’assigner l’auteur de l’article et la directrice de publication du site devant le tribunal judiciaire de Lorient pour injures publiques, raconte à « Ouest-France » le rédacteur en chef Erwan Chartier-Le Floch. L’assignation est délivrée le 30 janvier. J’ai reçu la première menace de mort le lendemain. »
Également visée par des menaces, une journaliste de France 3 a porté plainte le 16 février « pour injures publiques, menaces et propos sexistes ». France Télévisions a également déposé plainte pour cyber harcèlement.
Une vague de soutiens
Le préfet du Finistère assure que « les forces de gendarmerie restent en alerte afin de protéger les journalistes ayant fait l’objet de ces menaces successives ». Une chose est sûre, les récents événements auront permis de mesurer la popularité du « Poher » en Bretagne. Les soutiens ont afflué, de toutes parts : personnalités et élus locaux et nationaux, organisations politiques de droite comme de gauche, syndicats, mais aussi de milliers de citoyens abasourdis par les méthodes d’intimidation utilisées par l’ultra-droite.
Vendredi 24 février, les éditeurs de l’Alliance de la presse d’information générale, qui rassemble plus de 280 titres d’information, dont « Sud Ouest », ont « condamné fermement ces menaces et apportent tout leur soutien face à ces attaques et tentatives d’intimidation. Il est inadmissible de voir des journalistes ou des salariés de titres de presse insultés ou menacés dans leur fonction. À ce titre, l’Alliance se constituera partie civile. » Par ailleurs, les 36 sociétés de personnels et de journalistes, dont celle de « Sud Ouest », ont affirmé leur soutien au « Poher » en réclamant une réaction forte des pouvoirs publics.