
L’hiver 63 connut des températures record dans les Côtes-d’Armor comme partout en France.
Les mamans de Claire, née le 17 janvier 1963, et de France, née dans une ferme de Tréméven le 17 février de la même année, s’en souviennent encore.
« On a failli ne pas pouvoir arriver à la clinique », se souvient la première.
Les vitres de la chambre étaient gelées à l’intérieur, ajoute la seconde. Nous étions obligés, avec nos deux filles (l’aînée avait pas encore 2 ans) de dormir dans la même chambre pour nous réchauffer
Tous les journaux radios, papiers et télévisés ne parlent que de ça.
Le pays est littéralement paralysé par une vague de froid exceptionnelle.
D’abord on blague
Mais dans la Presse Paimpolaise, ancêtre de la Presse d’Armor, pour ce qui est du froid, il faut se contenter de simples clins d’œil.
Comme si, dans un premier temps, la question était source de plaisanteries.
C’est ainsi qu’à la mi-janvier, l’annonce d’un bal commence par : « Si tout était gelé ces derniers jours, l’ambiance ne le sera pas à la grande soirée travestie du 23 février. »
De même, l’article relatant l’arbre de Noël des pompiers de Paimpol rappelle que « si dehors, il faisait terriblement froid, la température et l’ambiance étaient bonnes dans la salle du quai Loti. »
Premiers signes d’inquiétude
Les premiers signes que l’inquiétude s’installe viennent dans un petit encart informant que, pour cause de grand froid « les titulaires de la carte d’économiquement faible sont invités à retirer en Mairie, sur présentation de leur carte, un bon de 50 kg de charbon. »
Dans le même journal, les producteurs d’artichauts et de choux-fleurs des environs de Pleubian sont priés de passer « de toute urgence en mairie pour déclarer les surfaces endommagées ».
Car les cultures ont beaucoup souffert.
Les agriculteurs tirent la sonnette d’alarme
Et finalement, c’est par le prisme du monde agricole que la gravité et le côté exceptionnel des conditions météorologiques apparaissent.
Un très long article relate une réunion qui a eu lieu en mairie de Ploubazlanec en présence de responsables syndicaux et de personnalités locales.
Près de 800 agriculteurs étaient présents, ainsi que de nombreux commerçants et représentants de coopératives.
Les organisateurs tirent des conclusions alarmantes :
Cette fois, il n’est pas besoin d’attendre le dégel pour conclure à la destruction quasi-totale des choux-fleurs (90 % en première évaluation) et totale des artichauts

Les choux glacés
M. Berthou, responsable du Foyer de Progrès Agricole, a retransmis chaque jour à M. Le Tellier, directeur des services agricoles, une documentation permettant de mesurer les effets de la vague de froid sur les cultures.
En voici quelques extraits : « Lundi 14 janvier, la température descend à -7 degrés. On peut penser que des artichauts et des choux-fleurs ont souffert mais on conserve en général assez d’espoir. »
Espoir de courte durée : « Mercredi 16 janvier : Les minima et maxima enregistrés sont de -4 et +9 degrés. Les premiers dégâts sont apparents. »
Et cela ne s’arrange pas : « samedi 19 janvier : la température varie entre -6 et -3 degrés et il est difficile de faire des observations, car il n’a pas dégelé ».
Le point d’orgue de cette semaine survient le dimanche 20 janvier avec un minima enregistré de -14,5 degrés.
Les choux sont glacés jusqu’à la moëlle et les artichauts sont plaqués au sol.
Et ce n’est pas le relatif redoux du 21 janvier (-1° tout de même) qui va arranger les choses puisque le rapporteur annonce que « les plants de pommes de terre commencent à se déshydrater ».
5° C le 19 août
Il est décidé qu’une délégation de primeuristes serait reçue par le préfet pour lui remettre une motion destinée au ministre pour demander que la zone légumière du littoral des Côtes-du-Nord soit classée comme sinistrée et que la Caisse Nationale du Crédit Agricole vienne en aide aux sinistrés par l’octroi de prêts à taux réduits à court ou moyen terme.
Ils demandent aussi une aide de 0,20 franc par chou-fleur, des aides pour les négociants et coopératives et la suppression des bénéfices agricoles pour la campagne en cours…
Le redoux n’arrivera réellement qu’à la mi-mars et les dégâts dus au froid seront considérables.
L’hiver viendra encore faire une petite apparition le 19 août où le thermomètre descendra aux alentours de 5° dans la région de Saint-Brieuc…