
« J’ai décidé d’ouvrir ma bouche pour toutes les personnes atteintes de drépanocytose et qui se sentent délaissées. J’en ai marre que l’on ne nous prenne pas au sérieux », tonne Nelly Doumaya.
Depuis sa naissance, elle souffre de cette maladie génétique rare qui touche près de 400 enfants par an en France. Cette Bordelaise de 39 ans veut sensibiliser sur sa pathologie qu’elle estime « invisibilisée ».
La maladie de la « souffrance »
« Lorsque je demande à ce que l’on ferme la fenêtre ou éteigne la clim, personne ne comprend que c’est par nécessité », soupire Nelly.
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À ses neuf mois, elle a été diagnostiquée comme atteinte d’une forme grave de la maladie, qui se manifeste par « crises ». Elles peuvent être déclenchées par le froid, l’altitude ou le stress.
Durant ces crises, c’est comme si on recevait une grande décharge électrique, ça part des articulations et puis brûle tout le corps. La douleur est similaire à celle vécue lors d’un accouchement.
« La drépanocytose, c’est la maladie de la souffrance », dépeint Nelly. Cette pathologie de l’hémoglobine des globules rouges empêche l’oxygène de circuler correctement dans le corps et mène à des épisodes d’intenses douleurs et d’anémie.
Une souffrance qu’elle décrit comme physique, mais aussi psychologique. « Franchement, j’aurais préféré être en fauteuil roulant, ça aurait été plus simple ! Ma maladie ne se voit pas. Dans les médias, on n’en parle pas. C’est complément invisible. »
La drépanocytose, un handicap méconnu
Bien que reconnu comme un handicap en France, Nelly estime qu’aux yeux de la société, la drépanocytose n’en est pas un. « Je dois constamment me justifier, avec mon entourage ou dans ma vie professionnelle. Il est difficile de faire entendre à des employeurs que j’ai besoin d’horaires aménagés et que je peux avoir une crise à tout moment. Notre maladie n’est pas prise au sérieux. »
« Il y a énormément d’idées reçues sur la maladie. On pense par exemple que c’est une maladie de « noirs » alors qu’aujourd’hui, c’est une maladie mondiale qui peut frapper n’importe qui », dément-elle.
D’ici 2024, le dépistage devrait être généralisé à tous les nouveau-nés
Les principales victimes de la drépanocytose ont longtemps été issues de la communauté africaine, indienne ou antillaise mais ce n’est plus le cas. Pourtant, le dépistage de cette maladie est encore ciblé en fonction des origines ethniques. D’après le professeur Didier Lacombe de l’Université de Bordeaux, ce fonctionnement est « non éthique et pose des questions de santé publique ».
Récemment, le ministère de la Santé s’est déclaré favorable à la détection systématique de la drépanocytose chez tous les nouveau-nés, sans distinction d’ethnie. Cette mesure devrait entrer en vigueur en 2024.
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Je me sentais coupable
« Je me souviens de mon père qui m’emmenait à l’hôpital Pellegrin quand j’avais cinq ans. J’y ai d’ailleurs passé une grande partie de mon enfance. J’ai souvent raté l’école. J’ai vécu tout mon primaire à l’hôpital. Je l’ai mal vécu », se remémore-t-elle.
À cause des crises, on loupe parfois Noël ou Nouvel an. Dans ces moments-là, je me sentais responsable de priver ma famille des fêtes.
« Petite, j’étais profondément en colère. Je ne comprenais pas pourquoi ça m’arrivait à moi. Un enfant qui souffre, ce n’est pas normal. Je me sentais coupable. Voir sa fille se tordre de douleur, c’est terrible pour une mère. Je pense que ma sœur a dû se sentir délaissée car on s’occupe plus d’un enfant qui a un handicap. »
« Un ami de mes parents était étonné que je ne sois pas morte »
Depuis un an, Nelly a lancé sa marque de shampoing, dont une partie des bénéfices sera reversée à des associations caritatives pour les enfants atteints de drépanocytose.
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À sa naissance, les médecins estimaient que son espérance de vie serait de cinq ans. Les souvenirs resurgissent : « Je devais avoir 20 ans et le téléphone a sonné. C’était un ami de mes parents. Lorsque j’ai décroché, il m’a dit qu’il était surpris d’entendre le son de ma voix. Il était étonné que je ne sois pas morte. »
En Aquitaine, huit enfants par an naissent avec la maladie
D’après le CHU de Bordeaux, la drépanocytose touche en moyenne huit enfants par an en Aquitaine. Elle est caractéristique de grandes fatigues, de crises de douleurs et d’un fort risque d’infection bactérienne. En France, l’espérance de vie des personnes atteintes de drépanocytose est, aujourd’hui, de plus de 40 ans. En 1980, elle était inférieure à 20 ans.
« J’ai beau avoir 39 ans, ma mère continue de m’envoyer des textos pour me dire de me couvrir lorsqu’il va faire froid « , commente Nelly, amusée, avant d’ajouter : « Je crois que sans son aide et sa réactivité durant mes crises, je serais sans doute morte aujourd’hui. »