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Orne. Violences conjugales : comment s’en sortir ?

Alexandra Bédouet et Stéphanie Mignot de l'ACJM.
Alexandra Bédouet et Stéphanie Mignot de l’ACJM. ©L’Orne hebdo

L’Orne fait partie des dix départements les plus touchés par les violences faites aux femmes. Il se situe au 8e rang national.

À Alençon (Orne), l’Association de contrôle judiciaire et de médiation (ACJM) vient, dans une premier temps, en aide aux femmes et hommes victimes de violences. Dans un second temps, l’association soutient la prévention judiciaire pour les mis en cause.

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105 victimes de violences en 2022

Alexandra Bédouet, éducatrice spécialisée, est la référente de l’accueil de jour. Elle y reçoit les personnes victimes de violences intra-familiales (conjugales, violences sur ascendant…). En 2022, 105 personnes dont 100 femmes, ont été reçues à l’accueil de jour.

Nous accueillons les personnes qui ont besoin de temps, notamment les femmes qui sont dans la réflexion par rapport à leur couple.

Alexandra Bédouet, référente accueil de jour ACJM

L’objectif de certaines de ces femmes est de réfléchir sur leur relation et la possible emprise qu’elles y vivent. Pour d’autres, le but de leur visite est plus radical. « Nous les aidons à préparer leur départ », confie Alexandra Bédouet. Dépôt de plainte, évaluation globale de la situation, demande de logement… L’éducatrice spécialisée accompagne la victime au plus près dans ses besoins. « Nous dégageons ensemble leurs objectifs. »

J’accompagne les victimes physiquement : lors de leur dépôt de plainte au commissariat, vers leur avocat… À la Cimade pour les personnes étrangères. Mais également à l’Institut médico-judiciaire (IMJ) pour des certificats médicaux.

Alexandra Bédouet

Pour avancer dans leur processus, elles sont encadrées par une équipe pluridisciplinaire composée de quatre intervenantes socio-judiciaires (juristes) et d’une psychologue. 

Nous faisons le lien pour un meilleur suivi psychologique, judiciaire et social.

Alexandra Bédouet

Un partenariat avec une sophrologue permet aux victimes une alternative au suivi psychologique.

Quelques chiffres…

Typologie des victimes
77 femmes avec enfants à charge : 143 enfants concernés
26 personnes de nationalité étrangère
Âges des victimes
1 victime entre 15 et 18 ans
11 victimes entre 18 et 25 ans
56 victimes entre 26 et 39 ans
36 victimes entre 40 et 65 ans
2 victimes de plus de 65 ans
Types de violences
102 victimes de violences psychologiques et verbales
72 victimes de violences physiques
22 victimes de violences sexuelles (chiffres sous évalué)

Reconnaître l’emprise

La professionnelle prend également en charge les personnes qui ont déjà quitté le domicile. « Soit leur situation de violence perdure, soit elles sont toujours en contact leur conjoint violent car ils ont des enfants ensemble. »

Si certaines femmes viennent pour la première fois, d’autres reviennent, un an, deux ans, voire cinq ans plus tard. « Dans ce type de problématique, on observe des allers-retours », confie Alexandra Bédouet.

En effet, d’après Marie France Hirigoyen, autrice de « Femmes sous emprise », les ruptures se déroulent en plusieurs étapes : les femmes quittent leur conjoint violent une première fois puis retournent à ses côtés. Elles répètent ce processus plusieurs fois avant de rompre définitivement. 

« Parfois, la solution n’est pas de partir », admet Alexandra Bédouet. « Certaines femmes ne sont pas prêtes et elles doivent faire leur propre choix, même si cela peut être frustrant pour nous. Si elles ne sont pas prêtes à l’entendre, ça ne sert à rien ».

Les victimes ont besoin d’avoir confiance en nous car elles ont très peu confiance en elles.

Alexandra Bédouet

La professionnelle confie que son rôle est de garder le contact « quoi que les victimes décident de faire ».

La mécanique de la violence

Dans tous les cas, avec ses collègues, elles livrent aux victimes « des outils par rapport aux mécanismes de la violence » : « violentomètre », stratégie de culpabilisation mises en place par leur conjoint. « On met en exergue ce qu’elles vivent dans leur quotidien ».

Avez-vous accès à votre compte en banque ou votre conjoint en a-t-il le monopole ? Vous reconnaissez-vous dans le cycle de la violence ? Dans une relation conjugale marquée par la violence, le cycle se répète plus ou moins régulièrement et s’accélère avec le temps.

La phase 1 du processus est l’escalade : mise en place du système d’emprise, pressions psychologiques, contrôle et isolement de la victime. La femme se sent inquiète et tente d’améliorer le climat, fait attention à ses propres gestes et paroles.

La 2e phase est celle de l’explosion (épisodes de violences, contrôle de la situation).

Dans un 3e temps arrive le transfert : minimisation de la violence, l’agresseur porte la responsabilité des violences sur sa partenaire. La victime se sent responsable de la situation.

La phase 4 est celle dite de la « lune de miel ». C’est un moyen utilisé par l’auteur pour reconquérir la victime. L’agresseur promet un changement. La victime lui donne une chance, lui apporte son aide, constate ses efforts, change ses propres habitudes. Ces épisodes reviennent en boucle. Leur accélération laisse la victime épuisée. Il faudra un événement déclencheur pour que la victime comprenne que son conjoint cherche à la détruire et que sa vie (et celle de ses enfants éventuellement) est en danger. « Il faut trouver des points d’appui pour rompre l’isolement. »

Tisser des liens avec des partenaires

Un certain nombre de victimes sont réorientées vers l’ACJM par des partenaires extérieurs comme « les intervenantes sociales en gendarmerie, les assistantes sociales de la Direction territoriale de l’action sociale (DTAS) ou l’association Coallia pour l’accueil et l’hébergement ».

Nous faisons un gros travail de partenariat pour coordonner nos actions.

Alexandra Bédouet

L’an passé, avec l’Udaf de l’Orne et le Planning familial, un stage de self-défense avait été organisé. « Nous aimerions remettre ça en place en 2023 », assure la référente de l’accueil de jour.

L’ACJM est également à l’origine d’un groupe de parole pour les femmes victimes de violences. Le prochain rendez-vous aura lieu au mois de mars. « L’idée est de favoriser les liens entre elles, les aides à reprendre une vie sociale. »

Quels moyens de protection pour une victime de violences ?

« Nous travaillons avec le parquet pour évaluer la situation des victimes et déterminer si un moyen de protection doit leur être attribué », explique Stéphanie Mignot, juriste à l’ACJM.
-téléphone grand danger
-bracelet anti-rapprochement
-ordonnance de protection

Quelle différence entre juriste et avocat ?

Les juristes ou intervenants socio-judiciaires ont pour rôle de répondre aux questions d’ordre juridique, de faire le lien avec le tribunal, d’accompagner les victimes lors des audiences, les renseigner sur les différentes mesures de protection, sur les conséquences du fait de porter plainte…

« Nous les préparons aux audiences », précise Stéphanie Mignot, intervenante socio-judiciaire. « Les comparutions immédiates par exemple, sont très compliquées pour elles car il s’agit de la première fois où elles n’ont pas revu leur compagnon depuis les faits. » Si un contrôle judiciaire est en place et que les deux parties ont interdiction d’entrer en contact, la situation est similaire.

Par le biais d’une permanence au tribunal, les juristes s’assurent que chaque victime ait un avocat. « Si elles n’en ont pas, on leur propose de les accompagner, pour les rassurer, leur montrer la salle d’audience… » Le type de mission qu’un avocat « n’aura pas le temps de faire », selon la juriste. 

Nous expliquons aux victimes la marche à suivre pour qu’elles se sentent en sécurité.

Stéphanie Mignot, juriste à l’ACJM

Si aucune plainte n’a été déposée, les juristes peuvent accompagner la victime sur des questions financières (patrimoine, comptes communs) mais aussi sur la problématique des enfants.

Nous accompagnons la victime jusqu’à l’objectif qu’elle s’est fixé. À l’inverse de l’avocat, nous ne sommes pas dans le conseil mais dans l’orientation et dans l’écoute.

Stéphanie Mignot, juriste à l’ACJM

Besoin de moyens supplémentaires

« Nous avons toujours besoin de moyens », assure Alexandra Bédouet qui a vu le nombre de prises en charge grimper en flèche en 2022. « Il faut faire bouger les choses », témoigne-t-elle. Elle conçoit que cela a changé depuis quelques années. « Beaucoup de moyens sont déjà mis en œuvre et cela joue sur la libération de la parole des femmes. »

Accueil de jour avec ou sans rendez-vous, du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h 30 au 02 33 32 20 00. Victime de violences ? Appelez le 3919.

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