Hébergés pendant trois jours à la charge de la mairie, puis dans un logement social qu’ils doivent quitter ce 6 mars, les Ribeiro se retrouvent aujourd’hui sans toit. Ils se déclarent « d’autant plus à la rue », que l’assureur a changé de ton. La faute à un « adorable » voisin qui a filmé l’incendie et transmis ses images au spécialiste des sinistres. L’on y voit un reflet dans une porte rouge éloigné du foyer incriminé. « Il s’agit du reflet des phares du camion de pompiers, assure le couple. Il n’y a pas deux foyers. »

Émilie Drouinaud/SUD OUEST
L’assureur, lui, s’est enflammé pour cette hypothèse. Au point de réclamer encore aujourd’hui un remboursement, après avoir dénoncé une tentative d’escroquerie à l’assurance. Une plainte classée sans suite le 16 décembre 2020 : dans une note, le procureur de Bayonne précise que l’infraction n’est pas constituée et conclut que « l’examen de cette procédure ne justifie pas de poursuites pénales ». Mais l’assureur n’en démord pas : il désigne un second foyer suspect, s’étonne de la survivance des oiseaux et a demandé une enquête pour manœuvre frauduleuse, ainsi qu’une nouvelle expertise, saisissant le volet pénal. Ce qui repousse d’autant plus le volet civil, en attendant un prochain rendez-vous des deux parties le 3 mai, au tribunal de Bayonne.
« En train de mendier »
« Nous avons été obligés de mandater un expert, pour montrer qu’il n’y avait pas de deuxième départ de feu », poursuivent les sinistrés, handicapés par l’incendie à plusieurs titres : « Nous avons perdu notre maison. Nous avons dû dépenser plus de 5 000 euros pour acheter un mobile home. En plus de notre crédit immobilier de 870 euros, nous payons 715 euros la location d’un logement social, dont nous avons résilié le contrat, pour vivre dans le mobile-home et éviter les doubles mensualités. Et comme si cela ne suffisait pas, la mairie nous refuse l’accès à notre propre propriété pour y installer le mobile home ».
« L’assureur repousse l’échéance, c’est tout. Est-ce que cela va durer encore longtemps ? », s’agace Eva… Tout aussi sidérée par la décision de la municipalité.

Émilie Drouinaud/SUD OUEST
Dans cette commune de 200 âmes, la maire se montre affirmative : la loi la contraint à refuser l’option du mobile-home (lire par ailleurs). Marie-Agnès Chapar affirme, par ailleurs, avoir invité le couple à solliciter une assistante sociale. Or l’édile ne semble pas franchement préoccupé par leur cas : « Un mobile-home, ça va dans un camping. Je sais qu’ils sont dans une situation difficile, mais il y a des limites : ils ont les assureurs après eux (sic) et sont toujours en train de mendier. »
Les « mendiants » en question se présentent sous les traits d’un routier payé 1 800 euros par mois et d’une intérimaire actuellement au chômage, parents de deux adolescents. Ceux-là ne demandent rien d’autre qu’« une vie normale ». Or leur situation s’est détériorée depuis l’intervention du voisin accusateur.
« Des ragots »
« Je rappelle que l’assureur n’a fait qu’écouter des ragots et que nous l’avons démontré grâce à une expertise, après une fouille de toute la maison », pointe Eva. « Sud Ouest » s’est procuré ce document, dans lequel l’expert « exclut » en effet le secteur incriminé « comme point d’ignition d’un second incendie ». Celui-ci estime « possible » des « chutes de matière en feu » après avoir établi le constat d’une propagation du feu du premier foyer. Et d’ajouter enfin qu’« il n’a pas été mis en évidence des ‘‘accélérants’’ de combustions ».

Émilie Drouinaud/SUD OUEST
L’« accélérant » de délation semble, en revanche, bien en place. Il aurait convoité la maison du couple quand celui-ci l’a acquise. Il aurait demandé la création d’un chemin rural sur la propriété Ribeiro-Neto et signalé le stationnement du véhicule du couple à l’écart du feu. « J’aurais garé ma voiture à une place inhabituelle pour la protéger, enrage Eva. C’est du délire. » Dans l’attente d’un éventuel débat autour de cette question et tant d’autres, le couple ne sait pas où dormir.
Mobile-home
La loi Alur proscrit toute installation de mobile-home sur un terrain privé sans demande de permis de construire. Elle stipule cependant que l’on peut, avec l’accord de la mairie et de la direction départementale de l’équipement, installer provisoirement un mobile home sur un terrain privé le temps d’une construction ou reconstruction. Le mobile-home doit ensuite être enlevé et les lieux retrouver leur aspect d’origine.