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Pontivy : nouvelles révélations dans l’affaire du cadavre retrouvé calciné

Marcel Guilloux
Passionné par la Seconde Guerre mondiale, Marcel Guilloux, de Pontivy (Morbihan), a retracé le parcours du soldat américain Edward Hunter. ©Pontivy Journal

En juillet 2020, dans nos colonnes, Marcel Guilloux, passionné par la Seconde Guerre mondiale, et Daniel Dahiot, président de l’Association bretonne du souvenir aérien 39-45 (Absa), remettaient en cause l’enquête menée pendant cinq ans par Alain Laboux, afin de résoudre un mystère vieux de 75 ans : celui de l’identification du cadavre calciné retrouvé le 5 août 1944 dans les décombres encore fumants de l’Ecole supérieure des jeunes filles de Pontivy (aujourd’hui, collège Charles-Langlais), dans le Morbihan.

Ancien gendarme, Alain Laboux avait mis un nom sur ce corps : pour lui, il s’agissait du soldat Edward Hunter. Point final. Cette version a fait l’unanimité au point que la Ville de Pontivy a décidé d’organiser une cérémonie pour rendre hommage au soldat Edward Hunter. 

« Personne ne m’a écouté » 

Ainsi, le 3 mai 2019, une plaque de marbre est dévoilée, en grandes pompes, sur l’un des piliers du collège Charles-Langlais. Les associations patriotiques sont là, avec quelques véhicules militaires américains de la Seconde Guerre mondiale, et des membres de l’association Souvenir militaire Centre-Morbihan, en costumes d’époque. La nièce du soldat Hunter et son mari ont même fait le déplacement des États-Unis… Tout le monde est à la fête. Sauf Marcel Guilloux :

Le matin de la cérémonie, j’ai prévenu tout le monde que tout était faux. Personne ne m’a écouté.

Marcel Guilloux

Depuis, Marcel Guilloux et Daniel Dahiot ont continué à chercher dans les archives, à remonter le temps, pour démontrer que le corps calciné ne peut pas être celui d’Edward Hunter. 

Echanges de tir à Saint-Marcel

Selon Alain Laboux, Hunter aurait été fait prisonnier par les Allemands près de Merdrignac (Côtes-d’Armor) lors d’une embuscade, le 3 août, puis ramené sur Pontivy, où il a été emprisonné. Avant de finir assassiné.

Marcel Guilloux a donc suivi la trace du soldat Hunter, mais ses conclusions sont différentes :

Le 3 août, à 21 h 45, un Squadron américain de la 6e CCB s’arrête au pont de Guerrieux, près de Saint-Caradec, dans les Côtes-d’Armor (et non près de Merdrignac). Vers 22 h, Hunter et trois autres soldats sont envoyés dans le secteur chercher de l’eau. Au hameau de Saint-Marcel, près de l’Oust, ils sont tombés sur des Allemands qui battaient en retraite. Echanges de coups de feu. Hunter est tué. Son corps n’a été retrouvé que le 5 août

 Marcel Guilloux

Un cadavre calciné dans les décombres

Le 3 août 1944, les Allemands quittent Pontivy pour Lorient. Dans l’après-midi, ils incendient leurs différents dépôts de munitions. Dont celui situé dans l’Ecole supérieure de jeunes filles. C’est la mission du colonel Witt, responsable des SD (Sicherheitsdienst, police et renseignements), resté en arrière pour accomplir cette tâche.
Dans les caves de l’école, qui servent de geôles à l’occupant, il reste encore des prisonniers.
Dans une déposition datée du 22 janvier 1946, le colonel Witt raconte : « Au départ de Pontivy, j’ai donné l’ordre de remettre les prisonniers en liberté (sept ou huit) […]. J’ai vu les prisonniers aller jusqu’à la rue Nationale et j’ai entendu dire qu’il en restait encore un dans les bâtiments de l’école. J’ai ordonné de le rechercher et de lui faire suivre le même chemin. Je ne crois pas qu’il s’agissait d’un Français car on m’avait parlé d’un homme détenu devant être un Néo-Zélandais ou un Canadien qui parlait anglais. Je ne l’avais pas vu ce jour-là [Ndlr. le 3 août], mais l’avais aperçu quelques jours avant dans la cour de l’école […]. Un peu avant le départ [pour Lorient], j’ai appris que ce prisonnier avait été tué. J’ai demandé à Eggert [son adjudant-chef] où était le cadavre, il m’a répondu qu’il se trouvait sous les décombres ».
Dans un autre document concernant une enquête pour homicide volontaire, on apprend les circonstances de la mort de ce détenu :  » Les prisonniers qui étaient détenus dans cet établissement ont été libérés à l’exception d’un militaire français ou américain qui sur ordre du colonel Witt, transmis par le lieutenant Ziemens a été exécuté dans le dos par l’adjudant-chef Eggert qu’il l’a conduit dans le magasin d’armes et de munitions qu’il a ensuite fait sauter pour essayer de faire disparaître le cadavre. »
Le corps du soldat, dont il ne reste plus grand-chose, a été retrouvé le 5 août par un enfant, qui a averti un officier américain, le capitaine Stephen Knerly. Dans son rapport, le capitaine Knerly déclare qu’une dog tag (plaque d’identité militaire américaine) a été retrouvée sur le cadavre ainsi qu’un couteau de fabrication américaine.
À Pontivy, personne ne sait qui est ce soldat. Même les autorités municipales ne parviendront pas à obtenir son identité auprès des affaires civiles américaines.

L'école supérieure de jeunes filles de Pontivy (Morbihan), après avoir été incendiée le 3 août 1944.
L’école supérieure de jeunes filles de Pontivy (Morbihan), après avoir été incendiée le 3 août 1944. ©Archives municipales de Pontivy

« Tout était intact »

Le dossier d’identification (42 pages) du corps du soldat Hunter donne aussi l’inventaire de ses effets personnels : un billet de banque allemand, une montre, un couteau de poche, cinq clefs et porte-clefs, un portefeuille, deux anneaux, un bracelet, une ancienne photo, deux photos, deux pièces de monnaie française, un porte-bonheur, une patte d’épaule et 1 029 francs français.

« Tout était intact. Ce ne serait pas le cas si le cadavre retrouvé complètement calciné était celui d’Hunter. Tout ça aurait été réduit en cendres. Et quand bien même, étant prisonnier, ses objets lui auraient été confisqués et jamais retrouvés. Les Allemands ne lui auraient pas laissé ses affaires et surtout son argent. Quand les SD ont exécuté des résistants à Rimaison, ils leur ont même volé leurs chaussures… », souligne Marcel Guilloux.

Le compte rendu du
Le Report of burial concernant Hunter énumère ses effets personnels : tout est intact ! ©Pontivy Journal

Skeletal form et non burned

Selon Daniel Dahiot, qui travaille depuis de nombreuses années avec un médecin légiste du DPAA, au Pentagone, une agence militaire chargée d’identifier les corps des Américains encore portés disparus, le dossier d’identification du corps d’Edward Hunter ne correspond pas avec celui du soldat retrouvé à Pontivy.

Si jamais le corps retrouvé à Pontivy avait été celui d’Edward Hunter, le service des Quartermaster qui l’a récupéré l’aurait immédiatement placé sous X, puisque sa dog tag ne donnait pas son identité. Ensuite, le médecin légiste aurait appliqué une procédure pour son identification, notamment grâce à son dossier dentaire. Mais, là rien.

Daniel Dahiot

Lors d’exhumation du corps de Hunter (il avait été inhumé dans le cimetière Saint-James le 7 août) pour son rapatriement vers les États-Unis, un document mentionne le mot « skeletal form » (forme dépouillée). « Il n’est pas fait mention de « burned », brûlé, détruit par le feu, comme ça aurait dû. »

« Ils n’ont rien vérifié »

Autre élément : le rapport du commissaire de police de Pontivy, Alexandre Decauini, daté du 12 août 1944, qui donne des indications concernant la date à laquelle Guy Blat, photographe à Pontivy, a pris le cliché du cadavre calciné : c’était dans la soirée du dimanche 6 août 1944.

Si le cadavre était encore sur place le 6 août au soir, comment se fait-il alors que celui du soldat Hunter ait été inhumé au cimetière de Saint-James, en Normandie, le lendemain, le 7 août ?  C’est impossible. D’autant qu’Alain Laboux, lui-même, affirme que le mystérieux corps a été protégé par les soldats de la libération pendant encore quinze jours après le départ des Allemands… Je regrette que tous ceux qui ont participé à cette enquête avec Alain Laboux n’aient rien vérifié et surtout, qu’aujourd’hui, ils ne veulent pas reconnaître qu’ils se sont trompés.

Marcel Guilloux
Le cliché du cadavre calciné retrouvé dans les décombres de l'école supérieure de jeunes de Pontivy, a été pris par Guy Blat, le soir du 6 août 1944.
Le cliché du cadavre calciné retrouvé dans les décombres de l’école supérieure de jeunes de Pontivy (Morbihan), a été pris par Guy Blat, le soir du 6 août 1944. ©Guy Blat, Archives municipales de Pontivy

« Tirez l’affaire au clair », exige le sous-préfet

Marcel Guilloux a fait part de ses recherches à l’ancien sous-préfet de Pontivy, Patrick Vautier. Ce dernier a demandé à la directrice de l’Onac (Office national des combattants et des victimes de guerre) de « tirer au clair cette affaire ». « Il lui a même dit que s’il y avait eu un ministre présent à la cérémonie du 3 mai 2019, on aurait été mal… », raconte Marcel Guilloux. L’affaire embarrasse…

Sans nouvelles de l’Onac, Marcel Guilloux rencontre Claire Liétard, alors sous-préfète de Pontivy. La directrice de l’Onac est présente et les informe que « le dossier avait été transmis huit jours avant au ministère des Armées et qu’il fallait maintenant attendre un an… » 

« Je saurai prendre ma part de responsabilité »

Plus récemment, dans un courrier du 16 juin 2022, adressé à la directrice de l’Onac, Christine Le Strat, maire de Pontivy, lui demande où en est le dossier.

« En fonction des conclusions de ces recherches, je saurai prendre en tant que maire de Pontivy ma part de responsabilité », écrit le maire.

La réponse de l’Onac arrive le 10 janvier 2023 :

La DMCA (Direction de la mémoire, de la culture et des archives) du ministère des Armées, précise que l’installation ultérieure de la plaque commémorative en mémoire d’Edward Hunter n’a pas de lien avec l’identification du corps carbonisé qui fut retrouvé à la libération de Pontivy plusieurs décennies auparavant. L’hommage rendu le 3 mai 2019 peut ainsi être regardé comme celui de la Ville de Pontivy envers un soldat étanusien qui a trouvé la mort en combattant pour la libération de la France et non pour la seule raison de son décès sur le territoire communal.

Une querelle à démêler…

Le courrier indique aussi que « l’intérêt d’engager une procédure d’identification du corps restitué à sa famille en 1946 et inhumé aux Etats-Unis, ne concerne que la famille Hunter qui pourrait, si elle le souhaite, faire procéder à une analyse biologique du corps qui lui fut alors remis. »

Et de conclure : « La DMCA a confirmé à mes services qu’il n’appartient ni au ministère des Armées, ni à l’Onac de démêler cette querelle ! » 

Que va donc devenir la plaque de marbre scellée devant le collège Charles-Langlais ?

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