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Pourquoi trouver une balançoire à Marseille est mission quasi impossible ?

Faire de la balançoire à Marseille, Lola, 9 ans, adorerait. Sauf que trouver un portique dans les aires de jeux du centre-ville relève de la mission quasi impossible. « Je partage le même constat, quand nous sommes arrivés de Barcelone pour vivre ici, ma fille me l’a fait remarquer aussi, confie l’anthropologue Nadja Monnet, chercheuse au laboratoire architecture ville urbanisme du CNRS. Enfant, on a tous adoré se balancer, expérimenter des sensations fortes, se sentir en apesanteur, tomber aussi parfois mais se relever et remonter dessus. »

Pourquoi une telle absence du paysage urbain alors que, rappelle-t-elle, « les balançoires ont été les éléments phares des aires de jeux conçues dès la fin du XIXe siècle, avec aussi les balançoires à bascule, les toboggans et les cages à écureuil » ? Son hypothèse est celle d’un accident grave survenu dans les années 1990 à Paris, suivi d’un procès perdu par la mairie qui aurait « déclenché des suppressions de balançoires » en cascade. « C’est une tendance générale », abonde Patrice Cattaui, président de Créativ’Innonation Aménagement, une société basée à Marseille qui crée des aires de jeux et de loisirs adaptés aux enfants.

Des nids d’oiseaux plus inclusifs

« Jusqu’aux années 1990, poursuit-il, les jeux que l’on pouvait trouver étaient surtout réalisés par les services techniques des communes, d’ailleurs à Marseille certaines cabanes étaient fabriquées par le service menuiserie de la ville. Puis des normes nationales et ensuite européennes sont apparues pour les équipements et les sols. » Et  les jeux ont dû répondre aux mêmes normes en matière de coincement de cordons d’anorak, de doigt ou de tête. « Les portiques balançoires doivent respecter une distance de sécurité beaucoup plus importante et être installés à un coin de l’aire de jeux pour éviter une interaction entre les enfants passants et les utilisateurs », ajoute-t-il.

Des questions de sécurité viennent en outre rencontrer une logique plus comptable, liée souvent à des effectifs en baisse pour l’entretien dans les services techniques, mais pas seulement. « Le portique balançoire concerne peu d’enfants joueurs pour un investissement important, malgré le fait qu’aujourd’hui la tendance est au nid d’oiseau pour se balancer collectivement », avance Patrice Cattaui. Il constate ainsi une moindre demande pour les portiques. Au profit donc des nids d’oiseau plus inclusifs mais également des « trampolines, des jeux d’eau, des revêtements de sol innovants, des tyroliennes et de structures géantes, de plus en plus installés. »

Côté matériaux, il observe un retour aux « jeux de bois au look naturel, déstructuré comme si les enfants avaient fabriqué eux-mêmes les jeux, la nouvelle aire de La Plaine à Marseille est dans cet esprit-là. » Pas de quoi vraiment rassurer la réalisatrice Valérie Simonet, dont le dernier documentaire, Citizen Kids, invite à regarder la ville à travers les yeux des enfants, pour mieux la changer. « L’histoire des aires de jeux est un des pans très importants qui témoignent de la place de l’enfant de la ville, assure-t-elle. Au fond, pour moi, le problème n’est pas tant balançoire ou pas balançoire, mais le côté normatif. Toutes les aires de jeux en France sont les mêmes, choisies sur catalogue. Elles sont clôturées non pas pour les enfants, ce n’est pas eux qui sont au centre des préoccupations, mais pour rassurer les parents. »

« Il faut abattre les stéréotypes des adultes »

« La ville n’est plus aujourd’hui un terrain d’aventures pour les enfants, déplore ainsi Valérie Simonet. Il faut abattre les stéréotypes qu’ont les adultes dans la tête, qui pensent que les enfants jouent où il y a des jeux. Il faut juste créer les conditions du jeu dans l’espace public.. A Marseille, les plages du Prado où les familles peuvent pique-niquer, où les aires de jeux ne sont pas clôturées, où il y a des buttes pour faire des roulades, est l’un des rares aménagements réussis. La réflexion, chez nous, est au point zéro. » « Plus la mairie est petite, à taille humaine, plus nous avons de la concertation entre les citoyens », constate par ailleurs Patrice Cattaui, pour qui « il existe encore des maires qui ne concertent pas et réalisent des projets très classiques d’aires de jeux. » Il invite ainsi à impliquer les conseils municipaux des enfants.

Sollicitée sur le sujet des balançoires, et plus largement de l’aménagement des aires de jeux, la ville de Marseille fait simplement savoir qu’elle « travaille à leur amélioration ». Comment? Avec quels critères, budget et calendrier ? Pas de communication pour le moment. De mercredi à vendredi, l’université Aix-Marseille accueille de son côté des journées d’études coorganisées par Nadja Monnet, sur le thème « Place aux enfants ? Transformations des dispositifs de jeux urbains ». Dans ses recherches sur la balançoire, la chercheuse a repéré une nouvelle installation : « Curieusement, à la Castellane, ils viennent d’en remettre dans le parc. Il y en a deux pour 1.500 enfants du quartier. Et elles n’ont pas été endommagées, ce qui est parfois la crainte. »

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