
Sous la pression de mobilisations grandissantes contre sa réforme des retraites, Élisabeth Borne a défendu ce jeudi 2 février sur France 2 un projet « indispensable » sans revenir sur le report très contesté de l’âge de départ, mais en se montrant ouverte à des aménagements sur l’emploi des seniors ou les carrières longues.
La cheffe du gouvernement s’est ainsi livrée à une nouvelle séance de pédagogie. Elle a expliqué une réforme, « pas simple », mais « indispensable » selon elle « pour sauver collectivement le système de retraites par répartition ». Selon l’exécutif, cela passe par un report de l’âge de départ de 62 à 64 ans.
C’est indispensable de mener une réforme pour préserver notre système de retraites par répartition. Demander aux Français de travailler progressivement plus longtemps ça n’est pas simple.
Pas de grande annonce ni de concession malgré une mobilisation record mardi 31 janvier, avec 1,2 à 2,7 millions de personnes dans la rue, qui sera suivie par deux nouvelles journées d’action la semaine prochaine.
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Une réforme juste ?
Invitée à préciser si elle estimait toujours aujourd’hui que cette réforme est « juste », elle n’a pas réutilisé ce mot. « Il faut de la justice dans la façon dont on répartit l’effort entre les Français », a-t-elle seulement indiqué.
Lors de la présentation de sa réforme le 10 janvier, les ministres avaient estimé, dans leurs éléments de langage, qu’elle était porteuse de « progrès social » alors qu’il subsistera des disparités de durées de cotisations.
L’exécutif a depuis recentré son message sur « l’effort » demandé aux Français et sur le caractère « indispensable » de la réforme pour « sauver » le système, car ceux qui ont commencé à travailler tôt devront contribuer plus longtemps au système, et la situation de certaines femmes a aussi été soulignée.
Une ouverture pour Les Républicains ?
Le président des Républicains Eric Ciotti, sur qui le gouvernement compte pour faire voter sa réforme, a trouvé la Première ministre « à la peine » et « peu convaincante dans ses explications », estimant qu’il n’y a « rien de nouveau sur la table ».
Élisabeth Borne s’est dite cependant « ouverte » à des aménagements de certaines mesures d’accompagnement.
Elle a ainsi fait savoir qu’elle était favorable à ce que le Parlement élargisse les possibilités de sanctions contre les entreprises sur la question cruciale de l’emploi des seniors.
Elle a aussi promis un « débat » à l’Assemblée sur les carrières longues, sur lesquelles le chef de file des députés de droite, Olivier Marleix, reçu à Matignon mercredi, avait évoqué un terrain d’entente.
Pour l’index sénior, prévu par la réforme, la locataire de Matignon a estimé que l’ »on doit aller encore plus loin », ouvrant la porte à d’éventuelles sanctions contre les entreprises qui auraient de « mauvaises pratiques ». « C’est le moment de ne plus se priver des compétences des seniors. »
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Quel impact sur les femmes ?
Sur la question des femmes, dont certaines sont pénalisées par la réforme, elle a admis que l’effort demandé concerne « des femmes comme des hommes » mais « pas celles qui ont commencé à travailler tôt, qui ont des métiers pénibles », ou « qui ont eu des carrières hachées ».
Toutefois, Élisabeth Borne a affirmé que la réforme « protégeait » les femmes.
Les femmes partiront plus tôt. Les femmes ont des pensions 30 % plus basses que celles des hommes. Une femme sur trois est concernée. Dans dix ans, l’écart sera réduit, cela passera de 30 à 20 %. Évidemment, on doit viser l’égalité.
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« On vient de revivre la conférence de presse »
« On vient de revivre la conférence de presse (de présentation du projet) : la retraite pour les nuls. Comme s’il n’y avait pas eu deux journées de mobilisation. On aurait aimé un peu d’empathie », a réagi le patron de la CFDT Laurent Berger, qui est opposé, comme l’ensemble des syndicats au report de l’âge de départ de 62 à 64 ans. Il a appelé à « amplifier le mouvement ».
Un 49.3 ? Pas encore envisagé
Alors que le véhicule législatif choisi, le projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale, impose des débats express au Parlement, l’hypothèse d’un 49.3, déjà utilisé à dix reprises pour les précédents votes des textes budgétaires est dans toutes les têtes.
Interrogée l’usage de cet article, Élisabeth Borne a indiqué qu’elle « n’envisageait pas l’hypothèse » d’un recours à cet article de la Constitution qui permet l’adoption d’un texte sans vote sauf motion de censure.
« Je cherche des compromis sur ce texte comme sur tous ceux que je présente au Parlement », a répondu sur France 2 la Première ministre, alors que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
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Les députés de la majorité vont-ils voter le texte ?
La cheffe du gouvernement espérait convaincre les Français, mais aussi sa majorité, au sein de laquelle des élus ont émis des doutes.
Elle a reçu à cet égard, juste avant son émission, le soutien d’Edouard Philippe, chef du parti allié Horizons, qui a annoncé sur BFMTV son soutien « sans ambiguïté » au projet.
Accusé de ne pas suffisamment soutenir l’exécutif, ce partisan d’un report de l’âge de départ jusqu’à 65, 66, voire 67 ans, voit son groupe semer la confusion, certains députés menaçant de voter contre ou s’abstenir.
La Première ministre a assuré qu’elle n’avait « pas de doute » sur le vote de la majorité en faveur de la réforme.
En première ligne sur cette réforme, la cote de confiance d’Elisabeth Borne a atteint un plus bas depuis sa nomination à 23 % (-4 points), selon un sondage Elabe.