
[Mis à jour le vendredi 17 février à 19h00] : Suite aux alertes lancées par le collectif inter-organisation, la mairie de Rennes a demandé une procédure de référé pour expulser les exilés logeant au gymnase Constant Véron. Le juge ayant accepté ce référé, un jugement aura lieu lundi 20 février, pour répondre à la situation des réfugiés de ce gymnase.
Dans le cas où le juge accorderait l’expulsion du gymnase et s’il ne donnait pas de délais précis aux exilés pour le quitter, « ils auront six heures pour évacuer les lieux, dès lors qu’ils auront officiellement été informé du jugement », indique Camille, bénévole pour l’association Utopia 56 (membre de l’Inter-Organisation). Dans ce cas, les forces de l’ordre seront autorisées à intervenir si le gymnase ne venait pas à être évacué.
Contactées, la mairie de Rennes et la préfecture d’Ille-et-Vilaine ne souhaitent pas encore s’exprimer sur la situation réfugiés du gymnase Constant Véron.
Ce lundi 13 janvier, l’Inter-organisation de soutien aux personnes exilées a appelé à venir constater la situation de ces dernières au gymnase Constant Véron. Le collectif dénonce le manque d’action des autorités et l’insalubrité publique du gymnase. Actu Rennes s’est rendu sur place.
411 personnes ont passé au moins une nuit au gymnase
Le 7 novembre 2022, l’Inter-organisation a décidé de réquisitionner le gymnase Constant Véron pour mettre à l’abri les oubliés de la troisième évacuation de l’année (gymnase de la Poterie, campements de la Touche et Saint-Cyr, campement des Hautes-Ourmes).
À chaque évacuation, des personnes ont été relogées, mais « d’autres ont été laissées à la rue, bientôt rejointes par de nouveaux arrivants », selon le collectif.
Un va-et-vient aussi décrit par Camille, membre d’Utopia 56, une association qui fait partie de l’Inter-organisation.
La moitié des personnes ici devrait déjà être relogée car leur procédure est validée. Il n’y a que les familles qui finissent par être prises en charge, les autres sont complètement oubliés. Ici, c’est un bal de gens qui partent qui reviennent…
Au fil des semaines, l’Inter-organisation a décompté 56 départs vers des Centres d’Accueil et de Demandeurs d’Asile, 34 familles avec enfants sont allées en hôtel.
Depuis 3 mois, 411 personnes y ont passé au moins une nuit, dont 53 familles et 112 enfants. Au gymnase, 63 demandeurs d’asile devraient tous être logés le temps de leur procédure, mais parmi eux, certains « ont passé la totalité de leur procédure dehors ».

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« Surpeuplé, insalubre, dangereux »
En application d’une directive du ministre du logement, les familles avec enfants ont été prises en charge pour la durée de l’hiver. Mais des familles continuent de se présenter au gymnase.
L’inter-organisation dénonce un lieu aujourd’hui « surpeuplé, insalubre, dangereux ». Au 7 février, 118 personnes, dont un enfant, y ont dormi.
Parmi ces 118 personnes placées au gymnase Constant Veron, une femme enceinte, 5 femmes seules, « deux mineurs non accompagnés dont la minorité est contestée, donc non pris en charge, et qui contestent ce refus devant le tribunal. »
Il y a beaucoup de problèmes de personnes, de malades. Tous les jours, elles appellent le 115, mais il n’y a pas de place.
Une quarantaine de personnes ont une pathologie grave. Une d’entre elles souffre d’un cancer très avancé. « Leur situation médicale est connue de l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, N.D.L.R) et du SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Intégration, N.D.L.R) », assure le collectif.

Des tentes déchirées à la machette
Thierno, réfugié d’origine guinéenne est là depuis deux mois. « Avant je dormais dans la rue, je passais la nuit à la gare, j’ai passé deux nuit au 115 (numéro d’aide aux personnes sans abris et en grande difficulté sociale, N.D.L.R.) avant d’avoir obtenu ma demande d’asile. Je suis venu ici le 7 novembre », raconte-t-il à actu Rennes.
Ici je me trouve dans une situation très critique. Avant-hier, un géorgien drogué est venu avec une machette et a déchiré ma tente. Ce n’est pas les papiers qui me font peur, ici, je me préoccupe pour ma vie. Quand on est ici, on ne dort pas.
« J’ai obtenu une carte de l’OFII qui doit me loger », relate Thierno.

3 349 nuitées
En ne comptant que les demandeurs d’asile en cours de procédure, le gymnase a assuré 3 349 nuitées, « faisant économiser plus de 60 000€ à l’État« , selon le collectif.
Mais ce chiffre ne fait pas apparaître les nombreuses nuitées du 115 refusées chaque soir. En décembre, le 115 n’a pas pu proposer de place à 69% des personnes qui l’ont sollicité.
L’Inter-organisation de soutien aux personnes exilées a obtenu une audience à la préfecture le 31 janvier pour faire le point sur la situation.
Monsieur Blet, Secrétaire Général adjoint, reconnaît que l’État ne remplit pas ses obligations en ne logeant pas les demandeurs d’asile et les personnes vulnérables. Mais il estime faire le maximum, et semble trouver bien pratique que les militants prennent en charge les laissés-pour-compte.
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« On demande à la préfecture de reloger »
Marion, elle aussi membre d’Utopia 56, est claire sur les besoins de ces réfugiés : « On demande à la préfecture de reloger toutes les personnes qui sont ici. Elles sont soit en demande d’asile soit en grande vulnérabilité, elles devraient être relogées par le 115 ».
On n’a pas les moyens humains et les capacités de faire plus de choses. La gestion du gymnase, ça demande déjà beaucoup. On ne fait pas de distribution alimentaire. On essaye que les personnes s’en aillent. On fait plus de l’orientation administrative, de l’aide au quotidien et de la médiation sur les conflits car, avec la promiscuité, ça devient compliqué niveau entente…
« Tout le monde se renvoie la balle entre le 115, le CADA (Centre d’accueil de demandeurs d’asile N.D.L.R) et le CPH (Centre provisoire d’hébergement N.D.L.R)… », désespère cette membre d’Utopia 56.
« Qu’est-ce qu’il va se passer en avril ? »
Camille, la collègue de Marion, explique qu’il « n’y a pas de rotation pour les familles jusqu’au 31 mars, à la fin de la trêve hivernale« .
Qu’est ce qu’il va se passer en avril quand toutes les familles vont sortir ? Ils n’ont rien prévu ? Pas de réponse ! Ca va être la surprise.
« Quand la trêve hivernale va se terminer, ça va faire beaucoup de monde à reloger », souligne Camille.
Coline Merhand et Laure Gentil