
« J’avais été piqué au vif », avoue l’historien Hugues de La Touche, à propos de la genèse de son livre Saint-Malo poétique. L’homme a de qui tenir, il est le petit-fils de François Tuloup, médecin et auteur de L’histoire générale de Saint-Malo, ouvrage couronné par l’Académie française en 1966.
Un grand-père « qui m’a donné le goût de l’histoire », explique l’intéressé qui n’a pas à rougir de son propre parcours. Il a été le conservateur de l’ensemble des galeries et musées de Menton (Alpes-Maritimes). Auteur de quelques centaines d’articles publiés dans les colonnes du Pays Malouin, il a également écrit de nombreux ouvrages, certains sur l’histoire malouine.
Un défi relevé
Oui, mais voilà… « Après mon livre sur les traditions et les coutumes, reprend Hugues de La Touche, une lectrice m’avait reproché de ne faire ‘que de la compilation’. »
Il aurait pu se contenter de lui dire qu’un historien se nourrit forcément de sources… mais le Malouin a préféré relever le défi.
« C’était pendant le confinement, à Menton où je vis la moitié de l’année. Le temps était un peu long. J’allais marcher, je montais et descendais une colline. Je me suis dit que j’allais écrire l’histoire de Saint-Malo sans notes. J’ai écrit en marchant, sans crayon, avec mon téléphone pour retranscrire à l’écrit ce que je disais. »
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Au rythme de la marche et de la poésie
L’exercice a été « amusant » ; cela lui rappelle les strophes écrites lorsqu’il était enfant et adolescent. « Il y a une espèce de fluidité dans la poésie, un rapport avec le rythme de la marche que j’ai ressenti très fort. Ça me semblait tellement naturel… » Pour écrire en vers, il s’agit de « se répéter les choses, de retourner les mots dans tous les sens, d’entendre ceux qui claquent mal ».
Et le lecteur dans tout ça ? Va-t-il s’y retrouver ? « Il me semble qu’avec la poésie on rentre mieux dans l’histoire. Comme on sait que ça va rimer, on anticipe », sourit Hugues de La Touche. Il espère que l’ouvrage donnera envie aux lecteurs d’aller plus loin sur tel aspect ou tel personnage de l’histoire malouine.
Les grands épisodes de la cité
Bien sûr, il aborde les épisodes bien connus, comme la proclamation de la République malouine en 1590 (La République des négociants est proclamée. / Mais les assaillants par la justice royale condamnés / Il ne leur reste qu’à demeurer courageux. / Et se donner à Henri IV le chef glorieux) ; la Grande brûlerie de 1661 * (Les maisons de bois s’enflamment en un instant / Rendant sans abri trois mille habitants / Des quartiers entiers sont détruits : La Poissonnerie / La Grand Rue, Vieille Boucherie, jusqu’au Pilori) ; ou encore la machine infernale lancée par les Anglais contre Saint-Malo en 1693 (Chance ! Le navire talonne le Gros Malo / Déverse sur la roche, modifiant le scénario / Rempli de naphtes, de résine et de poix / Il explose. Mais la mer, trois cents bombes noie).
Hugues de La Touche a aussi distillé des « choses que je n’avais jamais eu l’occasion d’écrire ». Sur Jacques Cartier par exemple, « que les Malouins ne connaissent pas vraiment ». Ou encore « le savon qu’avait passé Vauban à Garangeau », lors de l’extension des remparts : (Vauban) dénigre en public ce qui a été bâti / Exigeant le fort La Reine et la Grande batterie.
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Des personnalités moins connues
L’auteur met aussi en avant des personnalités locales qui ont bien leur rue ou leur place à Saint-Malo mais y sont moins célébrées que des Surcouf ou Duguay-Trouin. Tel La Harpe qui a découvert le golfe de Gaveston, là où sera construite la ville de Houston, ou Dupont-Gravé (ou Gravé-Dupont), mentor de Samuel de Champlain, qui participa à la fondation d’une colonie française permanente en Acadie.
L’occasion d’évoquer aussi Guillaume Couillard, qui a bien sa rue à Québec mais pas à Saint-Malo. Ce charpentier de marine à Saint-Servan sera le premier à avoir utilisé la charrue en Nouvelle-France… et aussi à y laisser une postérité. Marié là-bas à Guillemette Hébert, il en aura dix enfants et fut le premier le premier colon français de Nouvelle-France anobli par le roi Louis XIV.