
Est-ce qu’on peut imaginer jouer 300 matchs au sein du même club lorsqu’on commence sa carrière ?
Je ne l’ai pas imaginé parce que lors de mon premier match, face à Rodez (en 2007), on était déjà au mois d’octobre. Je faisais partie du groupe mais c’était seulement ma première entrée. Entre-temps, il y avait eu toute la préparation et je ne pensais vraiment pas y arriver dans le football. Aujourd’hui, voir le chiffre 300, c’est magique. Il y a une certaine fierté.
Au départ, vous avez eu des craintes quant au fait de passer professionnel ?
Oui, parce que j’ai un parcours un peu laborieux. Je n’étais pas le meilleur au centre de formation. J’étais celui sur lequel on ne comptait pas forcément pour un contrat pro. Je n’étais pas le meilleur en tant que joueur mais j’avais sûrement le meilleur mental. Ça m’a permis par la suite de ne jamais rien lâcher et toujours y croire. Si on refait l’histoire, Denis Zanko m’avait signifié que l’aventure au centre de formation s’arrêterait. En fin de saison, il m’a dit : il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Les personnes qui vont te dire je croyais en lui, c’est de la flûte. Mis à part mes parents, mes frères et mes proches, personne ne croyait en moi.
Comment viviez-vous ces moments lorsque vous n’aviez pas la confiance du coach ?
Ce n’était pas facile mais en même temps je viens d’un monde où j’ai toujours vu mes parents charbonner pour essayer de finir les fins de mois. Mon père se levait très tôt et finissait très tard. Ma mère élevait quatre garçons. Je pense que ça a été une chance de vivre dans ce contexte pour affronter le monde du football qui est, de l’extérieur, un monde magnifique mais qui représente des années et des années de sacrifice. Dans notre milieu, en Ligue 2, tu ne peux pas te dire : je vais aller siroter un cocktail après ma carrière. Tu penses déjà à l’après, tu sais qu’il va falloir aller travailler. Tu n’as pas le salaire des grands clubs. Pas du tout. On fait le même métier mais différemment (sourires).
Vous pensez à votre après-carrière depuis longtemps ?
J’y pense depuis toujours. J’ai un Bac +2 BTS négociation relation client. Pendant ma carrière, quand j’étais à Laval, j’ai passé le DUGOS (Diplôme Universitaire Gestionnaire des Organisations Sportives). J’ai toujours eu cette crainte que le football s’arrête rapidement.
Comment s’est passé votre retour cet été ?
Quand j’étais en fin de contrat avec Caen, j’avais dit à mon agent que si Laval se positionnait, ma priorité était d’y revenir. Quand tu reviens, les gens attendent le joueur qu’ils ont connu. Je suis parti à 30 ans, revenu à 36 ans, alors forcément les gens disent : il est vieux, qu’est-ce qu’il va apporter ? Mais le vieux, il court encore (rires). Je me suis aussi demandé si mon retour n’allait pas gâcher ce que j’avais fait avant, s’il allait apporter une plus-value à l’équipe ? Tu sens plus de regards sur toi parce que tu as manqué aux gens. C’est beau, ça fait plaisir. Quand les gens me voient, ils sont intimidés mais ils ne savent pas qu’en fait c’est moi qui suis intimidé par ce qu’ils me donnent. C’est une force et je les remercie pour ça. Ils sont toujours bienveillants et positifs.

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Le Stade lavallois a-t-il changé en six ans ?
Quand je l’ai quitté, c’était un club familial. J’ai eu des échos pendant cinq ans de galère où le club s’est défait de cette ADN. Aujourd’hui, tout le monde au club redonne corps et âme pour le Stade lavallois. Je pars du principe que nous, joueurs et entraîneurs, on est de passage. On essaie d’écrire la plus belle page de l’histoire. Ce qui reste à la fin et ce qui se transmet de génération en génération, ce sont les supporters. Tu sais que le résultat du samedi soir va faire que le dimanche midi, le Stade lavallois est invité à table le dimanche midi. On a cette chance de pouvoir faire en sorte que les gens s’évadent de leur quotidien pendant 90 minutes. Tu rassembles les gens, il n’y a plus de classes sociales. Au stade, tu es assis à côté d’un avocat, un ouvrier, un chef d’entreprise…
« Tu prends ta dose d’amour, c’est incroyable »
L’osmose avec le public a aussi été retrouvée.
Quand je suis revenu, le fait d’aller boire une bière avec les Socios, c’est là aussi où on peut montrer, qu’en tant que joueur du Stade lavallois, on est très terre à terre. On ne se prend pas pour d’autres. Je vois Ju Maggiotti avec le tambour… Tu y vas, les gens sont heureux car habituellement, il te voit d’assez loin. Nous, on ressent leur ferveur… Même après une, tu es accueilli à bras ouverts. Je pense que si tu es triste, tu vas là-bas, tu prends ta dose d’amour, c’est incroyable. On a cette chance d’avoir ce lien créé par l’équipe de l’année dernière. Ces mecs-là ont su créer quelque chose grâce à leur saison. On en récolte les fruits aujourd’hui. Ça nous permet de faire des choses cohérentes à domicile.
Vous voyez-vous finir votre carrière à Laval ?
Je me vois finir ici, oui… J’ai l’image en tête de mes enfants qui donnent le coup d’envoi avant le match contre Annecy : mon fils, son maillot du Stade lavallois et son sourire… Ce moment était fort. Le rêve de mon fils serait de faire comme papa. Tu te dis pourquoi pas. Sans aucune pression car je ne veux pas pousser mon fils ni lui mettre la pression, mais l’image était symbolique. Je me dis que je finirai ici et qu’il sera temps de passer le flambeau. J’ai un an de contrat (+1 en cas de maintien). Tant que je peux courir, je vais courir. Mon histoire n’est pas finie. J’ai rouvert le livre, il manquait deux ou trois chapitres (sourires).
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Qu’est-ce qui vous anime aujourd’hui avant de boucler ce livre ?
Les émotions. C’est une drogue. Je n’arrive pas à m’en défaire. Quand tu écoutes tous les anciens, il n’y en a pas un qui te dit : raccroche. Ils te disent plutôt : tant que tu peux jouer, joue parce que la vie d’après sera différente. À 36 ans, je n’arrive toujours pas à avaler la défaite, par exemple. Quand tu gagnes, tu as l’impression que tu voles. Je suis dans l’émotion, le partage…
Récupérer le brassard de capitaine peut-il être un « objectif » ?
Non. On m’avait donné le brassard ici car j’ai ce tempérament et cette mentalité de leader. Au final, peu importe les clubs, on me demande toujours la même chose : l’exemplarité, emmener les mecs avec moi… Même si je n’ai pas le brassard, on me donne des responsabilités. Donc au final, que ce soit Jimmy Roye, Jordan Adéoti (vice-capitaine) ou moi capitaine, on nous demandera toujours la même chose. Le brassard n’a pas été une condition pour signer. On m’a posé la question, j’ai répondu : non et que le coach était monté avec un capitaine. Je ne me voyais pas arriver et dire c’est moi le capitaine. J’ai beaucoup de respect pour l’équipe qui a fait remonter mon club en Ligue 2.