
Jeudi 2 février 2023, sur les coups de 15 heures. Un passager vient d’oublier son bagage dans un train arrêté en gare de Rouen (Seine-Maritime), son terminus. À quelques centaines de mètres de là, dans les murs de la direction régionale de la SNCF, une rumeur parcourt soudain les deux rangées de bureaux alignées face à face, au milieu d’une salle équipée de grands écrans. Heureusement, ledit voyageur se rend vite compte de son étourderie. Fin de la procédure bagage abandonnée. Cet incident n’affectera pas la circulation des trains. Le calme revient au centre opérationnel de proximité Paris-Normandie (COPPN).
La « tour de contrôle » des lignes normandes
Véritable « tour de contrôle », le COPPN supervise le trafic sur l’ensemble des lignes normandes, qui voient passer quelque 400 trains, 40 autocars et 90 000 voyageurs par jour. En France, la SNCF compte au total 11 de ces centres opérationnels de proximité. 76actu a pu visiter celui de Rouen, jeudi 2 février 2023. D’ordinaire, ses portes ne s’ouvrent au public que lors des Journées européennes du patrimoine.
Le COPPN fonctionne en 3×8. Une cinquantaine de personnes s’y relaient toute l’année. « Notre mission première consiste à gérer les aléas, en lien avec nos collègues de SNCF Réseau [gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, NDLR] et nos agents de terrain », expose David Bous, responsable adjoint du COPPN qui dépend de SNCF Voyageurs.

Quatre missions
Lorsque qu’une panne ou un accident survient sur les lignes normandes, l’information remonte au centre opérationnel de proximité via les agents de gare, contrôleurs ou conducteurs.
Il nous appartient ensuite d’évaluer à quel point l’incident est important pour décider des éventuels retards et suppressions de trains.
Ces décisions reviennent au « chef de plateau » qui pilote une équipe d’une dizaine d’agents. Chacun assure la liaison avec un « métier » de la SNCF : équipages, matériel roulant, gares, contrôleurs, information aux voyageurs…
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Il s’agit à la fois d’adapter le plan de transport pour revenir le plus rapidement possible à la normale, de prendre en charge la clientèle (report de voyage en autocar ou en taxi, ravitaillement, hébergement en hôtel, etc.) et les équipages impactés, et de « diffuser l’information aussi bien en interne auprès des agents de gare et contrôleurs que dans les médias digitaux à destination des clients (application SNCF Connect, fil Twitter SNCF Nomad) », détaille le responsable adjoint du COPPN.
On se doit d’obtenir l’information la plus fiable possible pour donner une estimation de l’heure de reprise du trafic aux voyageurs.
À cette fin, les agents peuvent s’appuyer sur différents scénarios préétablis, « en fonction de la localisation de l’incident et de son impact sur les voies ». Ainsi, l’interruption du trafic pour un accident de personne est donnée pour au moins 2h30. « C’est parfois mieux ou moins bien, chaque aléa garde sa particularité », nuance David Bous.
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Alors que la SNCF se concentrait principalement sur « l’opérationnel » − la résolution des incidents − l’entreprise attache de plus en plus d’importance à « expliquer par quelles étapes on passe pour trouver une solution ». Selon la formule consacrée en interne, il faut « raconter l’histoire » aux usagers. Pour mieux faire passer la pilule des retards ?
Certes, les taux de ponctualité de l’année 2022 − 93 % de trains à l’heure sur l’ensemble du réseau normand, 90 % sur les liaisons avec Paris − sont en nette amélioration par rapport à 2019, dernière année de référence avant la pandémie de Covid-19. Mais les voyageurs se souviennent encore des grosses difficultés de l’été dernier, quand les fortes chaleurs ont généré pannes et retards en pagaille, parfois de plusieurs heures.

Quand la salle de crise entre en action
C’est alors que peut entrer en action la salle de crise, « quand l’incident n’est plus maîtrisable par le collectif tel qu’il est », indique David Bous. Ce dispositif a notamment été activé lors de la tempête Gérard. « Ce sont des spécialistes de chaque métier, des astreintes qui viennent le plus rapidement possible pour aider le plateau. » Ils sont au moins sept, parfois plus en fonction de l’importance et du type d’aléa.

Ces experts gèrent notamment les opérations complexes qui requièrent des moyens particuliers. Par exemple l’évacuation de voyageurs malades ou handicapés. Ou encore le transbordement des passagers s’il faut évacuer un train arrêté au milieu de nulle part.
« Une petite étiquette peut éviter bien des problèmes »
Au cours de notre visite du centre opérationnel de proximité Paris-Normandie, il a beaucoup été question des objets oubliés qui occasionnent bien des retards pour un motif largement évitable.
Chaque année, ce sont 30 000 trains touchés, 3 000 supprimés, 14 millions de voyageurs impactés et 620 000 minutes (430 jours) de retard en cumulé, dénombre Régis Mutel.
Pour faciliter la résolution de ces incidents, la SNCF a lancé un plan d’action national en mai 2022. Ainsi, les règles se sont assouplies pour permettre aux voyageurs étourdis de récupérer leur bagage à un stade plus avancé dans la procédure de gestion des objets abandonnés.
Régis Mutel tient à faire passer un message aux usagers : « Pensez à bien étiqueter vos bagages. Cela nous permet de retrouver plus facilement le propriétaire et de mettre fin plus rapidement à la procédure. »
« Une petite étiquette peut éviter bien des problèmes », résume son collègue David Bous.
Par ailleurs, « on gère les relations avec les autorités extérieures (préfecture, gendarmes, pompiers), pour coordonner tous les acteurs amenés à intervenir sur une crise », complète Régis Mutel, directeur du centre opérationnel de gestion des circulations (COGC) chez SNCF Réseau et, à l’occasion, responsable de la salle de crise. « On travaille aussi avec nos voisins car un incident en Normandie peut avoir des répercussions sur d’autres réseaux et inversement. »
Le but étant qu’à la fin, « on retombe sur nos pattes », dixit David Bous. Ou plutôt « sur nos roues ».