« L’expert nous demande d’évacuer mais la mairie nous dit qu’on peut rester. Qu’est-ce qu’on fait? En attendant, si l’immeuble s’effondre, on va tous en prison. » Lucie Blanc et Junior Jouve sont dépités. Au numéro 25 de la rue Fersen, dans le Vieil Antibes, l’une est gérante de la boutique Miss Mam. L’autre est le patron du bar à pâtes La Fabrique. Ce lundi, ces deux jeunes entrepreneurs ont reçu un courrier leur demandant « de ne plus occuper les biens qu’ils louent » pour leur sécurité… Que se passe-t-il?
« Risque d’effondrement avéré »
Tout a commencé un mois en arrière, lorsque les secours débarquent en plein milieu de la nuit dans le bâtiment. Un dégât des eaux dans un appartement du deuxième étage a fait tomber la couche de plâtre du plafond de son voisin du dessous. Les occupants des deux parties sinistrées sont relogés. L’agence Guynemer, qui s’occupe du logis, demande une investigation. Le rapport du bureau d’études (que Nice-Matin a pu consulter) tombe lundi: « L’état des dégradations des éléments structurels du plancher est tel que le risque d’effondrement est avéré. Il convient de proscrire sans délai l’accès à toutes les zones correspondantes aux pièces humides et pièces limitrophes et ce quel que soit le niveau, du rez-de-chaussée au dernier étage. »
Arrêté de péril imminent
Contactée par nos soins, la municipalité confirme être en train de rédiger un arrêté de péril imminent avec une mise en demeure de travaux pour le propriétaire… Mais seulement pour les deux appartements touchés par le dégât des eaux, au-dessus du restaurant La Fabrique. La raison? « Nos services sont passés, hier, et ont constaté que les commerces ne sont pas concernés par le sinistre. Ils n’ont pas à être évacués. » La douche froide, pour le restaurateur: « Non seulement ça veut dire que l’assurance ne nous couvre plus, mais en plus je suis censé continuer à recevoir des clients à table malgré le risque? Regardez mon plafond à l’entrée, j’ai eu un écoulement d’eau il y a quelques jours. »
De son côté, Lucie Blanc hallucine: « Personne n’est venu inspecter mon magasin. Comment peuvent-ils prendre cet arrêté sans avoir contrôlé toutes les parties? J’ai des fissures au plafond et je peux même voir la paillasse des escaliers du couloir au fond de mon placard, tellement c’est détérioré. » Spécialisée dans les vêtements pour les futures mamans, la jeune femme loue depuis novembre l’appartement du dessus pour y tenir des ateliers. « Le sol est bossu et s’est affaissé de deux centimètres par rapport aux plinthes. J’ai dû mettre ma salariée au chômage technique. Je ne peux pas la faire travailler alors qu’un expert proscrit l’occupation. S’il y a le moindre problème, je suis responsable. »

Possible perte d’exploitation
Alors, pour la suite? C’est le flou complet. « Si je pouvais apporter une réponse plus précise, je serais le premier à le faire », assure Fabrice Cauvin directeur de l’agence Guynemer. Dans le rapport, l’expert demande de ne plus occuper les pièces limitrophes: c’est à l’interprétation de chacun… »
En attendant, Junior Jouve s’inquiète: « Je ne peux pas m’arrêter de travailler, j’ai des charges à payer tous les mois et un crédit à rembourser. Si le bâtiment entier n’est pas classé en péril, les assurances ne nous aideront pas. » Sa voisine renchérit: « Ils disent qu’on peut rester mais le risque aurait des conséquences trop graves. Si une partie s’effondre, c’est tout le bâtiment qui pourrait tomber. Il pourrait y avoir des morts. »