En fugue de son petit appartement d’Arcachon où ses voisins se souviennent encore de ses hurlements nocturnes, de l’odeur de cannabis et des parties communes saccagées, refoulé d’un centre tibétain, en rupture de traitement, il…
En fugue de son petit appartement d’Arcachon où ses voisins se souviennent encore de ses hurlements nocturnes, de l’odeur de cannabis et des parties communes saccagées, refoulé d’un centre tibétain, en rupture de traitement, il s’était rendu en stop en Périgord, avait volé un couteau et s’était attaqué à son père dans son sommeil, avant de fuir en Espagne.
Il a toujours admis l’avoir « percé ». Ce qui fait débat, c’est son état de santé mentale et sa responsabilité pénale. En avril 2022, la cour d’assises de la Dordogne a estimé que le trouble psychique, dont il était atteint au moment des faits, a altéré son discernement et entravé le contrôle de ses actes et l’a condamné à 25 ans de réclusion criminelle.
« La déréalisation du fait des jeux vidéo, de l’alcool et du cannabis ont mis de l’huile sur le feu, l’ont fait basculer »
Bataille d’experts
Il a fait appel du verdict, ce qui lui vaut de comparaître pour meurtre d’un ascendant depuis ce mardi 28 février devant la cour d’assises d’appel de la Gironde. « Je pensais que je serais aboli », justifie-t-il à la barre, escorté par des personnels de l’unité pour malades difficiles du centre hospitalier spécialisé de Cadillac (33) où il a été placé.
Quatre des sept psychiatres commis dans ce dossier sont appelés à témoigner d’ici jeudi 2 mars au soir. Car l’avis de trois collèges d’experts a été demandé lors de l’instruction. Le premier et le troisième concluent à une « simple » altération du discernement, le deuxième à une abolition.
La bataille d’experts fait rage jusque dans la salle d’audience, chaque partie au procès insistant sur ce qui l’arrange. Me Christian Blazy et Alexandra Boret, les avocats de la défense, insistent sur les nombreux diagnostics de schizophrénie posés par divers médecins depuis une vingtaine d’années. Si la cour d’assises d’appel retient l’abolition, l’accusé sera déclaré pénalement irresponsable et il n’y aura pas de peine de prison, mais de nouveau une hospitalisation en milieu psychiatrique.
« Maladie mentale ? »
Sage, poli, Adrien Contie lève la main pour demander la parole. Il se contredit. « Je veux être incarcéré à Gradignan, si on se comporte bien, on gagne en temps. » Une réflexion et un ancrage dans la réalité qui ne surprennent pas un expert du premier collège qui, à l’inverse de dizaines de confrères, a repéré chez l’accusé « un mode de fonctionnement adaptatif ».
« Il n’y a pas d’éléments convaincants pour le situer catégoriquement comme schizophrène », assure le psychiatre, inébranlable dans sa conviction, et qui parle au mieux de « traits », de « touches ». « Il est certain que la déréalisation du fait des jeux vidéo, de l’alcool et du cannabis l’ont fait basculer. Mais la carte de la maladie mentale est jouée comme un joker. Cela peut donner à penser que tout est permis pour lui. »
Le verdict est attendu jeudi 2 ou vendredi 3 mars.
« C’était un zombie »
Elle ne sait pas par où commencer. Après un « ça va mon bébé ? », murmuré en passant devant son fils et en prenant sa main avidement tendue, la mère de l’accusé tente de résumer vingt-deux ans d’une vie marquée par un suivi médical et psychiatrique précoce.
« C’est mon fils unique, glisse-t-elle. L’histoire avec son père n’a pas duré. Même s’il l’a reconnu, ce n’était pas un enfant désiré, contrairement à ses deux demi-frères. Je l’ai élevé seule. Il n’avait pas d’entourage proche à part moi. » Pour assumer financièrement ce duo fusionnel, elle a souvent déménagé en fonction du travail trouvé. Jusqu’en Suisse, où elle a rencontré son mari, de 30 ans son aîné.
« Adrien a eu une enfance joyeuse et une adolescence dure et difficile », rythmée par les changements d’école ou de structure, les fugues, les hospitalisations, la consommation massive de cannabis, commencée à 11 ans, les vols pour se procurer ses toxiques… « À un moment, il ne sortait plus de sa chambre, à fond dans ses jeux vidéo au point de se projeter dedans, de vivre l’histoire de l’intérieur. C’était un zombie, on voyait dans son regard qu’il n’était pas là. Il a vu des dizaines de médecins. Ils parlaient de bizarrerie, de troubles du comportement, puis de schizophrénie. »
Une précédente agression au couteau au Maroc ? Une éjaculation après s’être frotté contre une passante sur le marché d’Arcachon ? « Je ne veux pas lui trouver des excuses, mais… ». « Je ne veux pas le dédouaner, mais… » Mais elle reste sa mère, aimante et soutenante, et trouve des explications à défaut de justifications.