Elle était « couchée sur le ventre », comme fondue dans le mortier du parapet du Pont-Vieux, « à la jonction avec la façade ». Le 16 janvier, en achevant l’inspection du muret un peu croulant du Pont-Vieux, les archéologues de Toulouse Métropole sont tombés sur une découverte pour le moins étonnante. « Inattendue » même, assure le maire Jean-Luc Moudenc. Il s’agit d’une statue, d’un mètre environ, sans torse ni tête, portant une besace sur son côté gauche.
« C’est quand on a effrité les morceaux de mortier qui étaient encore accrochés dessus qu’on a vu apparaître la qualité du drapé puis l’inscription sur le socle », raconte Mélanie Chaillou, l’archéologue qui dirige les fouilles. Des fouilles obligatoires, en amont de la rénovation, par le CHU, de la façade de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques, classé monument historique, et de cette terrasse avançant sur la Garonne en surplomb de l’unique pile restante du Pont-Vieux qui, avant la construction de son remplaçant, le Pont-Neuf, en 1632, est resté cinq siècles durant l’unique voie de passage pour les Toulousains entre les deux rives de la Garonne.
Un début de date et un nom
Alors, quelles péripéties peuvent bien se cacher derrière cette statue transformée en pièce de maçonnerie ? Le socle, très bien conservé, a permis de lever immédiatement une partie du voile. Il y a sur sa gauche un 1 et un 5, les deux premiers chiffres d’une date qui permettent de dire que cette statue en calcaire a été sculptée au XVIe siècle. Il y a ensuite des lettres : un S puis I, A, C, O et l’esquisse d’un B à demi effacé. De quoi déduire facilement, avec la besace en indice bonus, qu’il s’agit là des pieds, des jambes et de la taille d’un Saint-Jacques, surtout à l’Hôtel-Dieu, une halte des chemins de Compostelle.
On sait donc qui, Saint-Jacques le Majeur, mais pas encore pourquoi. « Elle est très bien sculptée sur les trois quarts de sa surface, ce qui veut dire qu’elle était probablement adossée, soit dans une niche, soit à l’entrée d’un portail », avance Mélanie Chaillou.
Recyclage ou vandalisme ?
Mais alors, pourquoi, et quand, s’est-elle retrouvée emmurée dans le Pont-Vieux ? Peut-être par simple souci d’économie parce qu’elle avait déjà perdu la tête et n’avait plus rien de décoratif. L’archéologue imagine que, peut-être, ceux qui l’ont « recyclée » en matériau de construction n’ont pas osé la détruire tout à fait « en raison du symbole religieux ». A moins qu’elle n’ait été malmenée plus tard par quelque révolutionnaire. Il reste encore du travail pour relier la découverte à l’histoire du Pont-Vieux et à ses soubresauts.
« Pour l’heure, la statue va être confiée à l’atelier de restauration de la ville, explique Bastien Lefebvre, conservateur du patrimoine à la direction régionale des affaires culturelles (Drac). Il faut encore mener des analyses, connaître la bonne santé de la pierre, savoir si des polychromies ne se cachent pas dans le drapé. On va aussi mener des études stylistiques et comparatives, essayer de retrouver des statues similaires ».
La statue sans tête du Pont-Vieux a encore toute une histoire à raconter.