
Chaque trimestre, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Vendée réalise une enquête auprès des entrepreneurs du département afin d’évaluer l’activité économique et jauger leur ressenti sur le climat des affaires.
La dernière en date s’est déroulée du 16 au 27 janvier 2023 afin de revenir sur l’activité du 4e trimestre 2022 et sur les perspectives pour 2023. 678 chefs d’entreprises y ont répondu.
Les résultats ont été présentés vendredi 10 février, à La Roche-sur-Yon, au cours d’une matinale organisée à la CCI, enrichie avec les analyses d’Arnaud Ringeard, président de la CCI, d’Olivier Sigaud, directeur départemental de la Banque de France, Hélène Boursier, présidente de la Fédération française du bâtiment de Vendée (FFB), Alain Dombek, co-président de la fédération vendéenne des unions commerciales et artisanales, et Thierry Liégeon, président de l’Union de l’industrie métallurgique de Vendée (UIMV).
Un ralentissement qui se confirme
« On sent un peu plus de stress chez les chefs d’entreprises que par rapport à la dernière étude », souligne Arnaud Ringeard.
Bien que 79 % des entreprises disent avoir retrouvé fin 2022 leur niveau d’avant crise sanitaire, la conjoncture les appelle à plus de prudence pour 2023.
La tendance au ralentissement économique, constatée depuis le milieu de l’année 2022, semble en effet se confirmer. Une baisse de rythme qui s’explique par l’inflation et ses conséquences sur le pouvoir d’achat, mais aussi par la hausse des matières premières et de l’énergie qui pèsent sur l’activité des entreprises.
« Les coûts de l’énergie, des matières premières, la baisse de la clientèle et des carnets de commandes ont fait reculer les marges des entreprises », explique Arnaud Ringeard.
Pour 60 % des entreprises qui ont répondu, les trésoreries se sont dégradées et ont fait augmenter leurs prix de vente.
2 % des entreprises ont même dû cesser leur activité dans ce contexte, et 21 % estiment que la pérennité de leur entreprise est menacée. « Un constat plus marqué dans le secteur du commerce (26 %) et de l’hôtellerie-restauration (32%) », détaille Arnaud Ringeard (lire encadré plus bas).
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Frein sur le recrutement
Autre signe de ralentissement, le recrutement. En dépit d’un territoire dynamique où la pénurie de main-d’œuvre est réelle et dans tous les secteurs, les entreprises ont été moins nombreuses à embaucher au dernier trimestre 2022. 68 % ont gardé des effectifs stables (+ trois points par rapport à octobre) et 13 % déclarent une baisse d’effectifs (+ un point).
Elles sont 19 % à avoir gonflé leurs effectifs fin 2022, c’est trois points de moins qu’en octobre. « Cette proportion d’entreprises reste importante, ce qui confirme que les besoins en ressources humaines sont encore nombreux », rassure-t-on à la CCI.
En 2023, « pour les projets de recrutements, la stabilité semble s’imposer« , avance avec prudence Arnaud Ringeard. Parce que l’inflation est toujours là, les coûts de matières et d’énergie creusent les trésoreries et réduisent les marges.
Marges et rentabilité en recul
Pour Hélène Boursier, le secteur du bâtiment a connu une grosse activité après la crise. « Si le chiffre d’affaires a augmenté en 2022, c’est notre rentabilité qui a chuté à cause de plusieurs hausses des coûts des matériaux », confie-t-elle. Hausses qui n’ont pas pu être répercutées sur des devis par exemple.
2023 amène une autre incertitude selon elle.
2023 est un gros point d’interrogation sur le logement neuf, car la raréfaction du foncier, la hausse des taux bancaires et des matériaux rendent le marché difficile pour les primo-accédants. On craint donc un fort ralentissement dans la maison individuelle. On observe aussi une légère baisse dans le logement collectif. Ce sont des perspectives alarmantes
La représentante du bâtiment vendéen ne cache pas une potentielle mise en stand-by du recrutement.
Dans le secteur de l’industrie, on s’inquiète du tassement des commandes constaté au dernier trimestre 2022, les clients ayant anticipé leurs stocks craignant une hausse continue des coûts liés aux matières et à l’énergie en 2023.
« 2022 reste bonne année, hors automobile. On voit les prix des matières baisser, mais elles restent à un niveau élevé. On craint une érosion des marges », note Thierry Liégeon, président de l’UIMV.
Pour autant, l’industrie, elle, poursuit le recrutement.
Le recrutement est pour nous un problème récurrent et inquiétant. Le secteur a enregistré 500 démissions sur les six derniers mois de l’année 2022, c’est + 50 %.
Baisse de l’inflation et reprise en 2024
La résilience dont a fait preuve l’activité économique en 2022 laisse donc la place au ralentissement, pour 2023, à la prudence… « Avant une année de reprise attendue en 2024 « , annonce Olivier Sigaud. Le directeur départemental de la Banque de France estime que la poussée de l’inflation sera réelle « jusqu’en juin, puis on devrait observer une descente en fin d’année pour une baisse de l’inflation à 2,4 en 2024 et 2,1 en 2025 ».
Le secteur du commerce en grande difficulté
« Les modes de consommation ont totalement changé en quelques mois, c’est très violent. » Alain Dombek, co-président de la fédération vendéenne des Unions commerciales et artisanales (UKA) n’a pas caché son inquiétude face à la crise que traverse le secteur du commerce depuis la crise du Covid. Fin 2022, 44% ont déclaré une baisse d’activité, contre 41 % en octobre. Un tiers n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant Covid. Et les derniers chiffres concernant les Soldes d’hiver alimentent ce pessimisme. « La fréquentation de ces soldes est en baisse pour 51 % des commerçants, encore plus forte que 2022. Le chiffre d’affaires chute aussi pour 50 %, tout comme le panier moyen », indiquait Arnaud Ringeard, président de la CCI de Vendée. Plus de la moitié des commerçants interrogés jugent leur niveau de trésorerie très difficile, et 26 % craignent pour la pérennité de leur activité, soit 5 points de plus qu’en octobre.
La crise énergétique, la hausse du carburant sont venues s’ajouter aux nouvelles habitudes prises par les consommateurs lors des confinements. Moins sortir pour économiser l’essence, moins dépenser à cause de l’inflation ou alors consommer plus local, sinon commander en ligne. « Des restaurants ne font plus qu’un service pour économiser, les clients rentrent donc plus tôt et du coup, consomment moins. La baisse d’achat immobilier a des conséquences aussi, les gens vont moins dans les magasins de décoration », déroule Alain Dombek qui encourage « à repenser les cœurs de ville, pour faire revenir les boutiques, parties dans les zones, au plus près des consommateurs ».